LQJ-270

Entretien avec Jean-Louis Genard L’envie de savoir des villes Jean-Louis Genard est philosophe et docteur en sociologie. Il est le rédacteur en chef de la revue SociologieS et a été amené à étudier ou à entrer dans de nombreuses controverses et luttes urbaines*. Le Qinzième Jour : Quels sont les liens entre les universités et les autorités bruxelloises ? Jean-Louis Genard : Ces liens sont importants et prennent diverses formes. Si on compare à d’autres grandes villes, je pense qu’il y a une forte ins- titutionnalisation de dispositifs réflexifs entre la Région et la ville de Bruxelles d’un côté et les insti- tutions académiques de l’autre. N’oublions pas que la Région bruxelloise dispose de compétences en matière de financement de la recherche. Depuis les années 2000, elle a sollicité davantage le monde académique au travers de différents programmes de recherche, mais aussi en finançant la revue Brussels studies . Par ailleurs, dès le mois d’avril 2009, des associations citoyennes ont organisé les états généraux de Bruxelles. De nombreux acteurs s’y sont réunis pour débattre du devenir bruxellois. En sont ressorties de nombreuses réflexions, mais aussi le dépassement de clivages qui fracturaient la société et le monde politique. Dans la foulée, nous avons notamment fondé le Brussel Studies Institute , qui rassemble les trois universités bruxel- loises (VUB, université Saint-Louis, ULB) et qui s’est imposé comme un interlocuteur incontournable des autorités publiques. LQJ : Ces réseaux de réflexion transversaux sont dans l’air du temps… J-L.G. : Oui, ce qui y est particulièrement intéres- sant, c’est que d’anciens concurrents travaillent ensemble de plus en plus spontanément. Ce qui finit par créer une porosité entre les mondes poli- tiques, associatifs et académiques. Je parle de porosité parce que les influences sont mutuelles. Il y a des traductions, des renégociations constantes, des enjeux qui affectent la nature même des recherches. Ces réflexions à l’échelle métropo- litaine s’observent un peu partout dans les villes européennes, en particulier autour des enjeux d’aménagement de l’espace public. Un domaine dans lequel, à Bruxelles, il existe des dispositifs participatifs depuis longtemps. LQJ : Pourquoi ce besoin de réflexivité de la part des villes ? Ont-elles besoin de mieux se connaître ? J-L.G. : Il y a effectivement un déplacement de la lutte entre les États-nations vers une lutte ou une concurrence – de plus en plus grande – entre les villes. Au niveau des transformations de l’ac- tion publique, plusieurs dimensions entrent en jeu, dont la mise en place d’instruments réflexifs, les- quels se nouent et entrent en interaction autour de problématiques urbaines concrètes. Prenez la création du piétonnier de Bruxelles. C’est un acte politique assez violent au départ, qui a nourri une grande controverse, mais qui cherchait pourtant à répondre à une demande du secteur associatif. Suite à cette polémique, la Ville a créé un obser- vatoire du piétonnier : un organisme de suivi sur ce qu’il devient, sur les changements de pratiques ou de mobilités qu’il induit… Cet observatoire est rapidement devenu un Observatoire du centre- ville autour duquel se muliplient des activités, des recherches, des workshops où se croisent des acteurs des différents milieux académique, asso- ciatif, économique, politique. C’est un bel exemple d’un acte politique dont le caractère probléma- tique débouche sur la mise en place de dispositifs participatifs et réflexifs transversaux. * Jean-Louis Genard a enseigné la sociologie urbaine à l’Institut d’architecture La Cambre avant d’en assurer la direction. Après l’intégration des Instituts d’architecture à l’Université, il a été doyen de la nouvelle Faculté et s’est ensuite occupé du développement de la recherche. Il est le fondateur du Groupe de recherche sur l’action publique de l’ULB (Grap). mai-août 2018 / 270 ULiège www.uliege.be/LQJ 35 univers cité

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