LQJ-274

Sur un plan stratégique, en regroupant sur les deux bâti- ments, le neuf et l’ancien, la traduction-interprétation, l’ISLV, l’Institut Confucius et l’Institut d’études japonaises, c’est à la création d’un espace consacré aux langues que l’on assiste : le “site Pitteurs”. Les nouvelles installations et les investissements techno- logiques vont d’ailleurs dans ce sens. « Si le laboratoire de langue des signes et la cabine d’interprétation existaient déjà, ils ont été entièrement rénovés et équipés d’une technologie dernier cri. Dans la nouvelle implantation, il y aura égale- ment une salle de 100 places équipée du matériel d’inter- prétation. Cela permettra non seulement d’organiser des conférences ouvertes à un public plus large, mais aussi de permettre aux étu- diants de s’entraîner dans des conditions professionnelles », observe encore Julien Perrez. L’objectif est également de faciliter les synergies entre les différents services et langues enseignées. Pour Valérie Bada, chargée de cours, présidente du Cirti, i l s’agit d’une étape cruciale « pour la construction de notre identité et la reconnaissance de notre juste place au sein de l’Ins- titution. Le Cirti existe par la volonté des chercheurs qui le font vivre ; lui offrir ce nouvel écrin lui permettra de resserrer encore les liens qui les unissent au quotidien dans un environnement de travail magnifique. » Tous deux s’accordent sur le fait que ce regroupement laisse présager de fructueuses collaborations. Valérie Bada s’en réjouit d’autant plus que ce “site de Pitteurs”, permettra la création d’un espace de recherche extrêmement propice à la dynamique collective, aux relations entre recherche et enseignement ainsi qu’à l’interdisciplinarité si chère au Citri. « L’interdisciplinarité est au cœur de la traductolo- gie vu la nature de son objet d’étude, tant processus que produit. Nous jetons ainsi des ponts entre les disciplines et tentons de décloisonner afin de mieux cerner les multiples dimensions de notre objet d’étude. Cette démarche per- met de mettre en contact des disciplines scientifiques qui ne se croisent guère et d’appliquer des grilles de lecture différentes. » La nouvelle implantation marque un nouveau tournant dans la vie de cette jeune filière. Ce n’est pourtant pas la pre- mière fois qu’elle doit faire face à un tel chamboulement. « Au départ, depuis 2008, se souvient Julien Perrez , les études étaient organisées en codiplomation avec la Haute École de la ville de Liège puisque qu’elle était la seule à y être habilitée. La majorité des cours se donnaient dans les locaux de la Haute École et l’Université n’en assurait que quelques-uns. » Mais en 2013, le “décret Paysage” change la donne et l’habilitation des études de traduction et inter- prétation est confiée à l’Université. Les conséquences sont de deux ordres. « En 2010, l’organisation des masters en traduction et en interprétation pilotés par l’Université a permis à la recherche de se diversifier grâce à l’enga- gement de nouveaux académiques et scientifiques. En 2015, la filière a été pérennisée et la nouvelle organisation des unités de recherche a permis de donner une nouvelle impulsion et une visibilité accrue aux activités scientifiques menées dans le domaine de la traductologie », constate Valérie Bada. Julien Perrez ajoute que cela a surtout permis une réforme assez ambitieuse des programmes : « Nous avons poursuivi notre collaboration avec la Ville notam- ment pour les stages. Il nous paraissait important de main- tenir le caractère professionnalisant de la formation tout en l’associant à des contenus académiques et à une réflexion constante sur la pratique de la traduction et de l’interpréta- riation. C’est d’ailleurs ce qui aujourd’hui encore en fait sa spécificité. » Et son point fort. Cette proximité avec la réalité professionnelle attire sans conteste de nombreux étudiants. « Il faut de plus souligner que notre taux d’insertion professionnelle est de 100%. Il est aussi assez rapide : de trois à six mois en fonction de la langue choisie », explique Julien Perrez. En Belgique, le néerlandais et l’allemand restent des atouts considé- rables. « Selon une étude récente menée auprès de nos alumni, un tiers de nos anciens étudiants travaillent dans des métiers directement liés à la traduction, un autre tiers dans l’enseignement et enfin un dernier tiers en entreprise où ils ont fait valoir leurs connaissances lin- guistiques. » Séminaires assurés par des professionnels du secteur, entretien d’un large réseau de maîtres de stage en Belgique et à l’étranger, possibilité d’apprendre la langue des signes en bachelier... La filière ne ménage pas ses efforts pour ancrer le cursus dans des réalités de terrain et cela porte ses fruits. « Nous sommes attentifs à ce qui se passe dans le monde extérieur. » En lançant un certificat de connaissances juridiques pour les traducteurs interprètes jurés, le département, saisissant la balle au bond, répond clairement à un besoin spécifique. « Les per- sonnes qui veulent intervenir dans une procédure judiciaire doivent désormais s’inscrire dans un registre reconnu par le SPF Justice. Pour pouvoir accéder à ce dernier, ils doivent suivre une formation spécifique que nous allons organiser à Liège », poursuit Julien Perrez. penser la mondialisation La même optique est prônée du côté de la recherche. « Nous travaillons en collaboration constante avec les acteurs de terrain : des traducteurs professionnels, des institutions nationales et internationales, la Chambre belge des traducteurs et interprètes, etc. Nos manifestations scientifiques s’adressent aussi à un public non scientifique, car il est important pour nous de créer cette dynamique d’échange et de partage. Ce n’est pas tant de la vulgari- sation que de l’extériorisation des activités de recherche pour en montrer l’importance et pour préparer les évo- lutions du métier de traducteur, développe Valérie Bada . Nous tissons aussi des liens très étroits avec les acteurs culturels de la Cité : le théâtre de Liège, les librairies, la Cité Miroir... Nous voulons toucher des publics différents et montrer l’importance de la traduction et de la réflexion sur ces enjeux aujourd’hui. » Il faut dire que la traduction et l’interprétation sont finalement bien plus qu’une simple restitution de sens. Ces actes, une fois posés, en disent long sur notre société et sur notre manière de penser le monde. « La circula- tion des idées et des textes d’une aire de culture à une autre ne peut avoir lieu que par le biais de traductions. En outre, la traductologie développe une série de concepts et de catégories analytiques qui permettent de penser le contexte actuel de mondialisation, ainsi que les rapports géopolitiques entre les langues et les cultures. » Valérie Bada en est intimement persuadée : « Si elle est certes une activité pragmatique cruciale pour la construction des rela- tions internationales et pour la transmission des savoirs, dans une formation universitaire, on ne peut concevoir son enseignement sans une réflexion critique qui vise non seu- lement à mieux développer les compétences des étudiants en vue de leur avenir professionnel, mais aussi à interroger la traduction et l’interprétation en tant que pratiques dis- cursives, tant dans leurs dimensions théoriques qu’histo- riques, esthétiques et idéologiques, voire politiques. » Ancrer le cursus dans la réalité Nouveau site de Pitteurs 30 septembre-décembre 2019 / 274 ULiège www.uliege.be/LQJ septembre-décembre 2019 / 274 ULiègewww .uliege.be/LQJ 31 omni sciences omni sciences

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