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“ Un peu hyperactive”... Quand elle se définit, Sophie Laguesse tend à la modestie. Cette jeune chercheuse en neurosciences a pourtant un agenda bien rempli… Entre ses journées au labo GIGA de l’ULiège, au CHU, cette trentenaire dynamique est footballeuse, joueuse de badminton et cavalière accomplie. « J’ai commencé l’équitation à 6 ans parce que je débordais un peu trop d’énergie, sourit-elle. Mes parents pensaient que cela m’aiderait à calmer mon hyperactivité. Depuis, l’équitation est devenue une véritable passion. » Spadoise d’origine, elle chérit la maison familiale où ses chevaux paissent pai- siblement en attendant leur maîtresse. « Quand rien ne va plus, je mets une selle, un bridon et je vais dans les bois, raconte-t-elle . Une, deux, trois heures… Le temps qu’il faut et une fois rentrée, ça va mieux. La région est magnifique, d’autant que nous habitons juste à côté des grandes forêts spadoises. Je n’échangerais ces moments pour rien au monde. » Sa région, Sophie Laguesse y tient. Au quotidien, elle fait la navette entre sa ville de naissance et Liège, ville pour laquelle son affection est avant tout professionnelle. C’est donc au café de la gare des Guillemins que l’interview est prévue et où elle fait une arrivée remarquée. Un pas ryth- mé, des cheveux ondulés qui rebondissent en tempo, des bottines noires à talons, une veste sobre mise en valeur par un élégant col roulé bordeaux : la chercheuse fait très professional woman . « Je n’avais pas vu l’heure ! , avance- t-elle pour expliquer ses quelques… secondes de retard en s’installant avec souplesse sur le tabouret du comptoir. « En ce moment, je passe 12 heures par jour dans mon “bunker”, comme elle appelle avec affection son labora- toire . Et avec le GSM qui n’y capte pas grand-chose, on en oublie vite le temps. » LA BIO DANS LA PEAU « J’ai toujours voulu faire ce que je fais », explique, déter- minée, celle dont le désir profond est d’ouvrir un labora- toire dédié à ses recherches sur l’alcool et le cerveau. Un domaine de recherche encore original Belgique, mais qui se développe fortement outre-Atlantique. « Quand j’étais petite, je voulais déjà devenir scientifique. J’avais une marotte : je voulais faire pousser du maïs transgénique dans le désert pour éradiquer la faim dans le monde ! Je n’y suis pas vraiment arrivée, mais j’ai gardé cette passion pour la biologie, le vivant. » Un temps, elle envisage un parcours de médecin. « Mais ce n’est pas mon fort. Après une expérience en maison de repos, j’ai réalisé à quel point cela m’attristait. J’aurais pu être un bon médecin, mais j’y aurais mis trop d’affect. » Direction les sciences biomédi- cales et la neurologie. « À l’époque, c’était plutôt original : la majorité des recherches portait sur le cancer. » Après un parcours réussi en sciences biomédicales à l’ULiège, Sophie Laguesse obtient un doctorat en neu- rologie du développement au GIGA-Neurosciences. Ses recherches portent alors sur le développement du cortex cérébral et aboutissent à l’identification d’un nouveau mécanisme responsable de la microcéphalie. « Lorsque j’ai présenté mes conclusions en octobre 2014, je me suis rendu compte qu’à part les chercheurs, personne n’avait compris ce que j’avais écrit… Le sujet, complexe, était difficilement accessible. C’était un peu frustrant. J’ai énormément aimé cette période, très stimulante, durant laquelle j’ai beaucoup appris. Mais j’avais envie de faire quelque chose de plus concret, de plus proche de notre quotidien. » À LA DECOUVERTE DE L’AMÉRIQUE C’est sur un coup de tête qu’elle répond dans la fou- lée à deux annonces pour un post-doctorat. Destination New York et San Francisco. « À l’époque, mon copain se moquait un peu de moi : je n’avais jamais quitté Spa et la maison familiale ! Alors, les États-Unis, ça paraissait un peu fou. » Et pourtant. Elle s’envole vers l’université de Californie qui recherchait un jeune docteur en neurologie, biologiste moléculaire de formation, pour travailler sur les mécanismes de l’addiction à l’alcool. « Le sujet m’intéres- sait énormément car il ne ciblait pas uniquement l’alcool, mais portait aussi sur des protéines similaires à celles que j’avais étudiées pendant ma thèse, Elongator. Oui, elles ont toujours des noms bizarres ! », ajoute malicieusement la chercheuse. Arrivée à San Francisco, le changement décoiffe. « J’arrivais un samedi et commençais dès le lundi : en plein décalage horaire dans un appartement vide de 30 m 2 , il fallait ouvrir un compte, obtenir un GSM… tout devenait rock’n roll ! » En solo face à ces épreuves, le moral connaît janvier-avril 2020 / 275 ULiège www.uliege.be/LQJ 37 le parcours

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