LQJ-276

44 mai-août 2020 / 276 ULiège www.uliege.be/LQJ omni sciences moyennes mensuelles du nombre des molécules par cm 2 ont tout simplement explosé : + 34% pour le CO 2 , +49% pour le CH 4 et +21% pour le N 2 O. Quant au SF 6 , composé de synthèse relativement récent, sa série est plus courte mais sa pente ascendante tout aussi significative ! Le cas du méthane présente cependant une particularité : l’évolution de sa courbe n’est pas monotone. « La concen- tration en méthane a plafonné entre 2000 et 2005, pour repartir à la hausse ensuite, explique Emmanuel Mahieu. La cause de ces variations est difficile à cerner car il y a de nombreuses sources possibles de méthane : rizières, pro- duction et exploitation du gaz de ville, élevage, combustion de la biomasse, etc. » Pour expliquer cette hausse, les chercheurs du Girpas ont étudié la présence d’éthane plutôt que de méthane direc- tement. L’éthane est en effet un compagnon de route du méthane puisque le gaz naturel est composé de méthane, d’éthane et de propane. Mesurer l’un, c’est donc mesurer l’autre. En outre, le méthane reste longtemps dans l’at- mosphère (8 à 10 ans), alors que l’éthane ne reste que quelques mois ; il est donc plus facile d’isoler la cause d’une variation, dans un sens ou un autre, et de cerner les sources dans le cas de l’éthane. Ce dernier a vu son abon- dance décroître jusqu’en 2006, suite à une réduction des fuites des sources fossiles, évolution qui s’inversa en 2007. Après avoir remarqué cette anomalie, les chercheurs lié- geois ont contacté leurs partenaires du réseau NDACC (Network for the Detection of Atmospheric Composition Change). Les résultats des stations de Toronto au Canada et du Colorado aux USA se sont révélés particulièrement intéressants… par la valeur élevée des tendances rele- vées. Des chercheurs américains ont alors pris le relais, affiné les données et fait tourner des modèles. Verdict : la hausse des concentrations en éthane (et méthane) est due à l’industrie pétrolière américaine et particulièrement à l’exploitation du gaz dit de schiste à cause des fraction- nements répétés des roches. « Depuis lors, cela fluctue, conclut Emmanuel Mahieu. C’est une étude qu’il convient de compléter et affiner, mais j’ai mis en relation les cours du baril de brut et celle de l’abondance d’éthane dans l’atmosphère au-dessus du Jungfraujoch. Il y a une cor- respondance troublante qui s’explique par la réactivité de l’industrie pétrolière américaine : si les prix du pétrole dimi- nuent, le gaz de schiste devient trop cher et on ferme les puits. Quitte à les rouvrir quelques mois plus tard quand les cours augmentent. » Les données rassemblées au Jungfraujoch montrent donc sans aucune ambiguïté l’impact des activités humaines sur la composition de l’atmosphère terrestre. Malgré les mesures effectuées depuis des satellites, les observations réalisées depuis la surface terrestre restent obligatoires. « Mais pour cela , conclut Emmanuel Mahieu, il nous faut disposer des moyens nécessaires, à la fois pour acquérir et entretenir des instruments de plus en plus perfectionnés mais aussi pour payer un personnel qualifié qui s’inscrit dans des programmes de recherche à long terme. Ce n’est vraiment pas gagné dans les circonstances actuelles ! » Observatoire du Jungfraujoch

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