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les activités liées au monde scénique ou de soutenir les initiatives locales en fredonnant l’air de la neutralité carbone. En 2009, la multinationale de divertissement Disney fixait l’objectif de réduire à zéro ses émissions de dioxyde de carbone (l’un des principaux gaz à effet de serre) sans toutefois inscrire cette velléité dans un calen- drier. La même année, le groupe britannique Radiohead, érigé en précurseur, engageait des analystes pour cal- culer l’impact écologique de sa tournée et décidait de faire fondre son bilan carbone en utilisant notamment des éclairages économes en énergie, en transportant le matériel par train ou bateau plutôt que par avion et en employant des matériaux recyclés. Mais passé le show, somme toute inhérent à une large part de la sphère culturelle, l’on ne peut pas affirmer aujourd’hui qu’un concert (une représentation théâtrale, un spectacle ou un ciné) se jauge autant sur la base de son impact envi- ronnemental que par rapport au nombre de spectateurs qu’il draine, aux recettes qu’il génère ou au retentisse- ment médiatique qu’il produit. Certains relèveront aussi qu’après avoir râpé le bitume lors des retentissantes marches pour le climat, les baskets des (jeunes) mani- festants qui foulent également les pelouses des festivals d’été semblent peu s’émouvoir de l’empreinte écologique néfaste que laissent la grande majorité de ceux-ci… lors- qu’ils ont lieu. Kévin Loesle fait partie de la compagnie artistique Organic Orchestra basée au Mans. Ce pôle artistique et technique polymorphe produit à petite échelle des créations à la fois contemporaines et populaires, trans- disciplinaires, immersives et collaboratives. Il se produira le 17 novembre avec son spectacle ONIRI dans le cadre du festival Impact proposé par le Théâtre de Liège, mani- festation à laquelle Réjouisciences, la cellule de diffusion des sciences et des technologies de l’ULiège, collabore. Et il y a une particularité : ce voyage poétique, sonore et visuel transdisciplinaire est produit à l’aide de vélos générateurs d’énergie vus comme une façon scénogra- phique de mettre en abyme la problématique au cœur de cette création. ONIRI imagine en effet une relation à l’énergie qui serait plus sobre. Dans le contexte de cette occasion créée, Réjouisciences proposera un moment de réflexion sur les nouvelles technologies et les alternatives aux high-tech , les low-tech. « Le défi de base était de continuer à proposer un spec- tacle vivant tel qu’on le faisait auparavant mais en met- tant l’énergie et la mobilité au cœur du dispositif. Avec un objectif : user moins d’un kilowattheure (soit une puis- sance de 1 kW pendant une heure), le tout en autonomie énergétique grâce aux seuls panneaux solaires et aux batteries de nos vélos », résume Kévin. Les vélos servent non seulement de moyen de transport aux artistes et techniciens ainsi qu’au matériel de scène, mais aussi de complément à l’alimentation en électricité des dispositifs nécessaires : lumière, son ou vidéo. COHÉRENCE JUSQU’AU BOUT Ingénieur en énergie mais aussi diplômé en sciences politiques à Grenoble, Kévin Loesle s’est rapidement investi dans des problématiques d’innovation, intégrant des ressources limitées et des low-techs . Ce promoteur de l’Open source est actif au sein d’une association bretonne qui cherche à développer des outils ou des systèmes utiles, accessibles à tous et durables, en vue de diminuer les impacts écologiques. Au sein du projet ONIRI, il est axé sur les missions d’autonomie énergé- tique en tant qu’ingénieur low-tech et technico-poète. « L’idée est venue de Vincent Chtaïbi, alias Ezra, direc- teur artistique du spectacle et beatboxer , qui déplorait un modèle de tournée qui l’amenait au Japon pour 48 heures. Prenant conscience de son impact environ- nemental, il a voulu fonctionner sur la base d’un autre modèle de tournées, centré sur six ou sept dates dans des lieux avec lesquels on entre véritablement en dia- logue et qui peuvent se relier à vélo. » À Liège, puisque la demande est particulière et qu’elle ne s’insère pas dans un planning pensé dans cet esprit, la troupe constituée d’une demi-dizaine de personnes débarquera en van depuis Saint-Malo, lequel sera chargé des cinq vélos, remorques et matériel utile. « À l’origine, on espérait faire le déplacement en train, mais ce n’était pas possible car nous dépassions les poids autorisés. Espérons que cela sera envisageable à l’avenir ! » Cela n’empêche toutefois pas Kévin Loesle de por- ter la cohérence jusqu’au bout, avec ses partenaires. Mus par la volonté de cibler la sobriété et l’autono- mie, nos artistes “vélorutionnaires” travaillent aussi sur les moyens de traquer l’énergie grise, soit le coût environnemental qu’engendre la fabrication des appa- reils électriques et électroniques qu’ils utilisent sur scène. En appliquant également tout cela dans la vie quotidienne ? « Il est vrai que, dans nos vies respec- tives, nous ne sommes ni sobres ni autonomes. Mais ce sont des réflexions qui nous animent au jour le jour et qui correspondent aussi à la narration du spectacle. On vit effectivement dans des habitats classiques, septembre-décembre 2020 / 277 ULiège www.uliege.be/LQJ 51 l’invité

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