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sa religion. L’ambiguïté est partout et les débats agitent la cellule djihadiste confrontée à l’hypocrisie. J’ai essayé de comprendre pourquoi et comment le monstre qui est en chacun de nous peut parfois se libérer pour semer la désolation et entamer l’engre- nage fatal de la violence. R.A. : Nous n’avons pas vu éclore cette violence. Nous n’avons pas voulu voir cette violence narra- tive. Et nous sommes poussés à croire de manière schématique que l’Occident a promu l’esprit cri- tique et l’Orient, un dogmatisme menaçant. Certes, les prédicateurs, les imams aussi séduisent : ils ne débattent pas. K.G. : Aujourd’hui, la télévision, le web permettent de regarder des séries turques partout dans le monde. Les musulmans apprécient aussi d’écouter les pré- dicateurs à la mosquée… ou sur You Tube ! Cette nouvelle forme d’islam s’apparente à l’évangélisme américain ! Certains prêches prônent la lutte contre les anciens dominateurs (ce n’est pas un phéno- mène nouveau : en Europe, dans les années 1970, la bande à Baader et les Brigades rouges, sur un plan politique, ont également défié l’État les armes à la main). Il est clair que la guerre entre l’Iran et l’Irak ou le conflit israélo-palestinien, pour ne prendre que deux exemples, ont donné naissance à une martyrologie qui a engendré les kamikazes. R.A. : Pourtant, le suicide est condamné dans l’islam et les actes terroristes le sont davantage encore. L’idéologie des Frères musulmans a pro- fondément modifié les choses : ils ont fait du sui- cide une mission religieuse ; ils ont mobilisé un corpus religieux pour légitimer des actes barbares. Il s’agit d’une instrumentalisation lâche de l’islam, converti en islamisme. Institut de promotion des formations sur l’islam À l’issue des travaux de la commission chargée par le ministre Jean-Claude Marcourt de favori- ser un “islam de Belgique”, l’Institut de promotion des formations sur l’islam voit le jour en octobre 2017. Principal objectif : promouvoir la forma- tion des imams, des professeurs de religion isla- mique, des acteurs socioculturels, des conseil- lers islamiques – visiteurs en hôpital, en prison, dans les Instituts publics de protection de la jeu- nesse, etc. – afin de favoriser un islam adapté au contexte démocratique belge et européen. Un islam moderne capable, en respectant les autres tradi- tions religieuses et la laïcité, de travailler au “vivre ensemble” générateur de paix. « L’État n’a évidemment pas vocation à former des imams, précise Radouane Attiya. L’enseignement théologique doit être du ressort de l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), mais le cursus doit aussi comporter des cours de langue et une forma- tion civique. » Outre l’inventaire des formations existantes et le soutien à de nouvelles créations, l’Institut prépare la mise en place d’un bachelier en sciences reli- gieuses et sociales, puis d’un master en théologie musulmane. Par ailleurs, il met en place une chaire interuniversi- taire d’islamologie qui devrait voir le jour en janvier 2021. « Notre objectif est de réunir des professeurs de sciences humaines et sociales des universités francophones afin de proposer une formation plu- ridisciplinaire sur le fait islamique. Actuellement, nous mettons en place un programme sous forme d’un certificat accessible aux cadres musulmans et à toutes celles et ceux que cette matière intéresse. Notre ambition est de proposer un enseignement de niveau universitaire, indépendant de toute idéo- logie religieuse ou autre que l’on rencontre parfois dans les formations proposées dans certains lieux de culte et le tissu associatif musulmans », conclut Radouane Attiya. * informations sur le site www.ipfi.be (accessible en septembre). septembre-décembre 2020 / 277 ULiège www.uliege.be/LQJ 63 le dialogue

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