LQJ-281

Nicolas Thirion Le confinement par les nuls. Démocratie, Etat de droit et crise sanitaire PUL, Louvain-la-Neuve, octobre 2021 ”Qu’une pandémie survienne est une chose. Mais qu’elle enclenche, en temps de paix, un tel système de res- trictions des libertés publiques en est une autre. Circuler, se réunir, mani- fester, être éduqué, travailler, etc. : des pans entiers de notre existence quotidienne ont été atteints de façon inédite. Pis encore, notre vie “privée” a été et reste mise en danger. (...) De nombreux coups de canifs et de sabre ont été portés aux standards de l’État de droit démocratique durant la crise sani- taire. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils ne consti- tuent pas une rupture radicale par rapport à un “avant-Covid” où l’observance de ces standards aurait été parfaite. Au contraire, ils s’inscrivent dans la continuité de phénomènes antérieurs déjà préoccupants : face à des menaces considérées comme très lourdes, les démocraties libérales choisissent de plus en plus souvent, depuis deux décennies au moins, de s’en prémunir au moyen de dispositifs d’exception qui menacent l’équilibre délicat, voire fragile entre objectifs collectifs ou d’in- térêt général (tels que la protection de la sécurité publique ou de la santé publique) et garantie des libertés individuelles. L’invocation de l’urgence et des circonstances exceptionnelles permet de justifier des politiques qui visent en fin de compte à substituer au droit “ordinaire” un “état d’exception”, lequel, marquant un recul significatif de nombreux droits fondamen- taux, est souvent étendu par la suite à bien d’autres cas que ceux qui étaient visés à l’origine, au point d’être parfois trans- formé en un nouveau droit “ordinaire”. (...) S’agissant du droit français, Me Chazal a dressé ce constat désabusé : “L’hypothèse ne peut plus être écartée que les normes (Constitution et loi) ne sont que des remparts de papier et que les juges, qui sont censés en être la bouche qui en prononce les paroles, peuvent en devenir les bâillons qui les réduisent au silence.” (...) Faudra-t-il s’y résoudre en Belgique aussi ?“ Nicolas Thirion, diplômé en droit (1994), est professeur à la faculté de Droit, Science politique et Criminologie de l’ULiège où il assure des enseignements et de la recherche dans les domaines du droit économique et de la théorie du droit. Serge Delaive Autour d’un hiver Bozon2x éditions, Liège, novembre 2021 Promenade poético-photographique aux alentours de Liège. Le poète a photographié la mélancolie urbaine. “Cet hiver-là, chacun s’en souvient pour le moment, bien que l’oubli soit à la fois la loi et le règne, bien que l’oubli sera, cet hiver-là nous employons pour la seconde fois – au pôle exactement opposé de la première occurrence – des mots nouveaux ou réattri- bués, le champ sémantique de l’aberration : confinement, présentiel, couvre-feu, distanciel, bulle, quarantaine, comor- bidité, distance sociale et tant d’autres encore. Seconde collocation. Nous portons des masques, attendons la potion. Nous obéis- sons à la palette des diktats médiatiques, politiques, complo- tistes. Nous écoutons la langue incontestable des experts, des commentateurs, cacophonie, propagande, nous suivons les décisions politiques absurdes. Comme lors de la première apparition, le printemps précédent, il faut à nouveau nous protéger de l’aberration, l’Insekt qui guette et contamine tout autour de la planète. Le chaos d’informations contradictoires, d’injonctions paradoxales rappelle qu’à tout moment nous pouvons nous soumettre aux forces que nous avons mises en place et qui nous ont dépassés, nous ont dépossédés, une autorité tapie à l’arrière-plan, bardée de langages faciles qu’en réalité nous ne comprenons pas. (...) Les emmerdeurs de jeunes. Les jeunes dit-on. Responsables de tous les maux. On prétend : insouciance face à l’Insekt. Ils commettent le crime de désobéissance, le mot ravalé des bien-pensants. Tentatives d’évasion que les nouvelles constructions morales condamnent. (...) C’est un état de guerre. Une guerre truquée, sans armes et sans ennemis, sauf nous-mêmes. Couvre-feu. Propagande. Surveillance. Réapparition des frontières tapies. Couvre-feu, imagine çà. On le savait. On ne le savait plus. L’Insekt apporte la preuve. Nous sommes de bêlants moutons, soumis. Une longue illusion en trompe-l’œil a sauté.“ Serge Delaive est diplômé en arts et sciences de la communi- cation (1992). Une rencontre avec l’auteur aura lieu le mardi 25 janvier à 17h30 à la libraire Pax, place Cockerill, 4000 Liège. Le virus, la pandémie et nous Venu d’Asie, le coronavirus a fait son nid dans le monde. Il a bousculé nos habitudes et nos certitudes, il a arrêté notre course folle, il a mis l’économie à genoux, il a fait plier l’Europe. Notre univers est chamboulé, pour longtemps peut-être. Deux auteurs liés à l’ULiège font paraître presque simultanément un ouvrage sur ce thème. Ils livrent deux regards sur la pandémie, sur le confine- ment, sur ce que nous subissons au quotidien. Extraits. janvier-avri l 2022 / 281 ULiège www.ul iege.be/LQJ 57 omni sciences

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