LQJ-282

fondamentale. « Les étudiants ont rencontré des reponsables locaux souvent esseulés, dans un désespoir total, écartelés entre les besoins immédiats des habitants qu’ils connaissent personnellement et l’absence de directives claires et de moyens d’action. Nous avons rencontré des élus désireux de parler, ravis que l’on s’intéresse à leur histoire. » UN NOUVEAU REGARD URBANISTIQUE La ville d’aujourd’hui n’est plus érigée en reine toute-puissante sur une nature neutre et étouffée. Les urbanistes contemporains la réintègrent dans un tout plus large, en interaction avec son environnement. « L’urbanisme transforme un territoire, développe Gery Leloutre, enseignant à l’ULB. Nous cherchons à repérer et à actionner les leviers influençant ces changements dans une direction qui nous semble bonne. Conscientiser ces pouvoirs de transformation permet d’anticiper les problèmes plutôt que de les subir. Penser les coupes de bassins versants de manière solidaire s’inscrit notamment dans ce paradigme. » Très actifs sur Bruxelles et sans relais dans la vallée, les architectes et urbanistes de l’ULB ont très tôt cherché comment être utiles au sein de la Task Force. « Avec nos étudiants de master en urbanisme, nous menons un atelier en partenariat avec Venise, Marseille et Rabat sur les questions de résilience des villes métropolitaines sur le littoral méditerranéen, confie Victor Brunfaut. Il nous semblait intéressant de les confronter à des contextes plus proches. Lors du premier semestre, nous avons travaillé à Bruxelles, sur les liens entre le développement industriel, les inondations de la Senne et une dimension sociale à l’exposition aux risques environnementaux. » Et Gery Leloutre de poursuivre : « Nous avons remarqué un fort développement d’actions collectives, de savoir urbain et de pratiques liées à une meilleure façon d’habiter un territoire proche de l’eau. Pendant le second semestre, nous étudions la ville de Verviers et son histoire urbanistique avec la même sensibilité. Verviers nous semblait aller de soi. C’est la plus grande ville de la vallée, et nos étudiants sont formés dans des contextes très urbanisés. » Lors d’une promenade exploratoire, le groupe de l’ULB a rencontré l’architecte Daniel Delgoffe, qui réhabilitait une école à Ensival dans un contexte d’urgence et de traumatisme. « C’était une rencontre précieuse, se remémore Victor Brunfaut. Les étudiants se sont rendu compte à quel point l’architecte est confronté à des questions concrètes, aux implications humaines très fortes. Les solutions techniques doivent aussi répondre à des drames humains, nous n’avons pas le choix. » Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a rien à faire. « Il faudra donner une plus grande place à la Vesdre tout en cherchant à offrir une nouvelle qualité de vie urbaine, explique Géry Leloutre. Intégrer la rivière dans le projet urbain, c’est réfléchir par exemple à ce qui peut être inondé épisodiquement : des parcs, des pistes cyclables, des lieux d’animation ou d’espaces publics, certains commerces ou certaines activités économiques… Le nouveau rezde-chaussée de l’école d’Ensival a été pensé pour être entièrement inondable. Mais le reste du temps, c’est un espace très accueillant ! » SCHÉMA STRATÉGIQUE Les chercheurs de l’ULiège impliqués dans la Task Force – en partenariat avec le Studio Paola Vigano (Bruxelles) – ont remporté un appel d’offre de la Région wallonne pour dresser un schéma stratégique accompagnant le réaménagement de la vallée. « Notre équipe compte des profils très divers (urbanistes, architectes, hydrologues, bio-ingénieurs, géographes, politologues), explique Martina Barcelloni Corte. Nous pourrons proposer des réponses interdisciplinaires aux défis que rencontre le bassin versant. » Ce schéma stratégique sera présenté au cours de l’hiver 2022-2023, mais n’aura pas de force contraignante. « À nous de favoriser une adhésion volontaire des parties concernées, relève Jacques Teller. S’il est porté par une grande coalition d’acteurs, il peut avoir un effet sur le long terme. Nous devons travailler en intelligence avec les services concernés de la Région wallonne (territoire, logement, patrimoine, tourisme, agriculture, infrastructures, etc.) et le projet doit aussi être soutenu par les acteurs locaux (communes, habitants, commerçants, entreprises). Il doit par ailleurs s’articuler avec de nouveaux financements, tels que le Green Deal européen, en développant des infrastructures vertes et en promouvant l’usage de matériaux recyclés. » 14 mai-août 2022 / 282 ULiège www.ul iege.be/LQJ à la une

RkJQdWJsaXNoZXIy MTk1ODY=