LQJ-282

Stéphane Dawans Art, arch ologie et patrimoine, facult d’Architecture Si l’avenir de l’Homme est bien l’urbanité, dans sa double acception, il faut avouer que l’épreuve mondiale imposée par la pandémie vient de semer de bien méchants doutes dans nos esprits déjà déconcertés. Quand on enseigne les sciences humaines aux étudiants en architecture, on s’attelle à mettre en lumière la robustesse de cet idéal progressiste que Godin a inscrit dans son programme social autant que spatial, en donnant aux Familistériens ce qu’il nomme si justement les “équivalents de la richesse”, autrement dit, les bienfaits de ce qui est public, collectif ou commun. Pourquoi faudrait-il une pelouse à soi si on peut jouir tous ensemble de beaux parcs communaux ? Il en va évidemment de même pour tous les équipements, culturels, sportifs et autres que nous pouvons partager au bénéfice de la rencontre. L’idée est correcte, généreuse et durable. Pourtant, le coronavirus semble avoir voulu donner raison à ceux qui défendent avec le diable que la propriété privée est, à l’instar de l’or, cette valeur refuge qui résiste en cas de désastre, parce qu’il est effectivement plus facile de tenir bon en situation de confinement quand on possède de l’espace à soi à l’intérieur, autant qu’à l’extérieur. Le constat est accablant, certes, mais heureusement on sait que la volonté reste obstinément optimiste : soit ! Il nous faudra donc penser à nouveaux frais l’architecture collective, la seule aujourd’hui défendable, à partir de cette expérience planétaire inédite, pour mieux articuler les espaces de vie et de travail, et surtout offrir un minimum d’accès à l’air extérieur aux humains condamnés à être de temps à autre assignés à résidence. Il n’en demeure pas moins vrai que la vie ne peut se résumer aux seules conditions sanitaires : elle ne vaut la peine d’être vécue que partagée, elle aussi ! François Gemenne Observatoire Hugo, facult des Sciences La pandémie nous a appris énormément de choses sur la vulnérabilité de notre société, son impréparation face aux crises, mais aussi sur d’exceptionnels mécanismes de solidarité qui pouvaient s’y développer. Elle nous a appris des choses sur nous-mêmes, aussi. Et très égoïstement, ce que j’en retiendrai, c’est que ces deux années de crise m’ont appris à quel point je détestais le télétravail, et les réunions et cours en ligne en particulier. Certaines journées n’étaient plus qu’une longue litanie d’appels sur Zoom, Teams ou WebEx. Avant la pandémie, je n’avais jamais eu un goût particulier pour ces réunions en ligne, mais je n’aurais jamais cru qu’elles puissent me mettre dans un tel état d’hébétude et de désespoir : des heures passées devant un écran, le regard vide et sans rien écouter du tout de ce qui se disait à la réunion. Aujourd’hui, je m’inquiète de voir que c’est sans doute le principal élément, au fond, que l’on va garder dans “le monde d’après” : ces réunions en ligne pour un rien, qui auraient pu se régler par un coup de fil ou un e-mail ; ces panels de colloques hybrides, où les gens ne prennent même plus la peine de se déplacer pour venir présenter leur papier ; ces conférences données à l’écran de son ordinateur, surélevé sur des dictionnaires pour éviter les effets de contre-plongée. Comme si la principale source de satisfaction dans mon travail, les rencontres et discussions avec mes collègues, m’avait été enlevée par le virus. 35 mai-août 2022 / 282 ULiège www.ul iege.be/LQJ univers cité

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