LQJ-282

Singulier parcours que celui de Lionel Clermont. Adolescent, il ne rêve que d’arts martiaux, au point de vouloir y consacrer sa vie. Il ne ménage pas sa peine, enchaînant les entraînements jusqu’au jour où il se blesse gravement à un genou. Son rêve s’effondre. Que faire de sa vie ? Pourquoi pas construire un trébuchet avec quelques morceaux de bois ? Mais cela ne remplit pas les journées. Sauf si l’on commence à se demander pourquoi les projectiles suivent telle ou telle trajectoire ! Le mal est fait : Lionel Clermont vient de décider de s’intéresser à la physique. Avec autant d’énergie et d’application que pour les arts martiaux. Il est alors en rhéto et n’hésite pas à brosser l’un ou l’autre de ses cours pour suivre, en douce, un cours d’algorithmique en première année d’ingénieur. Mais il faut choisir : physique ou ingénierie ? Il choisit la première. « Je voulais comprendre ce qui m’entoure, la matière et surtout la lumière », se souvient-il aujourd’hui. Sa première année le laisse sur sa faim car l’optique n’y est logiquement abordée que sous l’angle géométrique. Tout change l’année suivante avec le cours d’optique physique. Interférences, diffraction, interaction avec la matière, voilà des mots qui parlent à l’oreille de Lionel Clermont. Mais il sait déjà que les cours dispensés à Liège en optique sont trop peu nombreux. « Je voulais me perfectionner en optique. Je me suis renseigné et j’ai choisi l’Institut d’optique de Paris, un des meilleurs, là où par exemple Alain Aspect a mené ses recherches révolutionnaires en optique quantique. Mon grand-père, Roger Bassleer, qui a été professeur de Médecine ici à Liège, ne comprenait pas ce départ. Nous discutions souvent ensemble et il me disait : “Pourquoi quitter Liège ?” Mais je l’ai convaincu. Il faut dire que les cours d’optique dispensés à Paris sont d’un niveau extraordinaire. » Après avoir obtenu son master en 2012, un tel pedigree semble mener droit à un doctorat. Mais l’Institut d’optique de Paris est une école d’ingénieurs dont les meilleurs diplômés se dirigent naturellement vers les grandes entreprises françaises. « J’ai suivi cette tendance, se souvient Lionel Clermont. Ma curiosité pour le fondamental était assouvie, je voulais du concret. Par chance, c’est très facile en optique où recherche fondamentale et application peuvent être très proches, au contraire de la physique des particules par exemple. En optique, une innovation faite en laboratoire aujourd’hui peut être industrialisée dans un an ou deux. » Le jeune Liégeois est donc approché par le grand groupe Thalès en France. Il ne manquait que la signature sur le contrat. Elle ne sera jamais apposée. « C’est alors qu’Yvan Stockman, le responsable du groupe “Optical Design and Metrology” du Centre spatial de Liège (CSL) m’a appelé et m’a demandé de venir travailler en son sein. J’ai sauté dans un Thalys et suis revenu à Liège… au grand contentement de mon grand-père ! » LA CLAUSE QUI CHANGE TOUT Nous sommes alors en 2012. Le CSL convient bien au jeune diplômé car il est assez grand et reconnu pour développer des projets ambitieux, et suffisamment petit pour confier des responsabilités à un jeune chercheur. Celui-ci va être progressivement impliqué, notamment dans les problèmes de lumière parasite. Ils existent dès la création des premiers systèmes optiques et gâchent la vie des astronomes depuis toujours. Imaginons une caméra par exemple. Malgré les soins extrêmes apportés à leur design et leur construction, les lentilles seront toujours un tout mai-août 2022 / 282 ULiège www.ul iege.be/LQJ 43 le parcours

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