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petit peu réfléchissantes, ce qui va provoquer des réflexions multiples. La lumière pourrait aussi se diffuser sur les montures de l’instrument ou encore sur les boulons. Dans la vie de tous les jours, personne ne s’en aperçoit. Pour des caméras embarquées à bord de satellites, pour des télescopes spatiaux, cela peut faire échouer une mission. Et ces parasites, ces défauts multiples et d’origines très diverses ont des conséquences préjudiciables sur la qualité de l’image finale : diminution de la résolution, ajout de formes, de signaux qui vont fournir des informations erronées ou cacher des éléments utiles, etc. Le mot d’ordre de l’ingénierie spatiale est de traquer ces fantômes. « En 2016, se souvient Lionel Clermont, le CSL a reçu un appel d’offre de l’Agence spatiale européenne pour la calibration complète d’un instrument d’un satellite météo Metop-3MI. La lumière parasite avait évidemment déjà été traitée au maximum lors du design de l’appareil. Mais elle restait trop élevée, au point que la mission aurait été inutile si rien n’était fait. Dans les clauses de l’appel d’offre, il y avait donc un petit paragraphe qui spécifiait qu’il fallait développer un algorithme de correction de lumière parasite. Le CSL nous a demandé, à Céline Michel et à moi-même, deux jeunes chercheurs sans guère d’expérience à l’époque, de rédiger la proposition technique pour cet appel d’offre. Je me suis occupé principalement de la calibration géométrique, et de l’esquisse d’un projet de méthode de développement d’un tel algorithme. À ma grande surprise, nous avons remporté l’appel d’offre ! » Le plus étonnant est cependant la manière dont Lionel Clermont est parvenu à ses fins : c’est en comprenant mal une publication lue à la hâte pendant la rédaction de l’offre qu’il imagine la méthode ! Pendant plusieurs années, le chercheur liégeois développe sa méthode de correction des lumières parasites et réussit à diminuer leurs nuisances jusqu’à deux ordres de grandeur. UNE BLONDE PLEINE DE SAVOIR L’histoire ne s’arrête pas là, mais une pause est bienvenue. Les longues soirées de recherche donnent des idées et attisent la soif. En 2018, avec son complice physicien Pascal Blain, Lionel Clermont lance une bière blonde houblonnée “La Science”. Une bière avec une particularité étonnante : chaque étiquette est unique, couverte de formules mathématiques différentes et comportant une anecdote scientifique insolite. Et les deux comparses, pour célébrer dignement le 50e anniversaire des premiers pas de l’Homme sur la Lune, lance une triple : “La Science3”. Cette fois, ce sont des illustrations liées la conquête spatiale qui se succèdent sur les bouteilles. Une blonde pleine de savoir… Une bière appréciable, certes, mais au goût de trop peu pour le grand-père de Lionel Clermont. « Tout cela c’est bien, mais tu devrais quand même songer à réaliser un doctorat, glissait-il souvent à l’oreille de son petit-fils. Un doctorat, c’est quelque chose dont tu tireras avantage toute ta vie. » Une idée qui fait son chemin. En 2015, il s’inscrit en thèse, sans financement ni sujet précis. Le temps passant, Lionel Clermont se rend compte que le travail qu’il effectue au CSL, particulièrement le développement de méthodes de contrôle des lumières parasites, peut devenir le fer de lance d’une thèse. D’autant que les agences spatiales ou les industriels de l’espace rencontrent une autre difficulté : le design et la précision des tests des instruments limitent leurs performances. Reprenons l’exemple de notre caméra. Les lentilles sont partiellement réfléchissantes ? Pas de problème, on les recouvre d’un revêtement antireflet. De même, la lumière peut se diffuser sur les surfaces mécaniques de la caméra, qui doivent donc être recouvertes d’un revêtement absorbant. Mais un revêtement qui fonctionne bien pour une longueur d’onde donnée sera moins performant pour d’autres. Il en va de même pour les angles d’incidence de la lumière. Le contrôle de lumière parasite devient alors très complexe, donc très coûteux. On atteint là une limite physique et économique pour les industriels du secteur. D’autant qu’un autre problème vient encore se greffer. Supposons un télescope qui observe une étoile. Pour mesurer la lumière parasite, les ingénieurs vont simuler en laboratoire les conditions d’observation depuis l’espace. Si l’on observe une 44 mai-août 2022 / 282 ULiège www.ul iege.be/LQJ le parcours

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