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PATRIMOINE MÉDIEVAL Des bâtiments et des hommes Depuis 2013, la col légiale Sainte-Croix de Liège figure sur la liste des “world’s most treasured places” les plus en danger établie par le World Monuments Fund – une organisation indépendante et à but non lucratif de New York. Triste distinction. Situé rue Haute Sauvenière à Liège, l’édifice qui date des XIIIe et XIVe siècles est en effet en piteux état. Heureusement, après la restauration de la collégiale Saint-Barthélemy puis de la cathédrale Saint-Paul, c’est à son chevet que se penchent maintenant architectes, artisans et spécialistes du patrimoine médiéval avec le concours financier de la Région wallonne, de la province et de la ville de Liège. Fondée entre 976 et 986 par Notger, premier prince-évêque de Liège, la collégiale Saint-Croix abrite des fragments de la Sainte Croix qui auraient été offerts à la ville en 1066 par l’empereur Henri II. Ce n’est pas son seul intérêt, loin s’en faut. La collégiale est en effet bâtie dans le plus pur style germanique des “Hallenkirchen” : elle comprend deux chœurs (à l’Occident et à l’Orient) et la nef est composée de trois vaisseaux de même hauteur. « La présence d’un double chœur est attestée ailleurs, précise Benoît Van den Bossche*, professeur d’histoire de l’art et archéologie du Moyen Age. Mais cette bipolarité est particulièrement remarquable à Sainte-Croix, par ailleurs seule exemplaire d’“église halle” à Liège, un type d’élévation qui confère au bâtiment une luminosité sans égale. L’église est particulièrement intéressante : son chœur oriental évoque la Sainte Chapel le de Paris, son apparei l décoratif est très singulier, notamment dans les chapelles où l’on peut admirer des écoinçons historiés du XIVe siècle. Quant au tympan du portail principal, il était orné d’une résurrection du Christ, choix iconographique rarissime ; les vestiges en sont aujourd’hui conservés au musée Curtius. » L’église Sainte-Croix est l’une des sept collégiales de Liège fondées aux alentours de l’an 1000 : sur un tel territoire, il s’agit d’une densité hors du commun. « Elles font partie du paysage urbain de la cité, au même titre que les collines, la Meuse ou le Palais des princes-évêques, soutient Benoît Van den Bossche. Elles composent un patrimoine architectural exceptionnel et nous rappellent que le clergé séculier était particulièrement vivant à l’époque, preuve supplémentaire de l’attrait de la Cité ardente. » Placée sous la responsabilité du français Éric Pallot, architecte en chef des monuments historiques, la restauration de l’église Sainte-Croix bénéficie aussi des soins de l’expertise liégeoise via le cabinet d’architecture pHD et le cabinet Architectes Associés. La fin des travaux est prévue en 2026. * Le Pr Benoît Van den Bossche, spécialiste de l a scu lpture et de l ’ i conograph i e médiévale, a été – avec la Pr Florence Close, historienne du Moyen Age – à l’initiative du colloque “Des bâtiments et des hommes. Les col légiales dans la Cité ardente au Moyen Age”, en novembre 2021. Les Actes du colloque sortiront en décembre prochain juste avant un ouvrage monographique consacré à la cathédrale Saint-Paul. 76 mai-août 2022 / 282 ULiège www.ul iege.be/LQJ futur antérieur

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