LQJ-283

ULiège 283 / septembre-décembre 2022 / Le Quinzième Jour Quadrimestriel de l’ULiège Le QuinzièJ mou e r septembre-décembre 2022 / 283 à La Une Fragiles forêts l’ invité Cyril Dion omni sciences Des virus bactériophages Le dialogue Le poids du numérique

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Rituelle, la cérémonie de rentrée académique – qui, symboliquement, “ouvre” l’année – aura lieu le 22 septembre. Mais, cette fois, elle revêtira un caractère particulier puisque le recteur Pierre Wolper confiera l’hermine rectorale à une rectrice, Anne-Sophie Nyssen. Une première dans l’histoire de l’université de Liège. Une évolution notable qui en cache d’autres puisque la rectrice élue s’est résolument engagée sur le terrain de la transition écologique. D’emblée – et c’est nouveau –, elle a en effet souhaité s’entourer d’un vice-recteur aux relations internationales et à la mobilité, le Pr Pierre Duysinx, d’une conseillère à la transition écologique et sociale, la Pr Sybille Mertens, d’un conseiller à la sobriété numérique, le Pr Félix Scholtès, et d’une conseillère à l’éthique et aux politiques d’égalité, la Pr Florence Caeymaex. Avec le Pr Pascal Poncin, premier vice-recteur à la gouvernance et aux sites décentralisés, le Pr Michel Moutschen, vice-recteur à la recherche, le Pr Frédéric Schoenaers, vice-recteur l’enseignement et à la qualité de vie étudiante, la Pr Corinne Charlier, conseillère aux relations hospitalo-universitaires, le Pr Rudi Cloots, conseiller pour les infrastructures, le Pr Éric Haubruge, conseiller à l’innovation et au développement régional et le Pr Philippe Hubert, conseiller à la politique de qualité, l’équipe au complet entend préparer l’ULiège à assumer sa responsabilité dans l’immense chantier de la transition. En formant ses étudiant·es à la durabilité, en apportant l’expertise de ses chercheur·es aux décideurs publics et aux acteurs de la société civile et en poursuivant ses efforts de durabilité dans ses propres pratiques. Transitions La rédaction septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 3 l’édito

L’Édito 3 Transitions L’OPINION 6 I nterview d’Anne-Sophie Nyssen, rectrice élue À LA UNE 10 Fragiles forêts OMNI SCIENCES 18 En deux mots 24 Quand le sport se décline au féminin 32 La mécanique des liaisons chimiques 36 L es processus d’adaptation, de résilience et de changement au cœur d’un colloque 46 Des virus bactériophages 56 S orties de presse ICI ET AILLEURS 30 Les tablettes cunéiformes numérisées LE PARCOURS 40 Veerle Rots, une préhistorienne prix Franqui Sommaire septembre-décembre 2022 / 283 J.-M. Bourdoux Bactériologie vétérinaire - ULiège 4 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ sommaire

UNIVERS CITé 58 L’institut de cancérologie Arsène Burny bientôt inauguré au CHU de Liège 68 D éménagement en faculté de Médecine vétérinaire L’ INVITé 52 Cyril Dion, réalisateur et militant écologiste LE DIALOGUE 62 F rançoise Berthoud et Nicolas Neysen autour du numérique FUTUR ANTERIEUR 70 Rétrovisions 73 Le Cedem a 25 ans 76 Médecine : un accord historique 78 Petites mythologies uliégeoises MICRO SCOPE 80 ULiège Sports Le KROLL 83 Une rectrice à l’ULiège J.-L. Wertz Traceolab F. Terlonge septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 5 sommaire

À l’issue du deuxième tour de l’élection rectorale, la Pr Anne-Sophie Nyssen a été élue rectrice de l’université de Liège. Même si la cérémonie de passation de pouvoir – avec, symboliquement, la remise de l’épitoge – se déroulera le jeudi 22 septembre, c’est bien le 1er octobre qu’elle prendra officiellement ses fonctions. Rencontre avec la première Rectrice de l’Institution. ENTRETIEN PATRICIA JANSSENS photos Sandrine seyen La première Anne-Sophie Nyssen 6 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ l’opinion

Le Quinzième Jour : À quelques jours de votre prise de fonctions, comment vous sentez-vous ? Anne-Sophie Nyssen : Je suis très fière de la confiance que la communauté universitaire m’a témoignée, très fière qu’elle ait osé porter une femme à sa tête et consciente aussi que c’est un programme et une équipe qui ont convaincu les électeurs et les électrices. Après avoir été la première vice-Rectrice de l’ULiège, en 2018, je vais maintenant être la première Rectrice : c’est un nouveau plafond de verre qui se fend et c’est un signal fort pour l’ULiège. Une porte supplémentaire s’est ouverte pour les femmes. J’ai d’ailleurs vu avec plaisir que plusieurs enseignantes s’étaient impliquées dans les équipes en lice. C’est bon signe. LQJ : Dans votre programme, vous manifestez l’ambition de modifier la gouvernance de l’Université. A-S.N. : Mon objectif est de mener une gouvernance participative afin de prendre des décisions soutenues par la majorité. J’aimerais insuffler un mouvement de solidarité, de coopération dans l’Institution. On me demande si c’est une démarche féminine ! Dans le jargon de ma discipline – la psychologie du travail –, on distingue des styles de leadership : les approches orientées vers la bienveillance, le respect mutuel, la collaboration sont dites “féminines” et celles qui valorisent la compétition, l’affirmation de soi, la virilité sont dites “masculines”. C’est évidemment schématique mais je pense que, chez les femmes en général, les notions de synergie et de confiance l’emportent sur la hiérarchie et l’autoritarisme, par exemple. Il s’agit sans doute d’un changement de culture : j’aimerais notamment commencer mon mandat en écoutant celles et ceux qui n’ont pas voté ou qui ont choisi de voter “à personne”. J’organiserai des permanences pour les entendre, car ils et elles ont certainement des choses à dire. L’objectif de la participation collective est aussi d’améliorer le sentiment d’appartenance à notre Institution. Au Conseil universitaire à l’enseignement et à la formation (CUEF), que je présidais comme vice-rectrice à l’enseignement, j’ai innové en y invitant toutes les vice-Doyennes et les vices-Doyens à l’enseignement, dans une perspective de décloisonnement et de partage des pratiques. Mieux se connaître, c’est mieux se comprendre, et cela aide à participer à l’effort collectif qu’il faudra faire tant que nous serons dans un financement à enveloppe fermée. Les mêmes enjeux de l’enseignement traversent toutes les Facultés, toutes les filières, même si les réalités sont différentes. Les méthodes (cours, travaux pratiques, la simulation), les outils, les ressources sont similaires. Le nombre d’étudiants diffère d’une Faculté à une autre, d’une discipline à une autre et il faudra trouver les moyens d’une distribution équitable, mais je pense que celle-ci peut se trouver plus facilement quand nous connaissons les contraintes et les enjeux de chacun et de chacune. On dit que la méthode de la participation collective est chronophage. J’estime plutôt que c’est le contraire parce que, lorsque des décisions sont coconstruites et prises avec l’adhésion d’une majorité, leur mise en œuvre est bien plus rapide. C’est la raison pour laquelle je compte prendre appui sur les doyens. Élus par les Facultés, ils sont porteurs d’une légitimité démocratique et peuvent nourrir la réflexion des autorités et être des relais utiles. LQJ : Vous souhaitez, dites-vous, une “université humaine” ? A-S.N. : Les deux dernières années, marquées par la crise sanitaire et le confinement, ont été difficiles pour tout le monde. Pour l’Université aussi. Le recours à la technologie numérique s’est imposé brutalement à tous et à toutes, ce qui a nécessité des développements chaotiques au sein de notre Institution. Les enseignants ont réussi le tour de force de réinventer leurs cours en un temps record ; les étudiants et étudiantes ont dû faire des efforts inédits pour décrocher un diplôme (qui n’est pas bradé !) ; l’administration a dû faire face à des demandes multiples et inédites. Nous devons maintenant mener une réflexion sur l’usage de ces nouvelles technologies en évaluant leur efficacité, leur coût financier et écologique, par rapport aux bénéfices que l’on en tire. N’oubliez pas que les interactions entre les humains et les technologies dans les systèmes complexes sont au cœur de mes recherches et m’intéressent depuis longtemps. Heureusement, les cours dans les amphithéâtres ont repris l’an dernier. Heureusement aussi, le personnel a réintégré les bureaux. Je souhaite que notre Université soit un lieu où l’on aime se rendre pour retrouver les autres, pour y travailler, chercher ou étudier de manière épanouissante. C’est bien l’humain qui est au cœur de l’Université : un lieu riche, un lieu d’ouverture sur sa région et sur le monde ; un lieu qui valorise le bien-être en général et refuse, notamment, les comportements de violence et de harcèlement. Il faudra d’ailleurs renforcer encore, à l’Université, notre politique de prévention et de gestion septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 7 l’opinion

de ces problèmes en créant un endroit où les étudiants et membres du personnel puissent parler de ces difficultés en toute confiance, tout en garantissant à terme une analyse objective et juste des faits. Par ailleurs, une “université humaine”, c’est aussi une université soucieuse des difficultés financières de certains de ses membres. Durant la pandémie, l’ULiège – grâce au concours de l’administration des affaires étudiantes – a distribué 8000 colis alimentaires bio. Au sein du Pôle, elle s’est aussi engagée dans la création de l’épicerie solidaire “Le Kotidien”, rue des Clarisses. D’autre part, un suivi psychologique gratuit a été mis en place en faveur des étudiant·es et des membres du personnel (via la Clinique psychologique et logopédique universitaire). Nous devons maintenant envisager la poursuite de ces dispositifs. LQJ : C’est dans l’optique du bien-être que vous avez porté le dossier du “travail à distance” ? A-S.N. : En effet. Cela répondait à une demande exprimée par des membres du personnel administratif et enseignant. En 2019, j’ai lancé – avec l’aide de l’administration des ressources humaines – un projet pilote sur le travail à distance, sur base volontaire. Le but était d’offrir aux personnes intéressées la possibilité de travailler à domicile un jour ou deux par semaine. Les conclusions ont été très positives dans l’ensemble, tant pour les agents que pour les collègues, le service ou le département. Inutile de dire que cette expérience a été très profitable lorsque le confinement nous a obligés à organiser toutes les activités à distance. Cet exemple vérifie ma méthode, basée sur l’incitation plutôt que sur l’obligation. Je suis persuadée que, pour faire adopter des changements, il faut emporter l’adhésion et surtout ne pas contraindre. À l’heure actuelle, l’Université autorise le personnel à prester deux jours de travail à distance par semaine. Cela nous semble respecter à la fois l’envie de celles et ceux qui veulent limiter le temps dans les transports ou concilier plus harmonieusement leur vie familiale avec leur métier et les demandes des chefs de service qui souhaitent maintenir la cohésion de l’équipe. LQJ : Vous évoquez aussi la créativité... A-S.N. : L’Université doit être créative. Elle doit valoriser l’émulation coopérative et être, non pas un conservatoire de savoirs anciens, mais un laboratoire d’idées pour penser le présent et le monde de demain. L’université de Liège est pluraliste et attachée à la neutralité : nous devons pouvoir travailler, étudier, enseigner, chercher en dehors de toute pression. C’est essentiel. Par ailleurs, l’Université fonde ses enseignements sur la rigueur scientifique et valorise une recherche de pointe, tant fondamentale qu’appliquée. Mais sans tomber dans l’élitisme. Elle doit par ailleurs encourager l’esprit critique et la liberté scientifique dans le cadre de normes éthiques internationales. Elle doit aussi, à mon sens, veiller aux implications sociales, morales, économiques, environnementales ou politiques des recherches entreprises. LQJ : Une autre ambition est d’œuvrer à une “université durable où la transition environnementale est au cœur de nos programmes”. A-S.N. : Sans conteste. Notre monde est en mutation et la transition environnementale est un défi majeur pour notre société. Il faut l’envisager en intégrant la dimension sociale. Nous devons renforcer son approche dans nos enseignements, nos recherches mais aussi dans nos processus de fonctionnement. Un tableau de bord de notre empreinte carbone a été réalisé par la cellule du développement durable. Il doit maintenant être traduit en objectifs et ce sera l’un des axes forts de mon mandat : c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, à mes côtés, un vice-recteur à la mobilité, une conseillère à la transition écologique et sociale, un conseiller à la sobriété numérique et une conseillère à l’éthique et aux politiques d’égalité. Parce que l’Université se doit d’être une actrice responsable et dynamique dans sa cité, soucieuse de son utilité sociale, dotée de sens critique et d’une réflexion éthique sur les grands défis de demain. À cet égard, si l’Université doit être exemplaire quant à sa consommation (mobilité, énergie, consommables, etc.), elle doit aussi dispenser un enseignement transversal sur la transition environnementale. Depuis deux ans, nous avons mis en place “une formation au développement durable” offerte, en option, à tous les étudiants. Près de 500 étudiants la suivent. Mais il faut faire mieux et, par exemple, transformer cette offre en un cours transversal obligatoire dans toutes les Facultés, pour tous les étudiants. J’ai bien l’intention de mettre cette proposition à l’agenda des doyens, car l’adaptation de nos formations à cet enjeu majeur est crucial. Je pense également que cette question ne peut être abordée que de manière transdisciplinaire. Des initiatives en ce sens existent déjà : des cours sur une même question 8 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ l’opinion

environnementale croisent les regards d’un psychologue et d’un médecin par exemple ou d’un psychologue et d’un juriste. J’ai l’intention de favoriser ces dynamiques : pourquoi ne pas créer des lieux où se côtoieraient des professeurs, des assistants, des étudiants de diverses Facultés ? L’idée est de favoriser les échanges entre disciplines. LQJ : Comment appréhendez-vous les rankings ? A-S.N. : Il ne s’agit pas de viser l’impossible mais de sortir de notre tour d’ivoire et d’oser nous mesurer à des universités comparables. Les rankings ont une influence sur l’attractivité de notre Université. Notre recherche est de haute qualité et nous devrions pouvoir améliorer sa visibilité internationale afin d’augmenter notre positionnement sur le plan mondial. Cela passe notamment par le renforcement de l’aide à la publication, par la promotion des mécanismes de coopération et de solidarité, y compris dans le milieu de la recherche et les centres d’excellence extrêmement compétitifs comme le Giga. Aujourd’hui, nous avons besoin des autres pour exceller dans notre recherche. LQJ : Quelques projets en vue ? A-S.N. : Je souhaite continuer et renforcer les politiques de prévention et de lutte contre le harcèlement ainsi que les politiques d’égalité initiées dans le cadre de mon mandat et, notamment, finaliser mon projet de soutien à la parentalité, en répondant aux besoins de garde d’enfants. L’ULiège doit proposer une structure d’accueil pour favoriser l’inclusion et l’attractivité. S’agira-t-il d’une crèche ou d’une garderie ? Le sujet est complexe car nous avons plusieurs campus avec des besoins différents, mais il est à l’étude avec l’administrateure : un partenariat avec l’ONE est d’ailleurs envisagé. Le développement du numérique doit être poursuivi. Les premières assises de l’enseignement qui ont eu lieu à l’automne 2021 ont permis de dégager des pistes intéressantes à cet égard. Et notre candidature au “plan de relance européen” a été acceptée : nous allons recevoir des fonds pour parfaire notre équipement, amplifier les formations au numérique, financer une nouvelle plateforme d’enseignement en ligne, engager des techno-pédagogues facultaires de proximité. Par ailleurs, le conseil d’administration a décidé d’offrir à tous les étudiants inscrits la licence “Office 365” de Microsoft. C’est une révolution au sein de l’ULiège, un choix cornélien car nous préférions rester indépendants, mais la fracture numérique constatée durant le confinement est telle que nous avons opté pour cette solution en faveur des étudiants. Quant à la construction d’un nouveau home au Sart-Tilman et à la restauration de l’ancien, les projets viennent d’être votés par le conseil d’administration. En tant que vice- rectrice, je n’ai pas été associée à la construction du projet mais j’ai souhaité, à la lecture de l’offre déposée, que soit renforcé le nombre de kots sociaux pour répondre à la précarité étudiante qui est en augmentation ces dernières années. Nous allons continuer nos actions pour lutter contre celle-ci : c’est un problème de société qu’il faut envisager également aux niveaux local et politique. Rentrée académique le jeudi 22 septembre à 16h Amphithéâtres de l’Europe, quartier agora, campus du Sart–Tilman, 4000 Liège Animation musicale par le Chœur universitaire de Liège, accompagné par Roger Joakim, baryton et de François Cerny, pianiste. Sous la direction de Patrick Wilwerth. Toute la communauté universitaire est invitée à cette cérémonie. * informations et inscriptions sur https://www.news.uliege.be/ra2022 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 9 l’opinion

Les forêts, précieuses alliées Diamant sous canopée septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 10 à la une

Augmentation des températures, sécheresses, déforestations, incendies… Les forêts du monde entier sont actuellement soumises à une intense pression, en lien avec l’activité humaine. Un phénomène préoccupant d’autant que les forêts sont plus que nécessaires dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité. DOSSIER RÉALISÉ PAR THIBAULT GRANDJEAN East Dam Drone septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 11 à lal une

Les forêts recouvrent 30 % des terres émergées de la planète. Contrairement aux idées reçues, elles ne sont pas la première source d’oxygène de notre atmosphère – ce titre revient au phytoplancton. Mais c’est surtout pour leur capacité à stocker du carbone qu’elles font actuellement l’objet de toutes les attentions. Certaines études estiment que leur préservation pourrait réduire de 15 % nos émissions de CO2 d’ici à 2030. Pourtant, cela ne doit pas occulter les nombreux autres services écologiques qu’elles nous rendent : protection contre l’érosion des sols, filtration de l’eau, protection de la biodiversité… La FAO – l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture – estime ainsi que les forêts fournissent un habitat pour 80 % des amphibiens, 75 % des oiseaux et 68 % des mammifères. Pour Jean-François Bastin, chargé de cours à la faculté Agro-Bio Tech de Gembloux et spécialiste des forêts tropicales, cette vision multifonctionnelle des forêts constitue « un profond changement de mentalité, car elles ont été considérées uniquement comme des ressources exploitables, en particulier de bois, pendant longtemps ». Pourtant, en dépit d’une certaine disparité autour du globe, les forêts perdent encore du terrain, au rythme de 10 millions d’hectares par an entre 2015 et 2020, relarguant au passage des millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère. Une régression qu’il est important de stopper, si l’on veut contenir l’augmentation des températures en-dessous des 2°C. LA FORÊT REDÉFINIE Mais avant même d’évoquer la restauration des écosystèmes, encore faut-il savoir de quoi on parle. Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe pas de définition unanime de la forêt. « En fonction de l’endroit de la planète où vous vous trouvez, une forêt revêt des réalités très différentes », précise Jean-François Bastin. Toujours selon la FAO, une forêt est un territoire dont la superficie est supérieure à 0,5 hectare, le couvert de la canopée supérieur à 10 % et la hauteur des arbres supérieure à 5 mètres. Cependant, lorsqu’on écoute Christian Messier, la forêt prend un aspect beaucoup plus sensible. Ce professeur d’écologie forestière à l’université de Québec à Montréal et en Outaouais, directeur de l’Institut des sciences de la forêt tempérée, a obtenu en 2022 une chaire Francqui à la KULeuven, afin de développer des collaborations avec des chercheurs belges, notamment avec Jean-François Bastin. Pour lui, « une forêt est un écosystème dominé par l’arbre, et où ce dernier a la plus grande influence sur les échanges d’énergie avec le milieu extérieur. Il s’agit d’un système qui se régénère de lui-même sans l’influence de l’homme. Cette définition permet d’exclure les parcs urbains, ainsi que les grandes plantations de monocultures que certains considèrent malheureusement comme des forêts. » Cette notion de résilience et de régénération est très importante aux yeux des chercheurs. « Autrefois, une forêt en bonne santé désignait un écosystème sans perturbation, c’est-à-dire sans épidémie ni insectes ravageurs, rappelle Christian Messier. Or, on sait aujourd’hui que ces perturbations font partie intégrante du milieu. Par exemple, la forêt boréale du Québec subit tous les 40 ans une épidémie d’insectes qui détruit tous les sapins : 40 millions de morts ! Mais en réalité, cette épidémie maintient le sapin dans la région, en permettant aux jeunes pousses de se développer. Cela crée également du bois mort, un habitat dont dépendent de nombreux organismes. Cette notion de bonne santé ne me semble donc pas très pertinente. » Afin d’observer des écosystèmes de cette taille et éventuellement, de déterminer leur degré de dégradation, les chercheurs réalisent donc des suivis réguliers. « Tout pays doit avoir un inventaire de ses forêts, estime Christian Messier. Chacun est obtenu grâce à des placettes permanentes, réparties aléatoirement sur le territoire forestier, qui monitorent l’évolution des arbres. » Un idéal qui n’est malheureusement pas accessible partout. « Ces inventaires existent surtout dans les pays du Nord, qui en ont les moyens, regrette Jean-François Bastin. Cependant, on assiste à un essor de nouvelles technologies à des coûts abordables et utilisables en recherche. Elles nous permettent d’obtenir de nombreuses informations qui sont complémentaires avec les mesures de terrain. » Souvent monospécifiques, les forêts européennes sont fragiles 12 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ à la une

Des techniques dont le chercheur a fait sa spécialisation : via la télédétection par satellites ou l’utilisation de drones, il a mis en évidence que l’observation de la canopée offre un bon aperçu de l’état de la forêt tropicale. « En mesurant la hauteur des arbres et la taille de la couronne, en observant les trouées, on a en réalité une bonne estimation du volume de bois, de son niveau de maturité, de l’âge de la forêt ou de son peuplement. » Avec des chercheurs du monde entier, Jean-François Bastin a également participé à un inventaire mondial des forêts. En plus de revoir à la hausse le nombre d’espèces d’arbres existantes (plus de 73 000), les scientifiques ont également estimé à près de 9000 celles encore inconnues. Un chiffre d’autant plus important qu’il recouvre pour une bonne partie des espèces rares, dans des forêts largement dominées par quelques essences, ce qui les rend particulièrement vulnérables face aux menaces actuelles. Quel que soit le continent, en effet, les scientifiques dressent un constat sans appel : les forêts souffrent. La forêt boréale tout d’abord. Ces grandes forêts de conifères, situées majoritairement au Canada et en Russie, mais également dans les pays scandinaves, ont pourtant l’habitude des perturbations, avec de grands écarts de température entre l’hiver et l’été. « À l’heure actuelle, les forêts boréales émettent plus de carbone qu’elles n’en stockent, ce qui signifie qu’elles se dégradent, et je suis très inquiet pour leur survie. Elles sont une des dernières grandes forêts primaires, et un des grands réservoirs de carbone de la planète », indique Christian Messier. Les causes de cette dégradation sont multiples, avec en premier lieu la pression humaine. « En Russie, et dans une moindre mesure au Canada, les forêts sont surexploitées, avec peu de considération pour le maintien de la biodiversité. On observe alors une perte de qualité d’habitat pour de nombreuses espèces », révèle le scientifique québecois. Ce qui est également le cas dans les pays scandinaves, qui ont depuis longtemps procédé à une simplification des forêts, en vue d’une exploitation intensive. « Or, aujourd’hui, en réduisant la forêt à quelques essences et en éliminant le bois mort, des milliers d’espèces de champignons, d’insectes et d’oiseaux sont menacées », détaille-t-il. Cette pression se conjugue à celle du climat, dont les effets se font déjà durement ressentir. « L’augmentation des températures a pour effet d’augmenter dramatiquement la taille M.B. Morin 13 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ à la une

et la fréquence des feux. À ce rythme, les arbres n’ont pas le temps d’arriver à maturité et d’assurer leur reproduction, et on observe une perte de couvert forestier, continue le professeur. Ces températures plus douces sont également propices à la reproduction des insectes, comme la dendrochtone du pin qui a causé la mort de milliards de pins sur la côte ouest du Canada ces dernières années. » DES PRESSIONS EN PAGAILLE De plus, le réchauffement climatique entraîne avec lui des effets parfois contre-intuitifs. « Comme les températures montent, les forêts progressent vers le nord, révèle Jean-François Bastin. Or, en hiver, ces régions sont habituellement recouvertes de neige et réfléchissent le rayonnement solaire, abaissant localement la température. C’est l’effet albédo. Mais les conifères qui y poussent désormais sont très foncés et retiennent mal la neige. Ils absorbent la lumière, réchauffent le sol et accélèrent ainsi la fonte du permafrost, une source de gaz à effet de serre. » Plus au sud, les forêts boréales laissent place aux forêts tempérées dont nous, Européens, sommes coutumiers. En Europe comme en Asie, et après une large déforestation du Néolithique au Moyen Âge due à l’expansion humaine, les forêts ont maintenant tendance à regagner du terrain. Tendance qui s’est accrue ces dernières années grâce aux programmes de reforestation. Une bonne nouvelle, certes, mais qui ne suffit pas à masquer un tableau plutôt sombre. « En rentrant de République démocratique du Congo, il y a quelques années, j’ai compris à quel point nos forêts ici étaient malades », se souvient Jean-François Bastin. En effet, les forêts européennes, intensément gérées, sont souvent monospécifiques, c’est-à-dire n’ayant qu’une espèce d’arbre, comme l’épicéa, et avec peu de variabilité génétique. « Or, on assiste à une augmentation des périodes sèches, à la fois en durée et en intensité, ce qui entraîne une fragilité et une surmortalité des arbres, en particulier des conifères, analyse le jeune chercheur. Et une seule sécheresse, comme en 2018, va avoir des conséquences pendant les 20 prochaines années ! Sans oublier, comme au nord, les épidémies d’insectes xylophages. » Une analyse partagée par Christian Messier, qui est également préoccupé par la pression conjuguée du développement humain et des maladies et espèces invasives. Selon lui, la mondialisation, et avec elle l’explosion des échanges commerciaux, a largement favorisé l’apparition de ravageurs loin de leurs écosystèmes d’origine. Envato elements En 2022, les canicules et les faibles précipitations ont provoqué des feux de forêt très importants en Europe 14 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ à la une

« La Chine possède un biome* qui ressemble beaucoup à l’Europe et l’Amérique du Nord. Par conséquent et en l’absence de contrôles sanitaires, de nombreux insectes et virus présents dans ses forêts trouvent chez nous un milieu accueillant… Et vierge de prédateurs adaptés ! C’est là une source de dégâts très importants. Outre-Atlantique, une nouvelle espèce invasive apparaît environ tous les cinq ans. D’après certains calculs, les forêts d’Europe et d’Amérique du Nord pourraient perdre de cette façon jusqu’à 50 % de leurs arbres d’ici à 2050 », s’alarme le chercheur. Enfin, des tropiques à l’équateur se trouvent les forêts tropicales, véritables temples de biodiversité animales et végétales. Plus de la moitié des espèces animales du globe et plus de 60 % des espèces végétales se trouvent au cœur de l’Amazonie, des forêts de l’Afrique centrale, ou encore des îles d’Asie du Sud-Est comme Bornéo. Qui plus est, entre 1,2 et 1,5 milliard d’êtres humains dépendent aujourd’hui directement de ces forêts. Pourtant, moins d’un quart d’entre elles sont encore considérées comme intactes, quand 30 % sont dégradées et 46 % fragmentées. POINT DE NON-RETOUR « Actuellement, la principale cause de déforestation est due à leur conversion en non-forêt, que ce soit en cultures fourragères au Brésil, en palmeraies en Indonésie, ou en agriculture vivrière en Afrique centrale, détaille Jean-François Bastin. Cette dernière région nous inquiète beaucoup, en raison de l’explosion démographique à venir, qui va lourdement peser sur la déforestation. » Et, en plus d’avoir un impact sur le climat, la déforestation a également un impact sur la santé humaine : plus de 30 % des nouvelles maladies apparues depuis les années 1960 sont attribuées à la conversion des forêts en terrain exploitable. De plus, et contrairement à celles présentes sous nos latitudes, les forêts tropicales sont habituées à des conditions climatiques identiques tout au long de l’année. Or, avec la perturbation du cycle de l’eau au niveau mondial, ces forêts font face à une saisonnalité de plus en plus grande, susceptible de les affaiblir. « Combinée à la dégradation de la forêt, cela peut entraîner un véritable basculement », estime Jean-François Bastin. Ce basculement dont parle le chercheur est aujourd’hui au cœur des préoccupations de l’ensemble de la commu- * Un biome fait référence à une vaste zone géographique qui partage un climat, une flore et une faune similaires. septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 15 à la une

nauté scientifique, et pas seulement en Afrique. Une forêt comme l’Amazonie pourrait progressivement disparaître dès 2030 pour laisser place à une savane, et ce, malgré tous les efforts engagés pour sa préservation. « Il faut voir les forêts comme des écosystèmes qui ne réagissent pas linéairement à un changement de conditions environnementales, explique Jean-François Bastin. Par exemple, même si on observait une augmentation des températures et des précipitations d’année en année, on ne verrait pas s’installer une forêt tropicale ici en Belgique. Les forêts sont des systèmes résilients, qui possèdent une grande plasticité vis-à-vis des perturbations extérieures. Cependant, et sous la pression conjuguée de plusieurs facteurs comme la déforestation et le changement climatique, les forêts deviennent incapables de se régénérer. Les plantules ne se développent plus et laissent place à un nouvel écosystème qui, lui, est parfaitement adapté aux nouvelles conditions. » « Je donne souvent l’exemple d’un enfant rebelle face à ses parents, sourit (tristement) Christian Messier. Les parents tolèrent beaucoup de choses vis-à-vis de leurs enfants : les cris, les pleurs, les caprices… Les parents encaissent et contrôlent leurs émotions, malgré une certaine dégradation physique et psychique. Puis l’enfant fait une bêtise de trop, et les parents explosent. Dès lors, il leur est impossible de revenir à leur état initial, peu importe leurs efforts. L’énergie nécessaire est infiniment supérieure à celle mise en œuvre avant de basculer. Il en est de même pour nos forêts. Et nous n’avons pas les moyens d’agir a posteriori », insiste-t-il. Alors, que faire ? À en croire les scientifiques, “rien” n’est pas une réponse. « Protéger les forêts et les laisser se régénérer en empêchant toute intervention humaine, comme on l’entend souvent, est une notion qui ne fonctionne plus, estime Christian Messier. Même en l’absence d’exploitation, les forêts vont devoir faire face à de nombreuses perturbations. Nous commençons à voir les conséquences d’une simplification des forêts. Elles n’ont été capables de survivre jusqu’à aujourd’hui que grâce à des conditions relativement stables. Or, nous entrons dans une grande phase d’instabilité, avec de nombreuses inconnues qui, en l’absence d’action de notre part, vont causer beaucoup de dégâts. » « Le changement climatique est déjà en cours, ajoute Jean-François Bastin, ce qui rend impératif de réfléchir sur ce qui constitue une forêt durable à l’horizon 2050. En dépit des incertitudes, nous ne travaillons pas à l’aveuglette, car l’immensité des travaux scientifiques menés jusque-là donne une idée de la direction que va suivre le climat. » Selon les deux chercheurs, le meilleur moyen de lutter contre son changement, tout en faisant face à l’inconnu, consiste donc à diversifier nos écosystèmes forestiers afin d’augmenter leur résilience. « Actuellement, de nombreuses initiatives proposent de replanter des arbres. C’est une intention noble, mais qui ne fonctionne pas car elle ne recrée pas la complexité d’un écosystème, estime Christian Messier. C’est pourquoi nous proposons d’être plus intelligents, et de retourner aux fondements de l’écologie et de la nature. Créons des forêts diversifiées pour que, peu importe ce qui les attend, elles soient capables d’encaisser le choc. » Pour le comprendre, Christian Messier opte pour la métaphore des fonds de placement. « Il est impossible de prédire l’avenir, et les financiers le savent bien. Ainsi, ils diversifient leurs investissements et, quoi qu’il arrive, ces derniers génèrent un rendement intéressant. » Dans une forêt, cela se signifie planter des espèces aux traits fonctionnels hétéroclites. Certaines seront tolérantes aux feux quand d’autres seront résistantes à diverses maladies ou insectes, ou encore aux événements climatiques extrêmes comme les tempêtes et les vents violents. « Et cette diversité doit s’accompagner d’une certaine redondance dans leurs propriétés, souligne le chercheur. Autrement dit, pour chaque fonction, il faut sélectionner plusieurs essences aux propriétés similaires. Imaginez que vous souhaitiez rendre une Les perturbations sont parfois bénéfiques au milieu. 16 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ à la une

forêt plus résistante à la sécheresse, en ne plantant qu’une seule espèce adéquate. Il suffit d’une épidémie ciblée pour que cette protection tombe. La redondance est une caractéristique fondamentale des écosystèmes naturels. » Enfin, les chercheurs estiment qu’il est nécessaire de réintroduire une certaine hétérogénéité de population. « Dans toute forêt naturelle, il y a des arbres vieux et d’autres plus jeunes, ce qui assure un renouvellement naturel des générations. Même monospécifiques, nos forêts sont encore des forêts, avec leur microclimat, leur humidité et leur pénombre. Il est donc beaucoup plus facile d’agir aujourd’hui en y introduisant de la diversité, plutôt que d’attendre que l’écosystème soit en train de basculer. Recréer artificiellement ces conditions serait bien trop coûteux », estime Jean-François Bastin, qui incite les organismes forestiers à réaliser dès maintenant ces changements. Pour Christian Messier, les forêts actuelles sont victimes d’une logique comptable, où l’être humain a longtemps cherché à en maximiser les rendements. Mais, selon lui, leur survie dépend de notre capacité à renoncer, au moins en partie, à ce contrôle. Et si cette opinion n’est pas encore très populaire, il constate une évolution. « Il y a cinq ou dix ans, je rencontrais beaucoup de résistance face à mes travaux. Mais les récents événements, comme la sécheresse de 2018 ou les immenses feux en Amérique du Nord ont modifié la donne », estime-t-il. Un espoir partagé par Jean-François Bastin, même s’ i l nourrit aussi quelques doutes : « Trop de décideurs veulent “la” solution unique, tout de suite. Or, les forêts existent sur une échelle de temps différente de la nôtre. Il faut être prêt à accepter d’effectuer des changements maintenant, pour n’en récolter les fruits que dans 50 ou 100 ans ». Un programme d’avenir. Jean-François Bastin est l’heureux bénéficiaire d’un “StartUp Grant Francqui”, un subside accordé bisannuellement à un jeune chercheur pendant trois ans par la fondation Francqui. Pour aller plus loin Des che rcheur s de UL i ège G emb l o u x Ag r o - B i o Te c h ont cont r i bué à une étude internat ionale menée par le comité de pilotage du réseau de parcelles d’inventaire forestier i nternat i ona l – “The Gl oba l Forest Biodiversity Initiative” – dans laquelle le consortium de scientifiques a estimé le nombre total d’espèces arborées dans le monde. https://www.gembloux.uliege.be (GFB) J.-F. Bastin septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 17 à la une

En deux mots Finance verte, éthique et durable HEC-école de gestion de l’ULiège lance un nouveau master de spécialisation en “gestion des risques financiers, module Sustainable and Climate Finance”. Une nouvelle formation dont l’ambition est d’intégrer des critères liés au climat, à l’éthique, à la durabilité et à la gouvernance (ESG) dans les processus d’investissement et de gestion. Dispensée en anglais, le cursus est théorique et illustré par des cas concrets. Il aborde les aspects quantitatifs (modélisation, algorithmes, etc.) de la mécanique des produits financiers et des méthodes de gestion. Ce programme de haut niveau, unique en Fédération Wallonie-Bruxelles, est organisé en horaire décalé et selon un mode hybride (certaines séances en ligne et d’autres en présentiel). Il s’adresse aux universitaires possédant déjà une formation ou une expérience dans le domaine de la gestion financière et désireux de développer leurs aptitudes et leurs compétences dans le domaine spécifique de la finance verte, éthique et durable. * site www.hec.uliege.be (formations à horaire décalé), courriel christine.bertrand@uliege.be Spin-offs LiveDrop, spin-off de l’ULiège, a levé 2,3 millions d’euros afin de commercialiser un instrument de haute technologie. ModaFlowTM, qui repose sur la technologie microfluidique des gouttes, permet le tri des cellules biologiques vivantes à haut potentiel et l’analyse à l’échelle de la seule cellule (single-cell). Le projet LiveDrop repose sur les recherches de Stéphanie van Loo et du Pr Tristan Gilet au Microfluidics Lab de l’ULiège. Tool2Care, la dernière née des spin-offs de l’ULiège en sciences psychologiques, a bouclé son premier financement suite à son appel à coopérateurs, lancé en avril. L’objectif est de créer une plateforme collaborative simple et transparente pour améliorer les soins psychologiques et logopédiques, tout en permettant aux cliniciens d’appliquer facilement la démarche “Evidence-Based Practice” (EBP). * site https://tool2care.org Theratrame est une spin-off en biotechnologie de l’ULiège qui explore de nouveaux domaines cibles afin de développer des thérapies innovantes contre le cancer. Son approche pionnière exploite le secteur de l’épitranscriptiomique des ARNt. Propulsée par une plateforme exclusive de découverte de médicaments basée sur l’IA, Theratrame développe de nouveaux candidats-médicaments de première classe pour de meilleurs traitements. * courriel info@theratrame.com, site www.theratrame.com En liberté L’Observatoire du monde des Plantes accueillera la 3e édition de “Papillons en liberté” du 17 septembre au 1er novembre. L’occasion d’admirer une centaine de Lépidoptères aux couleurs flamboyantes et de s’émerveiller devant des chrysalides d’espèces exotiques qui donneront naissance à autant de papillons bigarrés. Observatoire du Monde des Plantes, chemin de la Ferme 1b, campus du Sart-Tilman, 4000 Liège Du lundi au samedi de 10 à 17h , le dimanche de 11 à 17h. * site https://www.hexapoda.uliege.be C. Dijon 18 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ omni sciences

Rentrée MSH Pour son dixième anniversaire, c’est sous l’égide du soutien au monde de la culture et de l’écriture que la MSH fait sa rentrée. En prélude, elle propose une pièce de T-théâtre faisant écho au contexte de la crise que nous traversons actuellement : Le Décaméron. Œuvre majeure de Boccace et pilier de la culture européenne et humaniste, ce recueil fait écho à nos vies, veut provoquer et sublimer la rencontre, recréer du lien social et humain par des petites fables de l’ordinaire. Cinq nouvelles du Décaméron seront ainsi performées par l’Infini Théâtre, qui organisera également deux ateliers d’écriture de nouvelles en lien avec les représentations. Le jeudi 29 septembre à 18h au TURLg, quai Roosevelt, 4000 Liège. * site www.msh.uliege.be One Health La leçon inaugurale du département des sciences de la santé publique aura lieu le mardi 4 octobre. Serge Morand, directeur de recherche au CNRS, donnera une conférence intitulée “Approche One Health : intégrer l’environnement et la biodiversité dans l’organisation du système de santé. Réflexions à partir de la Thaïlande”, le mardi 4 octobre à 18h15 dans l’auditoire Bacq et Florkin du CHU de Liège, quartier Hôpital , campus du Sart-Tilman, 4000 Liège. Unifestival Le temps d’une soirée, la métamorphose du campus du Sart-Tilman sera totale ! La 14e édition de l’Unifestival, soirée musicale, aura lieu le jeudi 6 octobre. Les artistes se succéderont sur les trois scènes prévues. * https://www.facebook.com/ Unifestival/ Leçons inaugurales Les leçons inaugurales de la faculté de Droit, Science politique et criminologie auront lieu le jeudi 27 octobre à partir de 16h15. Les communications des nouveaux chargés de cours - Sophie André, Aude Berthe, Jean Bublot et Vincent Sepulchre seront précédées d’un discours de Christine Morreale, vice-présidente du gouvernement wallon, ministre de l’emploi, de la formation, de la santé, de l’action sociale et de l’économie sociale, de l’égalité des chances et du droit des femmes. Aux amphithéâtres de l’Europe, quartier Agora, campus du SarTilman, 4000 Liège. * iinformations et inscriptions via le site www.droit.uliege. be/lecons-inaugurales-2022 Nuits de folies Baroque, Renaissance, mais toujours moderne aux oreilles d’aujourd’hui, la musique ancienne (du Moyen Âge à 1750 environ) est au cœur du festival “Les Nuits de septembre”. Frédéric Degroote, hautboïste et doctorant en musicologie, est l’actuel directeur artistique de cette manifestation créée en 1957 à l’initiative de Suzanne Clercx, musicologue de l’université de Liège, et à laquelle sont associées les Jeunesses musicales. « Le thème retenu – la folie – est celui de la fédération des Festivals de Wallonie », explique-t-il. Partant d’une des définitions de l’Éloge de la Folie d’Érasme qui convoque ivresses sans fin, joies, délices et enchantements, Frédéric Degroote propose une vision musicale polysémique faisant la part belle à l’extravagance et aux interprètes confirmés et émergents. Jusqu’au au 9 octobre. * https://www.lesnuitsdeseptembre.com septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 19 omni sciences

La santé et le genre Au cours de cette année, le FERULiège organise un cycle d’activités autour du thème “santé et médecine sous le prisme du genre : historique et perspectives”. • Muriel Salle, spécialiste en histoire des femmes et du genre, donnera une conférence sur : “La médecine a-t-elle un sexe ? Perspectives historiques”, le lundi 10 octobre à12h30 dans la salle du Conseil de la faculté de Droit (B.31 Sart-Tilman). • Catherine Vidal, neurobiologiste, féministe et essayiste, membre du Haut Conseil à l’Egalité (HCE) en France est invitée à donner une conférence “Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner“ le 27 octobre à 16h30 à l’exèdre Dick Annergarn au Sart-Tilman. • Une séance sera également dédiée à la sensibilisation, formation et encadrement des médecins en matière d’avortement. * Si vous voulez participer au groupe de travail ou être tenu au courant du programme d’activités, contactez Claire Gavray par courriel cgavray@uliege.be Sans transition ! Le Théâtre de Liège organise, du 6 au 26 novembre, le Forum “Sans transition ! Cultivons nos futurs,” en collaboration avec un comité scientifique de l’ULiège et son Green Office dirigé par Cécile Van de Weerdt. Débats, installations, conférences, spectacles et lectures sont au menu de ce forum dont l’ambition est d’élaborer des solutions communes aux enjeux d’un futur durable. * www.theatredeliege.be Formation À l’initiative du Pacodel, et en partenariat avec Eclosio et la faculté de Médecine vétérinaire, une nouvelle formation continue “Comprendre et gérer les dimensions humaines des projets de changement en développement durable” commence en septembre 2022. Une formation en quatre ans. * https://www.eclosio.ong/ Nuit des chercheur·es L’université de Liège participe activement à la “Nuit des chercheur·es”, une initiative de la Commission européenne qui entend favoriser un dialogue entre les scientifiques et le grand public afin de le sensibiliser aux activités de recherche et d’innovation. La thématique choisie cette année est la recherche spatiale, l’observation de la Terre et de l’espace. Le vendredi 30 septembre de 17 à 21h à la Médiacité, rue Grétry, 4020 Liège. Eclosio La 8e édition du magazine Cultivons le futur de l’ONG Eclosio est accessible en ligne. Il s’agit d’un numéro spécial qui aborde les nombreuses facettes de la migration et comprend plusieurs articles de professeur·es, doctorant·es et étudiant·es ULiège. * site https://www.eclosio.ong/ FB4You Déployée depuis l’an dernier, FB4You est une nouvelle application de feedback destinée aux étudiant·es de l’ULiège. Développée par le Smart-IFRES, elle permet aux étudiant·es de recevoir sur leur smartphone des feed-back individualisés, produits de manière semi-automatique par les plateformes de correction de tests du service SMART ou directement par les enseignant·es. Chaque étudiant·e peut ainsi prendre connaissance de sa note globale pour l’ensemble d’un test; de sa position au sein de la cohorte des étudiant·es ayant passé le même test ; de commentaires généraux de l’enseignant·e sur le test, sur sa performance spécifique et sur la manière de l’améliorer. L’application FB4You est ouverte à l’ensemble du personnel enseignant et à tous les étudiant·es ULiège. Elle cible toutefois particulièrement les bacheliers de bloc 1. * informations auprès de Pascal Detroz, Smart - Ifres, tél. 0484 50 42 76 20 omni sciences mai-août 2022 / 282 ULiège www.ul iege.be/LQJ

Le contrat social après la Seconde Guerre mondiale a fai t de la recherche scientifique et de ses applications industrielles le moteur du développement économique et le levier de la prospérité, du développement social et humain. Cette trajectoire a profondément façonné nos manières de vivre au niveau individuel et collectif, et entretenu un imaginaire puissant de la découverte et de l’innovation. La “révolution verte” de l’agriculture, la conquête spatiale ou le séquençage du génome en sont des emblèmes. Les promesses entretenues ont relégué à l’arrière-plan du débat démocratique les implications très concrètes de ces choix technologiques, ou délégué aux experts le soin d’en discuter. La pandémie, en s’infiltrant dans le plus intime de notre vie quotidienne à tous a donné une visibilité inédite à l’agencement complexe et fragile qui tient ensemble la recherche scientifique, l’expertise, l’industrie, les autorités politiques, nos systèmes publics de santé et de protection sociale. On s’est étonné que nombre de gens expriment de fortes réserves vis-à-vis de la vaccination. On s’est indigné de voir les mesures sanitaires contestées, dénoncées comme incohérentes ou contradictoires. Au nom de “la science” et de ses valeurs, on a dénoncé la défiance, battu le rappel de la confiance. La brèche reste profonde. Quelle leçon en tirer ? Peut-être devrions-nous instaurer ce que la philosophe Isabelle Stengers appelle une “intelligence publique des sciences”. Ce n’est pas une mince affaire. Dans le sillage de la pandémie, une telle “intelligence publique” aurait à réfléchir avec lucidité sur le rôle des sciences au regard des fragilités évidentes de nos systèmes de santé, des relations déséquilibrées avec l’industrie pharmaceutique, des limites de l’organisation actuelle de l’expertise ou encore des liens entre situation pandémique et perturbations écologiques mondiales. Toute la question est de bâtir les institutions qui nous permettront de “mettre les sciences en démocratie” — et d’affronter avec ouverture les transformations en profondeur qu’elles imposeraient, certainement, aux savoirs scientifiques eux-mêmes. Florence Caeymaex philosophie morale et politique, faculté de Philosophie et Lettres et faculté de Médecine Nostra culpa Le LQJ de mai dernier a invité plusieurs enseignant·es issu·es de toutes les Facultés à livrer un regard en réponse à la question ”Qu’avonsnous appris de la crise?”. Pourquoi la réaction de la Pr Florence Caeymaex n’a-telle pas été pas publiée ? À l’heure d’écrire ces lignes, c’est toujours un mystère. C’est donc en lui présentant – ainsi qu’à la Faculté – ses plus sincères excuses que le LQJ tente de réparer son erreur en publiant son texte ici. J.-L. Wertz septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 21 omni sciences

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