LQJ-283

Le contrat social après la Seconde Guerre mondiale a fai t de la recherche scientifique et de ses applications industrielles le moteur du développement économique et le levier de la prospérité, du développement social et humain. Cette trajectoire a profondément façonné nos manières de vivre au niveau individuel et collectif, et entretenu un imaginaire puissant de la découverte et de l’innovation. La “révolution verte” de l’agriculture, la conquête spatiale ou le séquençage du génome en sont des emblèmes. Les promesses entretenues ont relégué à l’arrière-plan du débat démocratique les implications très concrètes de ces choix technologiques, ou délégué aux experts le soin d’en discuter. La pandémie, en s’infiltrant dans le plus intime de notre vie quotidienne à tous a donné une visibilité inédite à l’agencement complexe et fragile qui tient ensemble la recherche scientifique, l’expertise, l’industrie, les autorités politiques, nos systèmes publics de santé et de protection sociale. On s’est étonné que nombre de gens expriment de fortes réserves vis-à-vis de la vaccination. On s’est indigné de voir les mesures sanitaires contestées, dénoncées comme incohérentes ou contradictoires. Au nom de “la science” et de ses valeurs, on a dénoncé la défiance, battu le rappel de la confiance. La brèche reste profonde. Quelle leçon en tirer ? Peut-être devrions-nous instaurer ce que la philosophe Isabelle Stengers appelle une “intelligence publique des sciences”. Ce n’est pas une mince affaire. Dans le sillage de la pandémie, une telle “intelligence publique” aurait à réfléchir avec lucidité sur le rôle des sciences au regard des fragilités évidentes de nos systèmes de santé, des relations déséquilibrées avec l’industrie pharmaceutique, des limites de l’organisation actuelle de l’expertise ou encore des liens entre situation pandémique et perturbations écologiques mondiales. Toute la question est de bâtir les institutions qui nous permettront de “mettre les sciences en démocratie” — et d’affronter avec ouverture les transformations en profondeur qu’elles imposeraient, certainement, aux savoirs scientifiques eux-mêmes. Florence Caeymaex philosophie morale et politique, faculté de Philosophie et Lettres et faculté de Médecine Nostra culpa Le LQJ de mai dernier a invité plusieurs enseignant·es issu·es de toutes les Facultés à livrer un regard en réponse à la question ”Qu’avonsnous appris de la crise?”. Pourquoi la réaction de la Pr Florence Caeymaex n’a-telle pas été pas publiée ? À l’heure d’écrire ces lignes, c’est toujours un mystère. C’est donc en lui présentant – ainsi qu’à la Faculté – ses plus sincères excuses que le LQJ tente de réparer son erreur en publiant son texte ici. J.-L. Wertz septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 21 omni sciences

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