LQJ-283

Le projet ChemForce, piloté par Anne-Sophie Duwez, vient de recevoir un ERC Advanced Grant du Conseil européen de la recherche. Une reconnaissance exceptionnelle pour cette chimiste qui aime tant maltraiter des molécules. ENTRETIEN HENRI DUPUIS Nul doute : grande amatrice de whisky qui n’hésite pas à parcourir l’Écosse à la recherche de crus rares, Anne-Sophie Duwez, professeure à l’ULiège où elle dirige le laboratoire NanoChem, a dû fêter son ERC non au champagne comme il se doit, mais avec un bon single malt ! Mais peu importe le breuvage, la célébration était légitime. Car cet ERC (2,5 millions d’euros en cinq ans) va lui permettre de développer ses recherches dans le domaine de la mécanique des liaisons chimiques. Sans dissimuler le fait que cette attribution est aussi une belle reconnaissance des travaux accomplis au cours de sa carrière. Carrière qui débute de manière quelque peu atypique : toute jeune, Anne-Sophie Duwez sait qu’elle veut être chercheuse en chimie… sans avoir la moindre idée de ce qu’est la chimie. Mais par admiration pour une chercheuse « qui donne des conférences et voyage beaucoup ! ». Par chance, la découverte de la chimie lors des études secondaires ne la fait pas changer d’avis, bien au contraire. La chimie, elle adore ça ! Et la recherche aussi. Études et doctorat à l’UNamur, puis début de carrière FNRS au sein de l’UCLouvain. C’est là qu’elle rencontre pour la première fois un instrument qui va orienter sa vie de chercheuse, le microscope à force atomique [voir encart], et qu’elle va ensuite apprendre en autodidacte à manipuler des molécules une par une lors de son séjour post-doctoral à l’Institut Max-Planck de Mainz. COMPORTEMENTS UNIQUES Grâce à l’ouverture d’un poste de chargé de cours à l’ULiège, elle y débarque en 2006. Cette charge de cours avait été ouverte pour démarrer une nouvelle activité, la microscopie à force atomique, ce qu’Anne-Sophie Duwez va s’empresser… de ne pas faire ! « Du moins, pas tout à fait rectifie-t-elle. Le côté imagerie ne m’intéressait pas. Ce n’est pas obtenir une image d’une molécule que je trouve intéressant, mais bien détourner la technique. J’avais découvert dans la littérature que des biologistes déformaient des protéines en tirant dessus avec la pointe du microscope, mais rien de semblable ne se faisait en chimie sur des petites molécules. C’est cela que j’ai commencé à développer, utiliser la pointe pour triturer des molécules uniques, pas des ensembles, et en tirer une série d’informations. » C’est la spectroscopie de force sur molécule unique [voir encart page suivante]. En effet, des expériences ont montré qu’une molécule isolée ne se comporte pas nécessairement comme ce qui est attendu pour un ensemble de molécules. « On peut septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 33 omni sciences

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