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et le gouvernement a enfin reconnu que la santé mentale était une composante essentielle de la santé “tout court”, ce que l’OMS clame depuis longtemps. La crise a été le moment d’une “dé-stigmatisation” de la santé mentale. En reconnaissant les enjeux, le pouvoir a mis en place une série de dispositifs pour faire face à la demande de soins : engagement de psychologues dans les hôpitaux et autres centres agréés, meilleur remboursement des séances psychologiques, intérêt pour les populations précarisées, en prison, ou encore les minorités sexuelles. » Cependant, la prise de conscience seule ne suffit pas toujours à amorcer de nouveaux comportements. « Le réchauffement climatique en est un bel exemple. En 1988 déjà, un groupe intergouvernemental d’experts expliquait l’effet de serre et pointait la responsabilité humaine en la matière, reprend Fabienne Glowacz. Depuis lors, des “micro- changements” ont été initiés mais les problèmes demeurent, identiques à ceux déjà observés il y a plus de 30 ans. » Après avoir cité Edgard Morin*, “la conscience est le fruit ultime de l’évolution. Et il est essentiel que cette prise de conscience permette une évolution des modes de pensées et des systèmes de valeurs qui régissent nos sociétés”, la professeure temporise : « Si les informations sont disponibles, il faut du temps pour comprendre les phénomènes, percevoir les enjeux climatiques, politiques, sociaux, économiques et aussi absorber le trauma que représentent les constats actuels. » Dans les pas de Kurt Lewin (psychologue social de la première moitié du XXe siècle), le Pr Daniel Faulx – qui sera également présent au colloque – estime que le processus rééducatif doit remplir une tâche équivalente à un changement de culture. Pour lui, ce changement débouchera sur des transformations comportementales. QUESTION DE MÉTHODE Parmi les multiples approches qui tentent de saisir la complexité des processus de changement, la recherche qualitative [voir encart ci-contre] met l’accent sur la compréhension des phénomènes sociaux, des processus évolutifs à partir d’une immersion dans la complexité du vécu ou de la situation étudiée plutôt qu’en laboratoire. Elle sera, en octobre prochain, au cœur du colloque intitulé “Comprendre les processus d’adaptation, de résilience et de changement : un enjeu pour les sciences humaines. Apport des méthodes qualitatives et mixtes.” L’étude et l’analyse des processus de changement constituent un véritable défi pour les sciences humaines. C’est pourquoi les chercheurs déploient de multiples outils d’analyse, et ce dans toutes les disciplines. Actuellement en plein essor, la recherche qualitative propose une diversité de référents épistémologiques, de méthodes et d’approches. Plutôt que de tendre vers la généralisation des données, la démarche qualitative vise avant tout la compréhension et la profondeur en s’immergeant dans la complexité d’une situation. L’individu n’est pas considéré comme un réceptacle passif d’informations reflétant une réalité objective, mais comme un acteur qui participe pleinement à la construction du réel à travers une activité continue d’interprétations de son monde vécu. « Cette recherche est dite “qualitative” parce que les instruments et méthodes sont conçus à la fois pour recueillir des données qualitatives (témoignages, notes de terrain, entretiens, focus group, etc.) et pour analyser ces données en se basant sur le sens plutôt que de les transformer en pourcentages ou en statistiques. L’ensemble du processus est mené de manière à développer une démarche empathique avec les personnes, de façon à approcher autant que possible leurs actions, le sens qu’elles leurs donnent à travers leurs témoignages », résume Catherine Fallon. Un projet de recherche subventionné par Belspo – “Intimate Partner Violence : during et after Covid”– et coordonné par la Pr Fabienne Glowacz, en partenariat avec la VUB et l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC), a Méthode qualitative * Edgard Morin, Réveillons-nous, Denoël, Paris, 2022. 38 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ omni sciences

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