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quelqu’un qui fait de la permaculture, qui donne un sens à son existence, et qui est utile aux autres. » Cette force de l’imaginaire, le réalisateur la retrouve dans la période qui a précédé les premiers pas sur la Lune. Si l’exploit a été possible, c’est grâce à l’impulsion donnée par le président Kennedy, mais également au contexte culturel. À l’époque, les récits de science-fiction étaient nombreux, en particulier ceux de Robert Heinlein, dont on dit qu’il a créé le désir d’espace chez les Américains. Pour cette raison, Cyril Dion vient de lancer avec Marion Cotillard une nouvelle société de production, Newtopia, dans le but de concevoir des films et des séries qui « proposent d’autres imaginaires de l’avenir. Pour construire un autre monde, il faut commencer par pouvoir l’imaginer. » Reste que si le film Demain traçait les contours problématiques de l’organisation humaine, il ne parlait guère de l’effondrement de la biodiversité, un des facteurs-clés de la préservation des écosystèmes. C’est chose faite avec le documentaire Animal, sorti en 2021. « Malheureusement, depuis quelques années, et en particulier depuis les COP, la question écologique est souvent réduite à la question climatique, fustige Cyril Dion. Cela m’a donné envie de mettre l’accent sur la question de la biodiversité, mais avec la même démarche que Demain, c’est-à-dire en s’adressant au cœur du problème, à savoir notre relation au reste du monde vivant, et la façon dont on se situe, nous les êtres humains. » Au lieu du road-trip planétaire à la recherche de solutions, le réalisateur a choisi cette fois de montrer au spectateur les grandes causes de l’érosion de la biodiversité, comme la perte d’habitat, la surexploitation ou encore la pollution. Avec un constat récurrent à travers le film : en se coupant de la nature, nous avons perdu notre sensibilité au monde vivant. « L’anthropologue Philippe Descola disait qu’il était urgent d’amener les gens dans la nature, car au fond on ne protège que ce que l’on aime, et on n’aime que ce que l’on connaît. Or, si on passe notre temps dans des villes, la perte de connexion est inévitable. » Replacer l’être humain à sa juste place, donc, en tant qu’animal parmi les autres. Mais aussi lutter contre les inégalités sociales, qui ne sont pas sans rapport avec notre regard sur le reste du vivant. « Il y a des similitudes dans la façon dont les hommes traitent les écosystèmes et la manière dont ils considèrent les femmes. Nous avons chosifié les écosystèmes comme nous avons chosifié les femmes, en les transformant en objets dont on peut disposer pour sa propre jouissance et son propre plaisir. Des études montrent que si on laisse à chaque femme le choix, non seulement de ses études mais également de devenir mère ou non, il y aurait 1,8 milliard d’êtres humains en moins sur Terre à la fin du siècle. Or la question écologique est intiment liée à la question démographique. Il est donc intéressant de voir que la question de l’écoféminisme n’est pas juste une grande idée, mais qu’elle a des répercussions bien concrètes. » Dans ce contexte, l’angle choisi dans Animal n’est pas innocent. En choisissant de montrer la destruction de la biodiversité à travers les yeux de deux adolescents activistes pour le climat, le réalisateur donne la parole à une génération très concernée par l’avenir de la planète, mais souvent traitée avec condescendance par ses aînés. « Comment ne pas comprendre qu’avoir entre 15 et 25 ans aujourd’hui est extraordinairement angoissant ? », s’interroge le réalisateur. « Leur avenir est sombre, d’autant plus que les générations précédentes ont refusé de s’occuper de ce problème. Il faut écouter cette jeunesse et travailler avec elle. Si elle est dans la rue aujourd’hui, c’est bien parce qu’elle a l’impression que personne n’est aux commandes. Et nous n’avons pas le temps d’attendre qu’elle prenne les choses en main : nous sommes la première génération à mesurer les conséquences tangibles du changement climatique et la dernière à pouvoir y faire quelque chose », insiste-t-il. ACTIONS CITOYENNES Pour Cyril Dion, agir pour le climat, ce n’est pas seulement faire des films ou descendre dans la rue. Il est également nécessaire de rentrer dans le débat démocratique. Pour cette raison, il a choisi d’accompagner l’initiative de la Convention citoyenne pour le climat en France, dont il était un des garants. Cette assemblée, Pour construire un autre monde, il faut commencer par l’imaginer 54 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ l’ invité

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