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nombre de 11 millions en Belgique, plus en France. Autant de personnes qui possèdent ou sont susceptibles de posséder un ou plusieurs gadgets connectés. Il va donc bien falloir mettre le holà en ce qui concerne les usages individuels. Je ne serais pas contre une loi limitant le streaming. Mais on ne peut pas traiter une entreprise de la sorte. Le numérique peut permettre à une entreprise de devenir plus performante, pas seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan environnemental. On peut imaginer que cela va donner lieu, par exemple, à une réduction des frais opérationnels, à une diminution de l’utilisation des matières premières, à une meilleure qualité, ce qui réduira le recours à des produits de moindre qualité fabriqués à bas coût en Asie, à une relocalisation en Europe. Ce sont des arguments que j’entends. Dans le domaine médical, et notamment dans la détection de certains cancers, l’intelligence artificielle contribue à rendre la marge d’erreur de plus en plus faible. À l’inverse, j’ai un problème avec les entreprises qui ne font que soigner leur image en se donnant un vernis éco-responsable. F.B. : Je voudrais réagir sur un point. Vous dites qu’on ne peut pas arrêter le progrès. Mais pourquoi le progrès viendrait-il forcément de la technologie ? Cela interroge. Pourquoi faudrait-il toujours aller vers plus d’efficacité ? Plus d’efficacité aujourd’hui se traduit en fait par des effets rebond. Alors, je veux bien croire qu’il y a des petits secteurs dans lesquels une technologie a permis de réduire l’impact environnemental en diminuant l’utilisation des ressources. Mais que fait-on de ce gain ? In fine, il sera réinvesti la plupart du temps dans l’achat d’une nouvelle machine au lieu de servir le bien commun. Les gains générés seront utilisés pour faire encore plus de biens de consommation. C’est la première chose qui me gêne avec cette idée du progrès qui passerait forcément par le numérique et qui serait une évolution inéluctable à laquelle on ne pourrait pas échapper. Personnellement, c’est un monde dont je ne veux pas. En outre, on entend également très souvent que le numérique serait très utile dans des secteurs-clés comme celui de la santé. Cela permettrait de dépister les cancers de plus en plus tôt et de façon de plus en plus précise, mais cela intéresse quelle fraction de la population mondiale ? C’est un truc de riches ! Ce n’est durable en aucun cas et pour une raison très simple : jamais il n’y aura assez de métaux pour déployer ces dispositifs à l’échelle mondiale. LQJ : Il faut ajouter par ailleurs que le lien entre baisse des émissions carbone et développement du numérique ne repose que sur des hypothèses. Ainsi, pour la Belgique, on estime que la baisse des émissions pourrait être de l’ordre de 10 % d’ici 2030… F.B. : À ce sujet, c’est très intéressant de lire le contenu des études, de voir de quelle manière les hypothèses sont posées sans tenir compte des effets rebond et à quel point elles sont contestables. La plupart des conclusions ne tiennent pas debout, il faut être clair. Mais encore une fois, je ne suis pas en train de dire que c’est mauvais partout. Par exemple, on ne serait pas capable de distribuer de l’énergie au domicile des gens à partir d’une multitude de systèmes renouvelables différents sans numérique. N.N. : Dans l’enseignement supérieur, le numérique a permis de maintenir notre mission. Sans cela, on aurait eu un confinement complet de l’enseignement également pendant des mois. Même à distance, j’avais des étudiants qui étaient présents, qui posaient des questions. Nous avons pu garder nos objectifs. Je peux donner un autre exemple : un jeune près de chez moi a repris la ferme de ses parents. Grâce au numérique, il a pu développer toute une offre locale. Il utilise les réseaux sociaux pour faire connaître et reconnaître son travail. L’outil numérique lui permet de faire comprendre son travail au quotidien, de montrer comment les animaux sont plus respectés. Il a choisi de prendre la meilleure partie du numérique. Ce que l’on en retient, c’est que ce n’est pas le numérique le problème, c’est ce qu’on en fait. Lui, il a certainement une philosophie dans le cadre de son travail, dans le cadre de sa vision de la société. Et il a trouvé comment intégrer le numérique pour que cela serve sa philosophie. Encore une fois, le problème ce n’est pas l’outil, c’est l’usage qui en est fait. F.B. : Cela rejoint l’idée que la technologie serait complètement neutre et que ce qui compte, c’est l’usage qu’on en fait. Je soutiens que ce n’est pas neutre. En effet, comment sont financés les programmes de développement du numérique ? Ce 66 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ le dialogue

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