LQJ-284

« L’oncologie se complexifie de manière phénoménale, commente le Pr Yves Béguin. Avant, on avait besoin de bons chirurgiens et de bons radiothérapeutes. Le reste reposait essentiellement sur la chimiothérapie. Aujourd’hui, la découverte de la présence de nombreuses anomalies génétiques au sein des cancers permet de déterminer le pronostic d’un patient et d’évaluer les bénéfices de tel ou tel traitement. La prise en charge devient dès lors très spécifique, très personnelle. » Les caractéristiques génétiques du cancer (dites aussi mutations “somatiques”, par opposition aux mutations “germinales” qui se transmettent à la descendance) sont devenues à tel point prépondérantes dans le choix d’un traitement qu’un même médicament peut parfois être utilisé pour soigner un cancer du sein et un cancer du rectum. Il n’est donc plus pertinent de fonctionner strictement “par organe”, même si la localisation du cancer reste évidemment un élément déterminant. « Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est plus possible d’être un cancérologue général ou même un hématologue général, insiste Yves Béguin. Au sein même d’un domaine aussi spécialisé que l’hématologie, il faut aujourd’hui se sur-spécialiser si l’on veut rester au top. Et cela n’est évidemment possible que dans un grand centre. » COMPLEXIFICATION ET CENTRALISATION La centralisation de multiples compétences va bien sûr de pair avec de nouveaux modes de fonctionnement. « Il faut aller vers cette notion d’intégration et fonctionner de manière plus collégiale, notamment grâce à l’organisation de demi-journées thématiques sur tel ou tel type de cancer. Par exemple, si le lundi après-midi et le mercredi matin sont dédiés au cancer du sein, cela permettra à tous les spécialistes impliqués dans ce cancer de consulter dans des bureaux adjacents. Les infirmiers de liaison seront aussi là pour assurer un premier contact avec le patient et coordonner au maximum tous les soins. Nous avons ainsi sérieusement augmenté leur nombre. Nous organiserons aussi des consultations plurisdisciplinaires dans le même bureau, ce qui est évidemment avantageux au moment du diagnostic et de l’élaboration du plan de traitement, mais aussi en cas de rechute. » Le fil rouge : remettre le patient “au cœur” de la thérapeutique plutôt que de se concentrer exclusivement sur le cancer, sans prendre autant en compte la qualité de vie, le vécu de la maladie, les effets secondaires du traitement, etc. Au premier étage de l’Institut, le centre de bienêtre “Oasis” offrira ainsi un panel de ressources à disposi t ion des malades : kinési thérapeutes, psychologues, diététiciennes, esthéticiennes, spécialistes du traitement de la douleur, cours de yoga, de stretching, d’autohypnose, etc. « L’Institut n’est pas qu’un bâtiment : c’est un réaménagement au service ultime des patients. Toutes ces personnes de support auront aussi des consultations et des locaux dédiés, et l’intégration des soins sera aussi complète que possible », résume le Pr Yves Beguin. Le bâtiment accueillera par ailleurs tout le pôle de la recherche clinique, en rassemblant les data managers et directeurs des études cliniques, afin de renforcer encore le dialogue entre la clinique et la recherche propre à un hôpital universitaire. L’EXEMPLE DU MÉLANOME Parmi les progrès en termes de traitement, c’est sans nul doute l’immunothérapie qui a changé la donne au cours des dix dernières années. Son principe consiste à amener les cellules immunitaires à “reconnaître” à nouveau les cellules cancéreuses comme anormales et à les détruire. « Pour le moment, les données sont surtout disponibles lors de maladies métastatiques où la guérison n’est plus possible, quoiqu’aujourd’hui on pense que l’immunothérapie permettra de guérir certains patients avec des métastases », explique le PrGuy Jérusalem, professeur à l’ULiège et chef du service d’oncologie au CHU de Liège. Le mélanome est actuellement le cancer dans lequel les chercheurs possèdent le plus de recul par rapport à l’immunothérapie : 30% des patients traités pour un cancer janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 12 à la une

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