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encore les mutations génétiques plus nombreuses favorisent l’immunothérapie. « On sait aujourd’hui que les cancers qui apparaissent dans un contexte héréditaire sont beaucoup plus nombreux que ce que l’on croyait. Or certains traitements ne sont efficients que chez des patients qui ont des anomalies mieux reconnues par le système immunitaire. Pour certains types de cancer du côlon, on se demande même si une immunothérapie seule n’est pas suffisante comme traitement, sans chirurgie puisqu’il arrive qu’on découvre qu’il n’y a plus de cancer colorectal au moment où l’on opère... » Généralement beaucoup mieux tolérée que la chimiothérapie, l’immunothérapie permet aussi de traiter des personnes plus âgées, même s’il existe aussi des risques de toxicité dont il faut informer les patients, afin d’en repérer assez tôt les premiers signes. Autre bémol : le coût de l’immunothérapie qui avoisine les 10 000 euros par mois. Et un traitement peut durer un an ou plus pour les cancers métastatiques... D’où la nécessité de progresser dans l’identification des patients à qui elle sera bénéfique. Enfin, la prochaine étape, déjà en cours, est d’évaluer si l’immunothérapie permettra aussi de guérir davantage de patients si on l’introduit tôt dans le plan de traitement, à un moment où il n’y a pas encore de métastases visibles, mais où les facteurs pronostiques indiquent un haut risque de rechute. Révolution à l’intérieur de la révolution : l’immunothérapie cellulaire par cellules CAR-T constitue une forme particulière d’immunothérapie. Ces cellules sont des lymphocytes, une catégorie essentielle de globules blancs, prélevées au patient, transformées génétiquement pour mieux les armer contre les cellules cancéreuses, et cultivées en laboratoire pour en obtenir une quantité adéquate. « Nous sommes l’un des quatre centres belges agréés pour l’utilisation de ces cellules, explique le Pr Yves Béguin. Nous utilisons des cellules CAR-T fabriquées par plusieurs firmes pharmaceutiques, mais plus récemment, en collaboration avec une biotech néerlandaise, nous en fabriquons certaines nous-mêmes, dans notre laboratoire reconnu par l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé. On prélève des cellules du patient dans lesquelles on introduit une construction génique afin qu’elles puissent reconnaître une cible très spécifique d’une cellule cancéreuse (antigène) et se fixer sur elle. Cela provoque une réaction immune extrêmement puissante qui détruit les cellules cancéreuses. » Cerise sur le gâteau : le prélèvement, la culture et la réinjection de ces cellules au sein même de l’hôpital (sans passer par l’industrie pharmaceutique) permettent de réaliser le processus en une semaine (alors qu’il en faut généralement six), tout en diminuant les coûts de production. À côté de l’immunothérapie, il faut encore signaler une autre catégorie de médicaments appelée à changer la donne dans les prochaines années : celle des immuno-conjugués, soit des anticorps monoclonaux chargés de chimiothérapie, lesquels vont la délivrer plus spécifiquement au niveau des cellules tumorales. « Le médicament se fixe sur la cible (l’antigène), reconnue par l’anticorps, détaille le Pr Guy Jérusalem. Il y a alors une internalisation de la molécule : la chimiothérapie est libérée dans la cellule tumorale, ce qui permet de la détruire. En plus, certains immuno-conjugués de dernière génération traversent la membrane plasmatique jusqu’aux cellules voisines qui, même si elles n’expriment pas la cible, peuvent être exterminées. Il s’agit donc d’une manière beaucoup plus sélective d’administrer la chimiothérapie puisqu’on peut amener en un site des doses de chimiothérapie qui, en administration intraveineuse classique, seraient beaucoup trop toxiques. » Cette nouvelle manière de procéder devrait conduire à l’apparition de nouvelles molécules disponibles dans les années à venir qui vont changer nos algorithmes de traitement et, on l’espère, permettre de guérir plus de patients et avec moins de séquelles thérapeutiques. Prélèvement, culture et réinjectiondecellulesCAR-T auseinmêmede l’hôpital janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 14 à la une

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