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ment elle évolue au fil du traitement car on se rend compte aujourd’hui qu’au fur et à mesure que se développent de nouvelles thérapies, un certain nombre de patients récidivent parce que la tumeur s’est adaptée. La question est de savoir si elle était déjà résistante ou si elle est devenue résistante au cours du traitement. » Cette résistance pourrait être liée aux cellules tumorales et aux cellules alentour : l’étude de ce micro-environnement tumoral – qui comprend les cellules inflammatoires, les cellules immunitaires, les cellules endothéliales qui forment les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et les fibroblastes – est l’un des domaines de spécialité du GIGA-Cancer. On y étudie en particulier la matrice extracellulaire, un ensemble composé essentiellement de protéines comme le collagène et qui forme la charpente de support des cellules. « Quand les cellules migrent et quittent l’organe d’origine, elles empruntent des espèces de rails sur lesquels elles peuvent se déplacer. La matrice extracellulaire joue un rôle dans ce processus. Au GIGA, nous essayons de comprendre comment elle influence les propriétés des cellules tumorales mais aussi des cellules immunitaires. Car on sait que dans l’immunothérapie, dans certains cas, la cellule immunitaire n’arrive pas à atteindre les cellules tumorales à cause de certains obstacles. La matrice extracellulaire peut en être un. En effet, quand un cancer se développe, la matrice est sensiblement modifiée au niveau qualitatif et quantitatif. » À noter que l’ULiège a joué un rôle pionnier dans la connaissance de cette biologie de la matrice extracellulaire, suite aux travaux, dans les années 1980 et 1990, de Charles Lapierre, ancien chef de service de la dermatologie, et de Jean-Michel Foidart, professeur de gynécologie- obstétrique. « Je suis une descendante de cette filière, raconte la Pr Agnès Noël. Et aujourd’hui, ces recherches sur la matrice un temps laissées de côté reviennent en force grâce aux nouveaux outils de microscopie et d’imagerie qui nous permettent des analyses beaucoup plus précises en trois dimensions, d’autant que nous avons au GIGA la chance d’avoir une batterie de microscopes et de plateformes technologiques à la pointe et puissantes. » L’étude du micro-environnement peut concerner la tumeur primaire mais aussi d’autres organes ou les ganglions lymphatiques, par lesquels certains cancers comme le mélanome ou le cancer du col de l’utérus passent pour se métastaser. Parce que les recherches ont montré que des modifications pouvaient s’y développer avant même que les cellules tumorales ne soient là. « Avant, on pensait que les cellules tumorales quittaient la tumeur primaire, empruntaient les vaisseaux sanguins ou lymphatiques et arrivaient par la route anatomique normale jusque dans le poumon, le foie ou les ganglions. Mais depuis une dizaine d’années, on se rend compte que la tumeur primaire envoie bien avant des messages partout dans l’organisme tels que des protéines solubles ou des exosomes, ces sortes de “capsules spatiales” expulsées hors de la tumeur. C’est ainsi que vont se former des niches pré-métastatiques, sorte de petits nids douillets reposant sur des modifications tissulaires complexes (inflammation, activation de fibroblastes, dépôt de matrice extracellulaire, etc.). Donc, quand la cellule va former une métastase, elle arrive en fait dans un endroit qui est déjà “préparé” et favorable à sa prolifération. » Malgré des progrès thérapeutiques majeurs, le cancer, on le voit, est encore très loin d’avoir révélé toute la complexité de ses processus... Plus que jamais, rassembler les compétences cliniques et de recherche semble primordial. janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 16 à la une

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