LQJ-284

domaines Zalpha, explique le Pr Vanderplasschen, sont des domaines de 66 acides aminés qui se lient à l’ADN double brin avec une hélice à pas de vis gauche (Z-ADN) ou à l’ARN double brin dans cette même conformation (Z-ARN). » Soit, mais quelle importance ? « Ce domaine Zα se retrouve dans des protéines importantes du système immunitaire des animaux, et de l’être humain également. Ils sont impliqués dans des processus pathologiques importants et divers tels que des cancers, des maladies génétiques ou auto-immunes. » Dès lors, il devenait très important d’en savoir un peu plus sur leur fonctionnement. Il aura fallu dix ans à l’équipe liégeoise pour y arriver… UN Zα N’EST PAS L’AUTRE « Nous avons tout d’abord essayé de comprendre à quoi sert ce domaine chez un virus de poisson, notre fameux CyHV-3 », se souvient le Pr Vanderplasschen. Première interrogation : sont-ils interchangeables ces Zα, comme on l’imaginait à l’époque ? « On s’est très vite rendu compte que nos résultats ne correspondaient pas à ce dogme. Lorsque nous avons remplacé le Zα de notre virus par un Zα provenant d’une autre protéine et multiplié les expériences de ce type (42 Zα étrangers au virus, y compris humains, ont été testés !), nous avons remarqué que, parfois, rien ne changeait – le Zα jouait son rôle, et sauvait le virus – mais que bien souvent, cela ne fonctionnait pas. » De prime abord, il a été impossible aux chercheurs liégeois de déduire une loi générale de ces observations : pourquoi certains Zα étrangers se substituaient-ils parfaitement au Zα d’origine et pas d’autres ? Qu’est-ce qui les différencie ? Après avoir fait tourner tous les programmes bio-informatiques existants sans succès, le Fold-Index créé par le Pr Joel Sussman du Weizman Institute a donné un résultat : son programme classait les protéines en deux groupes correspondant aux observations, celles qui sauvaient le virus et les autres. Mais sans donner de raison ! Finalement, des observations ont montré que les Zα qui remplissaient leur rôle et sauvaient le virus avaient tous une charge électrique élevée et l’inverse. « Nous nous sommes donc demandé à quoi sert la charge d’une protéine dans ce cadre-là », poursuit Alain Vanderplasschen. On constate que, dans les protéines qui reconnaissent les acides nucléiques, la charge est souvent associée à de la LLPS (Liquid-Liquid Phase Separation). Explication : nous avons tous appris que le cytoplasme d’une cellule est une sorte de piscine dans laquelle barbotent les molécules à une concentration supposée homogène. Mais on sait aujourd’hui que ces concentrations peuvent varier fortement, jusqu’à un ordre de grandeur de 10 millions de fois. Comment expliquer un tel gradient de concentration dans un liquide ? Par la LLPS, organisation d’un liquide au sein d’un autre liquide. « La meilleure métaphore est celle de la vinaigrette, explique le chercheur liégeois. Quand vous la secouez, vous obtenez un ensemble qui paraît homogène ; au repos, vous avez une organisation en bulles. La LLPS, c’est cela. Les domaines Zα que tout le monde croyait équivalents, qui, soi-disant, ne faisaient que reconnaître de l’ADN ou de l’ARN en pas gauche, ne font pas que cela : ils reconnaissent effectivement le Z-ARN et le Z-ADN mais, une fois qu’ils les ont reconnus, par la technique du LLPS, ils entourent, enrobent ceux-ci pour les protéger ou les rendre invisibles d’autres protéines de la cellule. C’est fabuleux ! » Cerise sur le gâteau, les chercheurs liégeois ont aussi proposé un modèle biologique – le premier –, démontrant qu’une autre propriété du domaine alpha était pertinente. Il s’agit de la conversion, à savoir la capacité d’induire par lui-même la formation de Z-ADN et Z-ARN. En résumé, le virus CyHV-3 de la carpe contient des domaines protéiques Zα qui ne sont pas interchangeables, qui savent non seulement détecter la présence d’acides nucléiques mais aussi distinguer les pas droits et gauches et, si nécessaire, entourent ces derniers d’une sorte de cape d’invisibilité pour empêcher la cellule infectée de détecter l’infection virale. Dixansderecherche et l’aideduhasard janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 40 omni sciences

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