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Un jour peut-être dressera-t-on l’inventaire à la Prévert des activités initiées par les confinements successifs lors de la pandémie de Covid. Pour Nicolas Vandewalle, ce fut le tir à l’arc ! Il faut dire que ce natif d’Ypres, qui a passé sa jeunesse à Mouscron et professe à Liège, habite aujourd’hui dans les environs de Houffalize. « Au milieu de nulle part », précise-t-il. Ses flèches ne risquent donc pas d’atteindre grand monde, sauf peut-être les pommes de son verger où il espère installer bientôt des ruches. « J’avais déjà tâté du tir à l’arc étant plus jeune. Pendant les confinements, il me fallait absolument une activité pour sortir des écrans de visioconférence. Cela me permet de me vider la tête et de me détendre au grand air. Et puis j’aime la nature et le jardinage. » Des activités très “pieds sur terre”, à l’opposé de ses recherches en microgravité lors de vols paraboliques en avion dit “zéro G”. Et plus encore de ses expériences testées par les astronautes à bord de la Station spatiale internationale (ISS). EN ROUTE VERS L’ISS De Mouscron à la station spatiale, il y a un long chemin, entamé au sein d’un noyau familial très ouvert. « Mes parents me laissaient faire ce que j’aimais. Et ce que j’aimais, c’était les sciences. J’ai donc pris l’habitude de fréquenter assidûment la bibliothèque de mon quartier », se rappelle-t-il. Une habitude qui a laissé des traces : Nicolas Vandewalle a gardé le goût et la curiosité de ces temples du savoir. Aujourd’hui encore, partout où il passe, s’il y a lieu, il visite ces endroits délaissés par les touristes que sont en général les bibliothèques. Autres marches vers l’ISS, la licence en physique (1993), puis la thèse de doctorat à l’université de Liège (1996). Une thèse qu’il réalise en physique statistique et la croissance cristalline auprès d’un promoteur quelque peu atypique au sein de l’Institution, Marcel Ausloos. « Ses cours m’avaient intéressé, se souvient Nicolas Vandewalle. Ils traitaient notamment du chaos. » Du chaos en physique bien sûr, mais qu’Ausloos étendra jusqu’à l’économie, s’essayant à la prédiction des krachs financiers. Bref, un esprit très curieux et trublion propre à séduire le jeune thésard. Les séjours postdoctoraux constituent une autre étape importante vers la banlieue terrestre. Nicolas Vandewalle garde de certains d’entre eux un souvenir vivace. Non seulement à cause des rencontres humaines et des apprentissages qu’il y fait mais aussi des conditions de travail parfois rocambolesques. « J’ai séjourné un an à Paris à l’université Pierre et Marie Curie sur le campus de Jussieu. Le bâtiment devait être désamianté, nous vivions dans des sortes de cocons plastiques. Les toilettes y étaient rares et chaque fois que les plombs sautaient – et c’était fréquent –, il fallait qu’une équipe spéciale d’intervention s’habille de scaphandres pour aller les remettre ! » Mais ce qu’il découvre là en 1998 – en dehors de la coupe du monde de football bien sûr –, c’est l’enthousiasme du Prix Nobel Pierre-Gilles de Gennes et de son équipe. « J’ai appris une autre manière de faire de la physique : s’émerveiller de petites choses comme il le faisait, notamment à la télé où il expliquait toute la complexité qui se cache dernière une expérience en apparence toute simple. Je me suis dit : c’est cela que je veux faire. » Un séjour à la Boston University lui laisse un autre souvenir. « Tous les post-docs travaillaient dans une même salle en deux équipes. Le soir, je devais éliminer toute trace de mon passage sur mon bureau afin que celui qui travaillait la nuit trouve place nette. On ne se rend pas toujours compte des conditions dans lesquelles se fait la recherche… et de la chance que nous avons ici. » Dernière étape vers l’ISS : fort de ces expériences, le jeune physicien postule à l’université de Liège et y décroche un poste de professeur. Il peut alors réaliser son rêve en créant son propre laboratoire, le GRASP (2000), pour y déployer ses talents en physique statistique, un labo qui comportera jusqu’à 25 chercheurs. PHYSIQUE STATISTIQUE ET MATIÈRE MOLLE La physique statistique a pour objectif d’expliquer le comportement et l’évolution de systèmes complexes comportant un grand nombre de particules. Un tas de sable ou l’écoulement de grains en sont de bons exemples. « C’est un domaine où l’on peut réaliser des expériences qui ne sont pas trop onéreuses, s’amuse le chercheur liégeois. Au début, nous avons donc étudié des matériaux granulaires, puis la matière molle et ses interfaces. » Proche collaboratrice de Pierre-Gilles de Gennes, la physicienne Madeleine Veyssié définit cette matière molle comme « tout ce qui va des matières plastiques aux bulles de savon, en passant par les gels, les élastomères, les cristaux liquides, les crèmes cosmétiques, les boues ou les pâtes céramiques… ». Un champ d’investigation très vaste qui ne pouvait qu’intéresser Nicolas Vandewalle qui, en 20 ans de recherches, a connu des évolutions importantes dans son métier. L’une d’elles étant l’intrusion des fablabs, très utiles dans son domaine. « Nous avons de puissantes imprimantes 3D, souligne-t-il. C’est indispensable dans notre secteur. » Mais la vraie révolution n’est pas là. « Le domaine de la matière molle s’étend de plus en plus du côté de la biojanvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 43 le parcours

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