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Daniel Buren est surtout célèbre pour ses bandes verticales, immuablement larges de 8,7 cm, qu’il répète ad libitum. S’il a conçu des centaines d’œuvres dans le monde entier, Les Deux Plateaux dans la cour d’honneur du Palais royal de Paris, œuvre permanente, sont emblématiques de son travail réalisé in situ, c’est-à-dire en fonction du lieu. « Daniel Buren est un artiste que l’on peut qualifier d’interventionniste”, contextualise Julie Bawin, professeur d’histoire de l’art, spécialiste de l’époque contemporaine et de l’art public à l’ULiège. Ses réalisations nous invitent toujours à reconsidérer autrement les endroits où elles prennent place. Buren s’intéresse de près au contexte, au fonctionnement d’un bâtiment, tant du point de l’enveloppe que du contenu. Il aime jouer avec l’architecture, la déjouer aussi, par des interventions soit très discrètes, soit spectaculaires. » Daniel Buren utilise aussi les filtres de couleur (à la fondation Louis Vuitton de Paris, au Neues Museum de Nuremberg, notamment). « Il métamorphose l’architecture en intensifiant ses volumes. À Liège, il entre en dialogue avec la gare de Santiago Calatrava, en la transformant visuellement tant de l’extérieur que de l’intérieur. Ainsi, et jusqu’en octobre prochain, les voyageurs seront enveloppés d’une lumière doucement colorée, plongés dans une ambiance qui évolue selon l’heure de la journée, la saison et la météo. » L’artiste a choisi cinq teintes (blanc, bleu, orange, rose et vert), très contrastées, disposées en damier1. Le rouge et jaune des “casquettes” de l’édifice – l’entrée et la sortie de la gare – font écho au drapeau de la province de Liège et aux lambris de Daniel Buren, récurrents dans ses interventions et présents au CHU de Liège (à l’invitation de l’architecte Charles Vandenhove). Ainsi se succèdent des blocs colorés et des blocs vides, laissant transparaître le ciel. Au contraire des vitraux dans les églises par exemple, l’horizontalité de la structure rend la couleur particulièrement visible sur le sol, sur les quais. Daniel Buren conçoit des œuvres qui s’intègrent dans un lieu défini, qui empruntent une assise existante pour un temps donné. C’est le prototype de l’artiste qui sort de l’atelier pour investir la rue, la cité, le monde, tout en revenant à l’essentiel dans le domaine de l’art : la lumière et les couleurs. « Il s’agit d’un geste qui s’adresse à l’ensemble de la collectivité », reprend Julie Bawin. L’œuvre s’offre en effet à tous et à toutes, gratuitement, et introduit une respiration dans le quotidien, une pause en quelque sorte. Stéphane Uhoda, entrepreneur liégeois, collectionneur d’art et mécène (à l’initiative du projet qu’il finance), est ravi d’avoir réuni à Liège, deux monstres sacrés de l’art contemporain, Santiago Calatrava et Daniel Buren. « Sa volonté est de magnifier un lieu devenu emblématique à Liège et de célébrer la ville, de participer à sa notoriété. Son objectif est aussi de décloisonner l’art contemporain, rappelant aussi que l’art et la culture constituent les vecteurs indispensables au bien-être de la société. Mais l’art public est toujours différemment apprécié : il fait réagir, il questionne, il fait débat. », conclut Julie Bawin. 1 Les couleurs sont disposées de gauche à droite dans l’ordre alphabétique de leur nom dans la langue du pays où se trouve l’œuvre janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 58 univers cité

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