LQJ-284

mobilisés massivement en faveur des victimes et n’ont eu de cesse d’attirer l’attention du monde politique, judiciaire et policier sur cette problématique. Le monde politique belge et la population ont (enfin) pris conscience de la réalité et compris une chose essentielle : la violence (physique, psychologique, sexuelle) entre partenaires intimes est un problème social auquel il faut apporter des solutions. Au moins la crise aura eu cette vertu : déclencher, de manière très rapide, des actions concrètes. Jean-Louis Simoens : La mobilisation a effectivement été immédiate et a revêtu un caractère d’urgence. Les médias ont tiré la sonnette d’alarme, évoquant la plus grande fragilité des victimes, totalement isolées, et dès lors placées dans une situation infernale. Pourtant, on aurait pu penser le contraire ! L’auteur des coups ou des injures est en effet quelqu’un qui veut contrôler la vie de sa ou de son partenaire. Et le confinement le permettait puisque le couple et la famille étaient constamment au domicile. Mais manifestement, cet espoir s’est avéré inexact. F.G. : Sur les 1532 adultes (80,8% de femmes) ayant répondu à l’enquête, un tiers des personnes ont expérimenté de la violence dans leur couple pendant le confinement. La prévalence des agressions physiques était significativement plus élevée chez les hommes, tandis que celle des agressions psychologiques (comprenant à la fois la perpétration et la victimisation) était supérieure chez les femmes. Cette violence était susceptible de survenir dans des contextes de plus grande promiscuité dans le logement et de plus grande détresse psychologique. Fait intéressant : les hommes ont été plus nombreux à reconnaître une augmentation des violences. C’est un premier pas vers une prise de conscience de leur agressivité dans un contexte d’enfermement. Autre observation notable de l’étude : les dynamiques de violences. 84% des auteurs de violences se déclaraient également victimes, et la majorité des victimes déclaraient avoir aussi été auteures de violences. Cela nous ramène à la distinction de deux formes de violences conjugales : le terrorisme intime et la violence de couple situationnelle. Le terrorisme intime s’inscrit dans une dynamique cyclique où l’agresseur utilise diverses stratégies pour contrôler et terroriser le partenaire, y compris les violences psychologiques, physiques et sexuelles, ainsi que l’intimidation et les menaces. La violence de couple situationnelle, elle, émerge lorsque un conflit dégénère sans que ne s’observe nécessairement ce processus de domination. Si les désaccords sont présents dans tous les couples, chez certains d’entre eux, les hostilités augmentent en fréquence et en intensité : elles peuvent aboutir à des actes violents, voire très violents. Notre étude a permis de mieux appréhender ce type de violence situationnelle, parce qu’elle est plus fréquente et parce que l’enquête en ligne n’a sans doute pas permis de toucher les victimes du terrorisme intime qui se retrouvent isolées, sans pouvoir répondre à ce type d’enquêtes, ou ne sont accessibles que lors de l’hébergement au sein de services comme le CVFE. Toutefois, tant nos résultats que les observations cliniques au sein des services spécialisés rendent compte d’une intensification et d’une accélération de l’escalade de la violence pendant le confinement et la crise. LQJ : Quelle a été la réaction des pouvoirs publics et de l’opinion publique ? J.-L.S. : Il y a eu des campagnes d’affichage afin de sensibiliser toute la population. Les médias, en évoquant le sujet Jean-Louis Simoens janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 62 le dialogue

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