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leur famille ; l’effritement de la frontière entre le privé et le travail les a aussi fragilisées. Aujourd’hui, le manque de reconnaissance pour leur implication, pour leur mobilisation, provoque un sentiment d’abandon et on note, par une sorte d’effet rebond, des effondrements, des burn out et de l’absentéisme. Il me paraît absolument nécessaire de valoriser l’expérience acquise des acteurs et actrices de terrain et de proposer des espaces d’intervision et d’échanges, de paroles et de bien-être. J.-L.S. : Les équipes étaient “sur le pont” pendant la crise et ont eu, à juste titre, une sensation d’utilité énorme. Il fallait être à la hauteur. Mais le sentiment d’impuissance est venu très vite, car le réseau d’aide était indisponible. Or seul on ne peut pas secourir valablement une personne en détresse. Les lignes d’écoute sont un lieu intermédiaire, pas un lieu où se prennent des mesures concrètes. Dès lors, on tourne en rond si la police, la justice, les refuges ne peuvent pas intervenir ! Je tiens cependant à dire que les équipes ont fait preuve de résilience et d’un grand professionnalisme. L’élargissement des plages horaires vers le 7j/7 à la ligne d’écoute en est la preuve. Et je sais que le secteur de l’hébergement au CVFE a multiplié les initiatives pour mettre des dames et des enfants à l’abri. LQJ : Une crise amène toujours des changements. Lesquels dans ce cas? J.-L.S. : L’analyse de la violence conjugale avancée par les féministes de la première heure est mieux comprise et mieux partagée, me semble-t-il. Il y a une “dimension genre” dans l’équation. Les violences conjugales disent quelque chose de la place des femmes dans notre société. Et de la place de l’homme surtout ! F.G. : La parole féministe qui dénonce un système patriarcal tout puissant est maintenant entendue, non plus comme des vociférations idéologiques mais comme une clé de lecture du monde. Une lecture d’un système qui, indirectement, permet les violences conjugales. J.-L.S. : Les temps étaient sans doute mûrs pour cela. #Meetoo a ouvert les yeux sur l’éventail des violences faites aux femmes, en ce compris le harcèlement moral et sexuel. Quelques livres ont marqué notre histoire récente : Le consentement de Vanessa Springora et La familia grande de Camille Kouchner, par exemple. L’ensemble a provoqué un sursaut dans les consciences et dans le concret : en juin dernier, une réforme a introduit dans le code pénal belge la notion de “consentement affirmatif”. C’est une décision capitale. 0800 30 030 La ligne “Écoute violences conjugales” Cette ligne s’est développée sur base d’une convention entre le SPW et l’ABSL Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE), au nom du partenariat “Poles de ressources specialisees en violences conjugales et intrafamiliales” (qui regroupe l’ASBL Solidarité Femmes, le CVFE et l’ASBL Praxis). Ces Poles de ressources remplissent trois missions : l’ecoute telephonique, l’orientation et l’information aux victimes, aux auteurs, a leur entourage ainsi qu’a toute personne confrontee a la problematique des violences entre partenaires. * Écoute violences conjugales, tél . 0800 30 030, ser v i ce gratu i t et anonyme, 7 j / 7 et 24h/24, site www.ecouteviolencesconjugales.be Quelques chiffres Selon la World Health Organisation (2018), près d’une femme sur cinq serait victime de violence conjugale en Belgique. En mars 2020, la ligne d’écoute a reçu 1652 appels (soit 23% de plus qu’en mars 2019). En avril : 3284 appels, soit 207% de plus que l’année précédente. Au total, en 2020, il y a eu 21 704 appels, soit 60 chaque jour, ce qui représente une augmentation de 36,75% par rapport à 2019. 87% des appels émanent de femmes, 13% d’hommes. Dans 90% des cas, les victimes sont des femmes. En 2021, le site internet a été visité par 188 349 personnes. * voir le rapport d’activité 2021 de la ligne d’écoute violences conjugales sur le site www.ecouteviolencesconjugales.be janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 64 le dialogue

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