ULiège 286 i septembre-décembre 2023 i Le Quinzième Jour à La Une Magistrale réforme L’Opinion Analyse de la stratégie Delhaize Omni Sciences Quand la nature inspire Le Parcours Véronique Servais Le Quinzième Jour Quadrimestriel de l’ULiège septembre-décembre 2023 i 286
Couverture Dessin : Fabien Denoël
Festival des cultures La rédaction L’université de Liège accueille des chercheur·es et des étudiant·es du monde entier (ou presque !). S’inspirant d’une initiative de l’université finlandaise d’Oulu – son partenaire dans l’université européenne UNIC –, elle organisera, prochainement, son premier “Festival des cultures”, qui prône l’importance des liens humains, de la tolérance et de l’ouverture à l’autre. L’objectif est de célébrer la diversité culturelle au sein de l’Alma mater en faisant appel à l’ensemble de la communauté universitaire. Car ce sont bien les étudiant·es et les membres du personnel qui feront vivre la journée du 7 décembre en proposant une recette culinaire, un spectacle musical, une démonstration d’art martial, une exposition de photos, etc. Il s’agit d’une opportunité supplémentaire pour découvrir des cultures du monde entier et conforter l’intégration des étudiant·es, des chercheur·es et des staffs internationaux. Toute la communauté est conviée à participer à cet événement qui invite au voyage et à la découverte d’arts de vivre exotiques, mais pas forcément lointains. Une manifestation qui fait la part belle aux allochtones de tous horizons et qui confirme la dimension hospitalière de l’ULiège. * https://www.niews.uliege.be/festival-cultures septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 3 l’édito
L’Édito 3 Festival des cultures L’OPINION 6 L a rectrice Anne-Sophie Nyssen 18 F rançois Pichault, sur l’actualité du Groupe Delhaize À LA UNE 10 Réforme de la formation des enseignants OMNI SCIENCES 22 En deux mots 26 Master Repic 27 Biennale d’architecture 28 Biomimétisme : quand la nature inspire 38 La sieste à l’étude 56 Sorties de presse ICI ET AILLEURS 32 Grand lifting place du 20-Août 58 Un mur géologique à Comblain LE PARCOURS 42 Véronique Servais au Micro Musée Sommaire NASA ULiège 286 i septembre-décembre 2023 i Le Quinzième Jour Biomat septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 4 sommaire
UNIVERS CITé 34 La Fabrique des possibles 48 Les 10 ans de la MSH 66 Le Skill Lab en faculté de Médecine vétérinaire L’INVITé 52 Michel Claise, docteur honoris causa LE DIALOGUE 62 E stelle Delhoune et Florence Govers, deux étudiantes engagées FUTUR ANTéRIEUR 70 Rétrovisions 74 Look up ! La sonde DART percute l’astéroïde 76 Lettres capitales 77 Le Centre européen d’archéométrie a 20 ans 78 Petites mythologies uliégeoises MICRO SCOPE 80 L’offre de formations à l’ULIège Le KROLL 83 Le biomimétisme pour le tram de Liège Tool Box FMV ULiège D.Strivay, Centre européen d’archéométrie V. Servais septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 5 sommaire
J.-L. Wertz septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 6 l’opinion
La science, l’art et l’engagement “Réconcilier l’art et la science tout en s’engageant pour réenchanter le monde” : tel sera le fil rouge de la cérémonie du 19 septembre. Longtemps, science et art étaient associés. Léonard de Vinci était reconnu comme homme de science et de technologie, mais il aimait aussi rappeler qu’il savait peindre ! Einstein, le concepteur de la relativité, était un violoniste de talent. Peu à peu la raison s’est imposée comme critère ultime de compréhension du monde et la sensibilité, l’imagination, la subjectivité ont été confinées dans un secteur à part, celui de l’art. Si bien des auteurs (Rimbaud ou Lewis Caroll notamment) se sont élevés contre le rationalisme, la rupture entre art et science était consommée au début du XIXe siècle déjà. Mais les choses changent et les scientifiques convoquent à présent la sensibilité artistique à leur côté, pour relever les défis des lois du chaos, de la pensée non linéaire, non binaire notamment. Art et science se rejoignent à nouveau. « À mon sens, il faut replacer l’art au cœur des études, de l’enseignement et de la recherche, estime la Rectrice. Art et science vont de pair : l’art est à l’avant-garde, il trace la voie, il crée. Il est confronté à la matière et se base sur des travaux, sur des savoir-faire précis. La science aussi. Nos méthodes sont rigoureuses et nous procédons aussi par “essai-erreur”. Ce sont deux mondes créatifs et tout aussi indispensables pour réussir la transition environnementale et sociale. » Aujourd’hui, plusieurs artistes ou scientifiques, se sont engagé·es dans cette transition avec conviction et talent. Et c’est ce talent que l’ULiège a décidé d’honorer en décernant les insignes de docteur honoris causa à Aurélien Barrau, Cécile Duflo et Zanele Muholi (voir encadré p. 9). TRANSITION DURABLE Contribuer positivement à transformer notre société de manière plus durable et plus équitable, c’est aussi l’ambition de l’ULiège. Le plan stratégique affiche d’emblée cette ambition. « Le défi du dérèglement climatique et de la biodiversité s’impose à tous et à toutes, constate la Rectrice. L’Université doit s’y préparer et jouer pleinement son rôle, tant vis-à-vis de la société que vis-à-vis de ses étudiants. Et cela sans oublier la dimension sociale de l’équation, car le changement climatique a des effets plus délétères encore sur les populations défavorisées. Nous devons dès lors travailler à réduire les inégalités, sources d’iniquités. » À l’aube de sa deuxième année de mandat, rencontre avec la rectrice de l’ULiège, Anne-Sophie Nyssen, qui décernera les insignes de docteur honoris causa à trois personnalités de haut vol lors de la cérémonie de Rentrée académique prochaine. ENTRETIEN PATRICIA JANSSENS septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 7 l’opinion
G. Meuli Plusieurs Facultés ont déjà intégré la thématique dans le cursus des études. Mais pas toutes. Et les premières initiatives, aussi intéressantes soient-elles, ont rarement été conçues dans une optique transdisciplinaire. « Or la révolution qui nous attend est majeure et réclame que l’on mette toutes les expertises autour d’une même table, afin d’aborder cette question complexe de manière transversale », affirme Anne-Sophie Nyssen. Sa volonté est de passer à la vitesse supérieure : rendre plus visibles les cours qui traitent du dérèglement climatique et de ses conséquences, proposer des cursus interdisciplinaires et, progressivement, augmenter dans les formations les chapitres liés à la transition. « Je souhaite que tous les étudiants et étudiantes bénéficient d’un socle de connaissances sur la transition environnementale et sociale. » Ainsi un cours (de deux crédits) sur cette matière sera proposé en bac, pour l’ensemble des étudiants et étudiantes, quelle que soit la filière choisie. « Un crédit sera consacré à la problématique générale tandis que l’autre sera réservé à la spécificité facultaire vis-à-vis de la transition. Nous allons aussi amplifier notre formation en développement durable notamment sous la forme d’un certificat. Ma volonté est de croiser dans ce programme les approches de sciences et de sciences humaines : aux côtés des agronomes et des ingénieurs par exemple, inviter des médecins, des juristes, etc. » A priori, cette nouvelle formation sera accessible aux étudiant·es en fin de parcours ainsi qu’aux citoyen·nes impatient·es de mieux comprendre le phénomène et ses enjeux. « Nous devons augmenter la litteracy sustainability de toute la communauté », argumente la Rectrice. Il s’agit de donner les clés de compréhension des enjeux en lien avec les sciences du vivant, les inégalités sociales, les enjeux sociétaux, etc. La Rectrice entend également inscrire l’Université dans le développement de sa région : « Nous nous impliquons dans de grands projets scientifiques qui contribuent au rayonnement de la ville et de la province, explique-telle. Je pense au télescope Einstein – futur observatoire d’ondes gravitationnelles dans la région frontalière des Pays-Bas, de la Belgique et de l’Allemagne (si l’Europe le décide) –, au Centre d’excellence pour les sportifs de haut niveau, au Centre spatial de Liège (CSL) ou encore au prochain Institut “One Health”. Sans oublier les pourparlers avec le bourgmestre au sujet du déménagement de la faculté des Sciences sociales et de celle de Droit, Science politique et Criminologie au centre-ville. » Et la Rectrice de poursuivre : « L’éthique et la lutte contre les discriminations sont également au cœur de mes préoccupations. Ces objectifs doivent être déclinés dans la structure de l’Université (l’enseignement, la recherche, la citoyenneté et l’international) grâce aux leviers tels que la gouvernance participative, la finance éthique, les ressources humaines, les infrastructures des campus, etc. Nous disposons déjà d’un Conseil à l’éthique et à l’intégrité scientifique (CEIS) et, pour toutes les questions relatives à l’éthique au sens large, d’un Ethics officer, et d’une conseillère au rectorat spécifique à l’éthique. Mais il faut aller plus loin encore : l’éthique de l’Université doit se trouver dans les comportements, dans le respect de chacun et de chacune à tous égards. Il faut poser un cadre de référence. » septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 8 l’opinion
Aurélien Barrau, Il faut une révolution politique, poétique et philosophique. Entretien par Carole Guilbaud, coll. “Les Apuléennes“, Zulma, Paris, 2022 Esther Duflo, Experience, science et lutte contre la pauvreté (presque) quinze ans après, coll. du College de France, Fayard, Paris, 2023 Zanele Muholi, https://www.mep-fr.org/actualite/zanele-muholi-ala-mep-en-2023/ Rentrée académique 2023-2024 La cérémonie aura lieu aux Amphithéâtres de l’Europe le mardi 19 septembre 2023 à 16h. Les insignes de docteur honoris causa seront décernés aux personnalités suivantes : Aurélien Barrau, docteur en astrophysique et en philosophie, amateur de poésie et de littérature, auteur de poèmes, d’articles et ouvrages scientifiques (et de vulgarisation). Il est également reconnu pour son engagement dans la défense de la nature et pour le développement durable. Proche du monde de la culture, il écrit dans plusieurs revues artistiques (Hors sol, Diacritik, Formes élémentaires, etc.) où il promeut le dialogue entre les arts et les sciences. Esther Duflo, prix Nobel d’économie en 2019 (conjointement avec son mari, Abhijit Banerjee, et Michael Kremer), professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et au Collège de France. Son domaine de recherche est l’économie du développement : en particulier la santé, l’éducation, l’inclusion financière. Elle imagine une autre forme d’économie incluant toutes les populations afin de réussir la transition environnementale qui doit aussi être sociale. Zanele Muholi, photographe et activiste sudafricaine. « Je ne fais pas de l’art, dit-elle. Je mets l’art en pratique. L’appareil photo est devenu l’arme avec laquelle je parle, avec laquelle je demande de l’attention. » Figure majeure en Afrique du Sud, a la fois du militantisme et de la scène artistique, elle documente la vie des personnes noires et LGBTQIA+. Elle témoigne des violences, des inégalités et des discriminations dont elles font l’objet encore dans la société sud-africaine postapartheid. Toute la communauté universitaire est invitée à la cérémonie. * www.uliege.be/rentree-aca2023 A. Truyers Zanele Muholi Ohawe, Umbumbulu, KwaZulu Natal, 2020 Courtesy of the artist Thierry Chassepoux Zanele Muholi Aurélien Barrau Esther Duflo Brice Vickmark Pour aller plus loin septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 9 l’opinion
10 septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ à la une
East Dam Drone Réforme de la formation initiale des enseignants Entre raison et passion Confronté à de multiples difficultés, le métier d’enseignant est appelé à se réinventer. Dès septembre, une nouvelle organisation des études sera mise en place pour les futur·es enseignant·es, tant au niveau maternel et primaire que secondaire. L’Université, les Hautes Écoles et les Écoles supérieures des arts collaboreront désormais pour délivrer un diplôme d’enseignant en codiplomation. Avec comme objectif davantage de transversalité et une revalorisation du métier. DOSSIER JULIE LUONG photos Jean-Louis wertz dessin fabien Denoël septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 11 à la une
Autrefois entouré d’une certaine aura de prestige et à tout le moins estimé, le métier d’enseignant ne fait plus rêver aujourd’hui. Conditions d’exercice difficiles, grand nombre d’élèves et de classes, rémunération insuffisante, difficulté d’enseigner dans un monde en prise avec de profondes mutations : les profs ont le blues. Le regard que porte la société sur eux enfonce le clou : ils sont soupçonnés d’être des tire-au-flanc et leur autorité est régulièrement remise en cause par des parents qui seraient de toute manière plus experts concernant ce qui est vrai, juste et bon pour leur progéniture... Un cercle vicieux puisqu’un tel bashing renforce l’absentéisme et les situations de burn-out, tandis que les meilleurs éléments se détournent d’un métier jugé stigmatisé et peu attractif. Et la pandémie n’a rien arrangé. Selon une enquête réalisée en 2022 par l’université de Mons1 sur les répercussions de la crise sanitaire, 44 % des profs de l’enseignement secondaire et 53,9 % de leurs collègues du primaire considéraient que la société portait un regard plus négatif sur leur profession qu’avant le Covid. 47 % des enseignant·es du secondaire et 52,3 % du primaire estimaient par ailleurs que le métier était dévalorisé auprès des politiques. Enfin, 34 % des enseignant·es avaient pensé quitter définitivement la profession lors de l’année précédente et 6 % disaient y avoir pensé tous les jours... Car c’est un fait établi en Fédération Wallonie-Bruxelles : un·e enseignant·e sur trois quitte le métier après cinq ans d’ancienneté. « Il y a même des jeunes diplômés qui restent seulement quelques semaines », relève MarieNoëlle Hindryckx, directrice du Centre de formation des enseignants (Cefen)² de l’ULiège. Le résultat en est une 1/ https://web.umons.ac.be/esa/2022/07/24/nouvelle-enqueteecole-covid-vers-un-retour-a-la-normale-questionnairesur-les-pratiques-enseignantes-en-temps-de-pandemieannee-2021-2022/ 2/ Depuis le 7 juillet dernier, le Centre interfacultaire de formation des enseignants (Cifen) est devenu le Centre de formation des enseignants (Cefen), dirigé par la Pr Marie-Noëlle Hindryckx. pénurie croissante de professeur·es : non plus seulement dans les matières traditionnellement concernées comme les langues modernes ou les maths mais désormais dans quasi toutes les branches, jusqu’aux postes d’éducation physique et d’instituteurs primaires. Parallèlement, personne ne nie que l’école est et doit rester un facteur de cohésion sociale et d’émancipation. Chaque passionné·e se souvient d’un·e prof qui a changé sa vie. Comment le plus beau métier du monde en est-il arrivé là ? SAVOIR N’EST PAS ENSEIGNER Si elle n’est pas la seule, la formation initiale des enseignant·es apparaît comme l’une des causes de cette situation. L’organisation des études pour les futur·es enseignant·es – du niveau maternel, primaire ou secondaire – a donc été entièrement et communément repensée. En 2011 déjà, une étude réalisée à la demande du ministre de l’Enseignement supérieur Jean-Claude Marcourt par le Centre d’études sociologiques de l’université Saint-Louis de Bruxelles, intitulée “Évaluation qualitative, participative et prospective de la formation initiale des enseignants (FIE)”, avait permis de mettre au jour ses lacunes et points faibles. Plus d’un millier d’acteurs de la FIE avaient alors évalué qualitativement l’ensemble du système. « Ce qui était pointé était le manque d’articulation entre la formation des différents types d’enseignants, commente Marie-Noëlle Hindryckx. Il apparaissait qu’il fallait vraiment tracer des lignes à partir du tronc commun, assurer une certaine articulation. Était également pointé un problème de maîtrise de la langue française et de maîtrise des contenus dans le chef des enseignants. L’évaluation montrait aussi ce besoin d’insertion des nouveaux venus dans le métier, le fait que les contenus pédagogiques et didactiques enseignés en formation initiale ne correspondaient pas à la réalité du terrain. » L’inadéquation de la formation aux contenus disciplinaires est en effet l’une des difficultés majeures rencontrées par les jeunes qui se perçoivent comme illégitimes à transmettre une matière qu’ils maîtrisent peu... ou trop. septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 12 à la une
« En sciences, par exemple, on va apprendre aux futurs enseignants du secondaire inférieur les contenus qui seront au programme mais sans pouvoir leur donner, pour eux-mêmes, un bagage scientifique plus large. Une institutrice maternelle ne reçoit que 22,5 heures de formation en sciences par an », indique la directrice du Cefen. À l’inverse, les masters qui iront dans le secondaire supérieur pourront se sentir correctement formés dans leur discipline, mais d’une manière détachée des contenus qu’ils sont tenus d’enseigner. « Par exemple, en sciences, ils devront voir l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Or ceux qui ont suivi des études scientifiques auront éventuellement vu le fonctionnement de l’appareil génital et les moyens de contraception, mais c’est à peu près tout, poursuit Marie-Noëlle Hindryckx. Un germaniste, lui, aura certes eu des cours de grammaire allemande mais cela n’aura rien à voir avec le fait de l’enseigner dans le secondaire... Être un professionnel scientifique de sa matière et enseigner à des 15-18 ans sont deux choses totalement différentes. » Dans le prolongement de ces constats, le décret relatif à la réforme de la formation initiale des enseignants (RIFE)³ a été adopté en 2019 alors que Jean-Claude Marcourt était encore ministre de l’Enseignement supérieur. Suite au changement de gouvernement, la Déclaration de politique communautaire avait prévu, sous la ministre Valérie Glatigny, un moratoire d’un an fin 2021 pour examiner “la capacité opérationnelle de la mise en œuvre de la réforme par les établissements d’enseignement supérieur ainsi que la cohérence de cette réforme avec la mise en œuvre du Pacte”4. Le coût financier de la réforme avait également été réexaminé afin de le rendre soutenable pour les établissements d’enseignement supérieur et de 3/ https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/46261_009.pdf 4/ https://glatigny.cfwb.be/home/presse--actualites/publications/ reforme-de-la-formation-initiale-des-enseignants--le-texte-estadopte-en-commission-parlementaire.publicationfull.html septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 13 à la une
“l’intégrer durablement dans la trajectoire budgétaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles”. En 2023, l’heure est venue du grand saut... DE PACTE EN RÉFORME Le décret de 2019 prévoit d’abord un allongement de la formation de tous et toutes les enseignant·es du tronc commun, de trois à quatre ans, et la codiplomation des futur·es enseignant·es entre les Hautes Écoles, les Universités et les Écoles supérieures des arts. Pour le Pôle académique Liège-Luxembourg, l’ULiège collaborera avec cinq Hautes Écoles et trois Écoles supérieures des arts5. « On a essayé de réunir tout ce petit monde autour de la table pour examiner ce décret, très formel, et répartir ça dans des grilles cohérentes en essayant de confier à chaque fois la tâche à l’institution la plus compétente », explique Marie-Noëlle Hindryckx. « Cela se passe en bonne intelligence mais, qu’on le veuille ou non, la réforme suppose que les établissements collaborent alors qu’ils sont en compétition, relève de son côté le Pr Louis Gerrekens, doyen de la faculté de Philosophie et Lettres. On chasse sur les mêmes terres : toute réforme peut entraîner des glissements de population positifs ou négatifs. » Le texte du décret précise également les domaines de compétences génériques à développer, quelle que soit la filière suivie, par tous et toutes les futur·es enseignant·es francophones, dans la lignée de la mise en œuvre du Pacte pour un enseignement d’excellence. Rappelons que le tronc commun établi dans ce Pacte définit huit domaines d’apprentissage pour mieux préparer tous et toutes les jeunes à trouver leur place, en ce compris les aptitudes manuelles, techniques et technologiques, l’éducation à l’art et à la culture, le développement de l’esprit d’entreprendre et de la créativité... Avec comme objectif de former des citoyens et des citoyennes “actifs et épanouis”6 à travers un enseignement “émancipateur, connecté aux enjeux contemporains” et capable de réduire les inégalités. « Heureusement ou malheureusement, la réforme RIFE est concomitante au Pacte d’excellence, qui est un énorme chantier. Le but est notamment de supprimer les filières de relégation en technique et professionnel mais aussi de former aux thématiques environnementales, de genre, au numérique... », commente Marie-Noëlle Hindryckx. Autant de nouvelles responsabilités pour les enseignant·es, qui justifient d’autant plus de renforcer leur formation. Mais voilà : cela fait aussi beaucoup, beaucoup de défis qui semblent s’empiler dans un équilibre plutôt instable. « Avant, nous avons eu Bologne, le Paysage... des réformes qui se succèdent avant que la précédente n’ait produit tous ses effets, analyse Louis Gerrekens. Or, s’il est techniquement possible de mettre en place ces changements, les êtres humains ne suivent pas toujours, ils ont une limite. Cela va exiger un énorme monitoring. » PUZZLE Concrètement, dès cette rentrée, les Hautes Écoles seront responsables pour la formation des enseignant·es qui s’adresseront aux élèves de 2,5 à 15 ans, tandis que l’ULiège interviendra dans ces formations à hauteur de 30 crédits. Ce bachelier de trois ans s’allongera d’une année de master en enseignement et l’ULiège codiplomera pour 30 des 60 crédits (quatre années d’études). Pour les enseignant·es qui s’adresseront aux 15-18 ans, c’est 6/ https://pactepourunenseignementdexcellence.cfwb.be/mesures/ le-tronc-commun/ former aux thématiques environnementales, de genre et du numérique 5/ L’ULiège collaborera avec la Haute école libre mosane (Helmo), la Haute école de la Province de Liège (HEPL), la Haute école de la Ville de Liège (HEL), la Haute école Charlemagne (HECh) et la Haute école Robert Schuman (HERS); et avec les ESA Saint-Luc Liège, Beaux-Arts Liège et le Conservatoire royal de Liège. septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 14 à la une
l’ULiège qui sera l’Institution référente tandis que les Hautes Écoles interviendront à hauteur de 30 à 40 crédits. Le cursus durera cinq ou six ans, selon que l’étudiant·e choisira un master en enseignement de la discipline (deux ans) ou un master disciplinaire complété d’un master en enseignement de la discipline (deux ans + un an). « Pour les 2,5-15 ans, comme les Hautes Écoles sont référentes, elles nous adresseront une commande, précise MarieNoëlle Hindryckx. Par exemple, pour la première année, c’est l’ULiège qui donnera les cinq crédits d’équité, un cours qui n’existait pas avant et qui sera coconstruit par un sociologue, un philosophe et un diplômé en sciences de l’éducation. Lesquels vont aller le donner dans toutes les implantations des Hautes Écoles de Liège dès septembre. L’Université a donc dû et devra recruter de nouveaux chargés de cours pour assurer tous ces nouveaux cours. » Les institutions d’enseignement se retrouvent ainsi face à un puzzle de quelques milliers de pièces, probablement très beau sur l’image-modèle, mais qu’il faudra parvenir à assembler en un temps record avec des partenaires de jeu venus d’horizons très différents. « Les objectifs sont louables, mais le résultat actuel est tout de même d’une complexité redoutable, estime Louis Gerrekens. À la fois sur les programmes, sur la définition des budgets, la capacité à mettre en place des horaires qui fonctionnent, les locaux disponibles... » Pour la Pr Gentiane Haesbroeck, doyenne de la faculté des Sciences, « c’est en même temps la possibilité d’atténuer le choc des cultures parfois ressenti entre le niveau secondaire inférieur et le supérieur. Les enseignants seront amenés à discuter entre eux, ils sauront ce que font les autres. » La faculté des Sciences est particulièrement concernée par cette réforme. « Une partie de nos étudiants viennent en effet en sciences spécifiquement pour devenir enseignants : c’est le cas des mathématiciens qui, pour certains, ont ce débouché en tête dès le départ, poursuit-elle. On en trouve aussi parmi d’autres filières. Mais pendant les trois années de bachelier, beaucoup de choses se passent ! Et certains se rendent compte que les matières étudiées ouvrent d’autres portes et qu’effectivement il y a d’autres options. Par rapport au projet initial consistant à mettre en place des bacheliers en enseignement, le master en enseignement nous paraît donc un bon compromis : au moment de choisir, les étudiants seront informés de toutes les opportunités qui s’offrent à eux. Et pourront décider en pleine J.-L. Wertz F. Denoël septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 15 à la une
conscience. Même si nous avons un peu l’impression que nos étudiants vont continuer à faire le master disciplinaire et puis faire ce master complémentaire en enseignement ensuite. Mais au fond, on n’en sait rien. » Le décret RIFE prévoit par ailleurs que l’étudiant·e devra dorénavant réaliser un stage de longue durée au cours de sa formation afin de lui assurer une “entrée progressive, encadrée et accompagnée” dans le métier : ce stage – qui comptera pour une partie significative des crédits d’études dédiés à la pratique – se tiendra de préférence au sein d’un même établissement. « En quatrième année de formation en Haute École et en cinquième chez nous, il y aura un stage long, véritable prémisse d’une insertion professionnelle, détaille Marie-Noëlle Hindryckx. Quatre mois dans un, voire deux établissements au cours desquels le futur enseignant ne se contentera pas de prendre en charge la classe du maître de stage mais où il va vivre la vie de l’école : une réunion de parents, l’attribution et l’encodage des notes, comment on planifie, comment on vit les conflits en classe et quel est son rôle dans cette grosse machine. » De quoi se sentir mieux armé pour son premier job et ne pas faire demi-tour aussi sec. GRANDE INCONNUE « La grande inconnue est de savoir si le public suivra », estime le Pr Louis Gerrekens. Parce que l’allongement des études pourrait bien faire fuir ces étudiant·es qu’on cherche à attirer... « On envoie quand même un message particulier à la jeunesse : on leur dit que pour avoir une carrière complète, ils devront travailler plus d’années qu’avant mais que pour pouvoir l’entamer, ils devront étudier plus longtemps sans que ces années ne soient prises en compte », poursuit le doyen de la faculté de Philosophie et Lettres. Ce à quoi il faut ajouter la crainte pour certains que cette formation, dispensée désormais en partie par l’Université, ne s’avère trop difficile, trop élitiste. « On estime qu’il y aura une perte de 30 % des inscriptions pour le maternel, de 10 % pour le primaire et de 20 % pour les régents », rapporte Marie-Noëlle Hindryckx. Aggraver la pénurie pour la résoudre à long terme par une revalorisation de la formation ? Le pari est risqué, a fortiori si, à l’issue, la rémunération stagne. « Si vous proposez une formation plus longue, globalement un peu plus difficile et que le salaire ne suit pas, on ne voit pas très bien comment on va lutter contre le manque de profs », résume Louis Gerrekens. septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 16 à la une
Organisation de la formation Les parcours prévus se distinguent selon la tranche d’âge des élèves à qui l’enseignant·e s’adressera et comptent systématiquement deux cycles d’études : un bachelier de trois ans (180 crédits) et un master d’un ou deux ans selon les sections (60 ou 120 crédits). On comptera désormais cinq parcours de formation différents selon les publics. Ils se subdivisent en sections selon le public auquel l’enseignant·e s’adressera : • section 1 : permet d’enseigner la plupart des disciplines, de l’accueil à la 2e primaire (à l’exception de l’éducation physique, de la 2e langue et de morale/religion) • section 2 : idem, mais de la 3e maternelle à la 6e primaire • section 3 : permet d’enseigner une famille de disciplines de la 5e primaire à la 3e secondaire Exceptions : - langues germaniques, formation manuelle, technique et technologique et formation numérique, disciplines artistiques : de la 3e primaire à la 3e secondaire - éducation physique et à la santé : de l’accueil à la 3e secondaire • sections 4 et 5 : permet l’enseignement d’une discipline particulière de la 4e à la 6e secondaire Les sections 1 à 3 sont réservées aux enseignant·es qui s’adresseront aux élèves de 2,5 à 15 ans. Les Hautes Écoles seront les institutions référentes pour ces trois sections ; l’ULiège interviendra dans ces formations à hauteur de 20 à 40 crédits. Ces formations s’allongent d’une année de master en enseignement. Tout·e futur·e enseignant·e devra donc suivre désormais au minimum quatre années d’études. Pour enseigner aux élèves de 15 à 18 ans, dans le cycle supérieur des études secondaires, il faudra suivre les sections 4 et 5 (minimum cinq années d’études). L’ULiège est l’Institution référente pour ces deux sections ; les Hautes Écoles interviennent dans ces formations à hauteur de 30 crédits en bachelier et 30 crédits en master car ces deux parcours commencent par une formation théorique de trois ans dans la discipline choisie (bachelier disciplinaire). Il faudra ensuite choisir entre un master en enseignement de la discipline (deux ans) ou un master disciplinaire complété d’un master en enseignement de la discipline (deux ans + un an). * www.uliege.be/rfie Mais le choix des jeunes, dont les priorités sont par ailleurs en constante évolution, pourrait surprendre et la société connaître de nouveaux soubresauts. « Nous devrons en permanence nous adapter, réagir au fur et à mesure », précise encore Louis Gerrekens. Une chose est sûre : ce ne sera une réussite que si ce nouveau mode d’organisation parvient à attirer des profils passionnés et capables, par conséquent, de donner le goût du savoir. « C’est le véritable enjeu, estime Gentiane Haesbroeck. Il faut parvenir à remettre en classe des passionnés par leur matière car si les cours sont donnés par des gens qui ne le sont pas, on ne suscitera pas non plus de futures vocations de scientifiques ni de profs et on n’y arrivera jamais. Or, parfois, les étudiants ont déjà tellement donné dans leurs études qu’ils ont l’impression que tous leurs efforts ne seront pas valorisés s’ils vont dans l’enseignement. Il faut vraiment que ça devienne un débouché attractif, positif », insiste la doyenne de la faculté des Sciences. JC. Massart septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 17 à la une
septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 18 l’opinion En toute
François Pichault septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 19 l’opinion Fondé en 1867 à Ransart par les frères Jules et Auguste Delhaize, le groupe éponyme était un acteur belge actif dans l’exploitation de supermarchés en Belgique d’abord, puis, dès 1970, à l’étranger (en Asie et aux États-Unis). Delhaize a fusionné en 2016 avec Ahold basé en Hollande, donnant ainsi naissance au groupe “Ahold-Delhaize” dont le siège social est à Zandaam, au PaysBas. En mars dernier, celui-ci a annoncé son intention de “franchiser” 128 magasins situés en Belgique, c’est-à-dire de les céder à des entrepreneurs indépendants. Depuis lors, travailleurs et syndicats affrontent la direction dans un conflit qui s’enlise. Le conflit social chez Delhaize s’éternise. Décryptage avec le Pr François Pichault, spécialiste de la gestion des ressources humaines à HEC-École de gestion de l’ULiège. ENTRETIEN PATRICIA JANSSENS (31 août 2023) franchise Shutterstock, Stokkete Lecoq
septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 20 l’opinion Le Quinzième Jour : Comment comprendre cette crise au sein de la grande distribution ? François Pichault : Lorsque l’actionnariat passe dans des mains étrangères, celui-ci ne tient aucun compte de la tradition du dialogue social belge : c’est sans doute la première chose à retenir de cette affaire. Cependant, il faut reconnaître qu’en Belgique, la grande distribution est à la peine depuis plusieurs années. Ses marges bénéficiaires ont toujours été assez faibles et la concurrence agressive des “hard discount” (Aldi, Lidl notamment) s’accentue. D’autre part, le confinement des années 2020-21 a suscité de nouvelles habitudes de consommation, je pense à la livraison à domicile par exemple. Des enquêtes montrent aussi que nous préférons maintenant des supermarchés plus petits, plus proches, voire des propositions alternatives comme les “Petits producteurs” à Liège. Ainsi, le modèle de la grande distribution classique – supermarchés, hypermarchés – semble avoir vécu : Cora est en faillite, Carrefour se retire progressivement de Belgique. LQJ : La proposition de franchiser les magasins paraît-elle réaliste ? F.P. : En Hollande, les contrats de travail impliquent depuis longtemps une grande flexibilité de la part des travailleurs. C’est banal. La décision du groupe (qui veut accorder plus d’autonomie aux magasins) n’est dès lors pas considérée comme scandaleuse dans l’optique libérale hollandaise. Chez nous, la perception est tout autre. Mais pour répondre à la question : oui, la proposition est réaliste ! LQJ : Le groupe dit que les candidats repreneurs sont légion… F.P. : Est-ce la réalité ? Est-ce une stratégie de communication ? En août, le groupe a annoncé qu’une quinzaine de magasins seraient confiés à des indépendants “à partir d’octobre ou novembre“. Mais un certain nombre de candidats potentiels ont d’ores et déjà fait état de leurs critiques sur les conditions de reprise. Si un grand nombre de repreneurs sont recrutés, alors les managers auront montré que leur stratégie était bonne. Les franchisés seront liés à Delhaize pour leurs achats – même s’ils pourront aussi recourir à d’autres fournisseurs –, tout en restant libres de fixer leurs stratégies commerciales et de déterminer les horaires de leurs employés ou de choisir leur type de contrat, notamment. Ils seront également en droit de renégocier les salaires puisque les travailleurs changeront d’employeur et, dès lors, de commission paritaire, ce qui leur sera de facto défavorable. LQJ : Et s’il n’y a pas assez de repreneurs ? F.P. : Il est à craindre que le groupe fermera alors les enseignes en licenciant le personnel, mais ce sera plus difficile et sans doute plus coûteux. À mon avis, ce coup de force est une stratégie de communication : le groupe Delhaize veut simplement changer de cap. LQJ : Changer de cap ? Comment ? F.P. : Le chiffre d’affaires du groupe Ahold-Delhaize est essentiellement réalisé à partir de la distribution des produits alimentaires. Mais le groupe joue aussi un rôle de grossiste. À mon sens, son ambition est de se métamorphoser en une “centrale d’achats” et de devenir une entreprise “business to business ”, c’est-à-dire en une structure dont les clients sont des points de vente qui seront les véritables intermédiaires avec le consommateur. Pourquoi cette transformation ? Parce que les marges bénéficiaires seront plus grandes : d’un côté, le groupe se sépare de ses employés (et des contraintes liées aux statuts, aux contrats, etc.) et de l’autre, vu sa stature européenne, il pourra faire pression sur les fournisseurs. LQJ : Est-ce la volonté des actionnaires ? F.R. : In fine, oui. La réalité de la concurrence (reconnue par les syndicats) à laquelle est confrontée la grande distribution lui impose de revoir ses priorités. Colruyt, entreprise flamande installée en Belgique principalement, a choisi de maintenir son modèle intégré. Il s’agit d’une entreprise familiale (même si elle vient de désigner en juin – et pour la première fois – un directeur étranger à la famille fondatrice) un peu atypique (elle cadenasse ses coûts en produisant elle-même son énergie, en établissant une rigoureuse logistique intégrée). Le groupe Ahold-Delhaize a choisi une autre voie, celle des franchises, couplée peut-être à la vente de ses (grands) bâtiments qu’il pourrait proposer à d’autres acteurs publics ou privés, à des fins de reconversion. LQJ : Où en est le dossier aujourd’hui ? F.P. : Il y a eu des mouvements de grève, surtout en Wallonie et à Bruxelles. Mais toutes les tentatives de conciliation avec la direction ont échoué. Certains magasins ont été inaccessibles pendant quelques jours,
septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 21 l’opinion d’autres n’ont plus été approvisionnés correctement. Cette situation incite les clients à déserter les rayons Delhaize. Paradoxalement, cela apporte de l’eau au moulin des dirigeants qui arguent de la non-rentabilité des enseignes. Je pense donc que, de manière assez cynique, ils vont laisser pourrir la situation. LQJ : Sommes-nous impuissants face à cette stratégie ? F.P. : Pierre-Yves Dermagne, ministre de l’Économie et du Travail, envisage de renforcer la “loi Renault”, une procédure qui oblige l’employeur à convenir d’un plan social s’il se sépare de 10 % de ses travailleurs. Mais cette loi ne concerne pas le groupe Ahold-Delhaize qui, à l’heure actuelle, ne licencie pas mais entend transformer son business model et modifier son organisation en une mosaïque de franchisés. Ce type de restructuration, que l’on peut qualifier “d’organisationnelle”, n’est guère encadré légalement, à part la convention collective de travail 32bis qui “vise à garantir le maintien des droits des travailleurs dans tous les cas de changement d’employeur du fait du transfert conventionnel d’une entreprise ou d’une partie d’entreprise”, mais dont la portée temporelle demeure imprécise… À mon avis, la judiciarisation du conflit pose aussi problème : on assiste à une confrontation entre le droit du travail (et de grève) et le droit commercial ! Je crois que les pouvoirs publics devraient se saisir de cette question. De la même manière, il me semble qu’ils pourraient tenter de mettre fin à la multiplication des commissions paritaires dans ce secteur1. Cette multiplicité favorise le dumping social. Les syndicats réclament d’ailleurs depuis longtemps une remise à plat du système. Même Comeos2 semble prêt à en discuter. Or l’enjeu est de taille puisqu’il concerne les transformations à moyen et long terme du secteur de la grande distribution. Mais le moment paraît peu propice à une discussion sereine autour des commissions paritaires… LQJ : En attendant, la précarisation du travail s’accentue. F.P. : Petit à petit, notre système évolue vers une “Gig economy”, c’est-à-dire une économie basée sur des “petits boulots”. Il s’agit d’une norme hyper flexible née aux États-Unis, adoptée en Europe par les plateformes telles que Uber ou Deliveroo. Celles-ci travaillent uniquement avec des “indépendants” et les rémunèrent à l’heure ou à la prestation, le tout sans aucune protection sociale. Ce “micro-travail”, que la digitalisation rend possible, est en plein essor : au Royaume-Uni, la “Gig economy” concerne près de 5 millions de travailleurs ; aux Pays-Bas, il existe des contrats “0 heure”. Mieux encore : les magasins Amazon recourent à un minimum de personnel. Les rayons sont achalandés avant l’ouverture, le client est identifié grâce à son smartphone, ses achats sont immédiatement scannés et le prélèvement de la facture directement effectué auprès de sa banque. Est-ce cela que nous voulons en Belgique ? 1/ Les commissions paritaires en Belgique concernent les différentes branches d’activités économiques (marchandes ou non). Composées de représentants du patronat et des syndicats, elles sont le lieu de négociations sociales, dont les conventions collectives de travail notamment. 2/ Comeos est le porte-parole du commerce et des services en Belgique. Pour aller plus loin Philippe Lefebvre, L’invention de la grande entreprise, PUF, Paris, 2003 “Gig Economy : le retour des tâcherons ?”, France 24, sur YouTube
Simulation Le certificat universitaire de simulation en santé, organisé par le département des sciences de la santé publique, est une formation en simulation sous toutes ses formes : du patient standardisé à la réalité virtuelle, en passant par l’utilisation de mannequins haute-fidélité. Destinée aux professionnels du secteur des soins de santé et de l’enseignement, le cursus donne aux candidats toutes les clés techniques, pédagogiques, organisationnelles, scientifiques et humaines pour devenir instructeurs en simulation de haut niveau. Certificat organisé d’octobre 2023 à juin 2024. * info-centresimulation@uliege.be, www. caresimulation.uliege.be/ Fondation ULiège La Fondation ULiège a entre autres objectifs la promotion de la recherche et de l’enseignement et celle du bien-être moral, matériel, social, culturel et sportif de l’ensemble des membres de la communauté universitaire. Les fondations du Patrimoine de l’université de Liège octroient chaque année plus de 80 prix et bourses, accessibles aux étudiant·es et Alumni ULiège. Plusieurs appels sont lancés : on les consulte sur le site www.fondation.uliege. be/appels Bouleversements À l’invitation du Pr Geoffrey Grandjean (faculté de Droit, Science politique et Criminologie), le président François Hollande donnera une conférence intitulée “Bouleversements”, à l’intention des étudiants de l’ULiège, le mercredi 4 octobre à 16h, à l’amphithéâtre Noppius (Opéra), place de la République française, 4000 Liège. * inscription demandée via Geoffrey.Grandjean@uliege.be C. Dijon Papillons Les papillons sont de bons indicateurs de la qualité des milieux naturels, raison pour laquelle une grande campagne d’inventaire a commencé en juin sur le site du Sart-Tilman. Il suffit de s’inscrire sur la plateforme, prendre des photos et encoder les observations sur les papillons aperçus ici ou là. * www.news.uliege.be/papillons En 2 mots Nuit des chercheur·es Née d’une initiative de la Commission européenne, la “Nuit des chercheur·es” s’adresse au grand public et a l’ambition de parler de la science de manière concrète. Elle présente de courtes animations interactives accessibles à tous et s’appuie sur du matériel de démonstration. L’ULiège participe activement depuis ses débuts à la Nuit des chercheur·es. Cette année, elle sera dédiée au concept “One Health” : penser la santé au croisement de celle des animaux, de l’homme et de leur environnement. Le vendredi 29 septembre, de 17 à 21h à la Médiacité, 4020 Liège. septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 22 omni sciences
Nuits d’Utopie Le festival de musique ancienne de Liège “Les Nuits de Septembre” décline le thème des utopies des Festivals de Wallonie en 11 concerts. Partant de l’île d’Utopia tirée de l’œuvre de Thomas More comme cité idéale et espace imaginaire, c’est à une vision musicale polysémique que le festival se consacre. L’utopie est le lieu de tous les possibles, de toutes les réalisations qui allient diversité et originalité, marqueurs récurrents des Nuits de Septembre. Jusqu’au 1er octobre. * tout le programme sur www.lesnuitsdeseptembre.com Rêvons Liège 2030 Face aux enjeux environnementaux et sociétaux soulevés par les conséquences de notre mode de vie, le Théâtre et l’université de Liège s’unissent pour mobiliser, relier et fédérer tous les acteurs du territoire dans un projet de transition. La mobilité sera la thématique de la prochaine assemblée. Au programme : l’écrivain Nicolas Ancion lira sa réflexion sur la mobilité et les artistes. Camille Panza, Léonard Cornevin et Simon Thomas dévoileront leurs performances artistiques inspirées par le même thème. Ensuite, Audrey Lebas, chargée de recherches au Smart City Institute (HEC), et Xavier Tackoen, administrateur-délégué d’Espaces-mobilités, partageront leur point de vue à partir des récits d’initiatives liégeoises en faveur de la mobilité durable. Le lundi 18 septembre à 17h30, au Musée des transports, rue Richard-Heintz 9, 4020 Liège. * événement gratuit mais inscription souhaitée via www.revonsliege2030.uliege.be Strange Geneviève Damas publie un roman chez Grasset, Strange. Un roman sensible qui évoque l’histoire de Raphaël. L’enfant aimait les déguisements et dessinait des fées et des princesses. À l’école, c’était les coups dans la cour, les mots que l’on murmure, la douleur. Et puis le salut : le chant. Nora est devenue, mais ailleurs. Pour évoquer cette transformation, l’auteure a eu recours à l’expertise de la Pr Dominique Morsomme, responsable de l’unité logopédie de la voix. Spécialiste de “l’harmonisation vocale” chez les personnes trans, elle a accompagné Geneviève Damas dans son souci d’exactitude. septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 23 omni sciences Bien vieillir Les universités de Liège, de Bochum (Allemagne), de Deusto (Espagne), d’Oulu (Finlande) et Erasmus Rotterdam organisent une université d’été d’une semaine sur le thème du “bien vieillir dans l’ère postindustrielle”. Elle réunira des universitaires et des spécialistes des sciences de la santé (soins infirmiers), de la gérontologie et des gérontechnologies, du bienêtre, de la solidarité intergénérationnelle et des migrations, des loisirs pour les personnes âgées, des communications et de l’ingénierie, de l’architecture et de l’urbanisme, de l’épidémiologie, des fonctions cognitives, du design participatif... qui contribueront tous à l’encadrement pluridisciplinaire des participants. Du 18 au 22 septembre à l’université de Liège, rue des Pitteurs (bât.L5), 4020 Liège * informations sur le site https://www.unic.uliege.be/
Verviers L’ULiège et la ville de Verviers proposent un cycle de conférences aux thématiques variées. Au programme : • lundi 2 octobre : “Pouvoir politique et institutions diachroniques en Wallonie”, par le Pr Geoffrey Grandjean • lundi 16 octobre : “ L’humain préhistorique : tracer le développement d’un comportement humain à travers des approches fonctionnelles des outils en pierre”, par Veerle Rots, maître de recherche au FNRS • lundi 13 novembre : “Une histoire de l’architecture moderne à Verviers”, par Sébastien Charlier, responsable scientifique du GAR-Archives en faculté d’Architecture • lundi 18 décembre : “Ce que nous dit la guerre en Ukraine. Où va l’OTAN ? Un paysage sécuritaire européen bouleversé”, par André Dumoulin, chargé de cours honoraire À 20h, au Centre culturel de Verviers-Espace Duesberg, boulevard des Gérardchamps 7c. * programme complet sur www.uliege.be/verviers, tél. Centre culturel de Verviers, 087.39.30.60 Building Pedagogy Cet automne, la faculté d’Architecture présentera «Building Pedagogy», exposition montrant les cinq projets d’architecture du concours du regroupement de la Faculté sur le site Fonck. Les propositions de Office Kersten Geers David Van Severen, Baukunst, Robbrecht & Daem architecten + Atelier Chora, Muoto + Laboratoire + Baumans Deffet et Altstadt + Karamuk Kuo seront présentées à l’aide de maquettes et d’interviews filmées dans une scénographie de Richard Venlet. L’exposition aura lieu du 26 septembre au 26 octobre 2023 à la salle Capitulaire de la faculté d’Architecture, boulevard de la Constitution 41, 4020 Liège. L’exposition sera accompagnée d’un cycle de conférences : • mardi 26 septembre à 19h au Manège de la caserne Fonck : vernissage de l’exposition et présentation des cinq projets par les architectes, suivis d’une discussion avec Véronique Patteeuw et Lisa De Visscher. Présentation de A+303 : On Campus – Designing higher education (inscription via le site www.archi.uliege.be) • mardi 3 octobre à 19h au Manège de la caserne Fonck : conversation avec Klaas De Rycke (Bollinger+Grohmann, ingénieur du projet lauréat) et Guy Mouton, modérée par Vincent Servais sur l’importance, l’intelligence et les défis de la structure dans l’architecture. • mardi 10 octobre à 19h dans l’amphi Ruwet (Institut de zoologie) : conférence de Michel Desvigne sur sa stratégie territoriale des espaces non planifiés de la ville de Liège et les enjeux des vestiges de la géographie, les faisceaux d’infrastructures et les sites industriels en reconquête. • mercredi 18 octobre à 19h dans l’amphi Ruwet (Institut de zoologie): conférence de Office KGDVS sur la présence de la pédagogie dans leur œuvre. Les conférences ont lieu au Manège de la caserne Fonck, rue Ransonnet 2, 4020 Liège et à l’Institut de zoologie, quai Van Beneden 22, 4020 Liège. * www.archi.uliege.be Enjeux humains La Déclaration universelle des droits de l’homme aura 75 ans le 10 décembre 2023. À cette occasion, la Cité Miroir présente 100 dessins de presse qui interrogent l’état des droits humains aujourd’hui. Avec humour, impertinence, émotion et gravité parfois, des dessinatrices et dessinateurs de presse bien connus comme Kroll Cécile Bertrand et Vadot (Belgique), Plantu (France), Côté (Canada) et bien d’autres sur tous les continents, évoquent l’actualité mondiale à travers les thèmes de la liberté de presse, les droits sociaux, l’égalité de genre, la démocratie, etc. L’exposition invite aussi à réfléchir sur les droits nouveaux que sont ceux liés au numérique et à l’environnement. Du 7 octobre 2023 au 28 janvier 2024, à la Cité Miroir, place Xavier Neujean 22, 4000 Liège. * www.citemiroir.be septembre-décembre 2023 i 286 i www.uliege.be/LQJ 24 omni sciences
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