La restauration

Un concept en évolution


Dans Omni Sciences

L’idée de restaurer un monument, c’est-à-dire de le restituer en respectant l’état primitif et le style, apparaît au XIXe siècle. Pour Eugène Viollet-le-Duc, célèbre architecte au service de Napoléon III, “restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé”, écrivait-il dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture.

En conséquence, l’architecte restaurateur doit s’effacer complètement derrière l’édifice. D’autres architectes du XIXe siècle, dans son sillage, prétendent s’effacer complètement derrière l’édifice. “Moins sa main sera visible, plus il y aura de mérite”, affirme Jean-Charles Delsaux, architecte à Liège, restaurateur de la cathédrale Saint-Paul. Cette façon d’envisager la restauration n’aura pas que des adeptes – en témoigne John Ruskin en Angleterre, qui préfère protéger un monument en ruines plutôt que de le “toucher” – mais elle s’imposera en France et dans de nombreux pays européens.

Au tournant du XXe siècle cependant, une nuance se fait jour. Celle de la “restauration philologique”, prônée notamment par l’architecte Camille Boito en Italie. D’après lui, il faut au contraire que l’intervention de restauration sur un édifice ancien soit lisible. Il faut pouvoir distinguer la partie ancienne de la restitution moderne. Cette approche influencera sans nul doute les rédacteurs des conclusions de la conférence d’Athènes, en 1931. Premier document doctrinal en matière de restauration à vocation internationale, ses conclusions confortent en effet l’approche italienne.

Après 1945, alors que bien des villes sont détruites, un nouveau questionnement apparaît : faut-il reconstruire à l’identique en gommant, de facto, les traumatismes de la guerre ? Certains pensent que non. L’architecte Yves-Marie Froidevaux, par exemple, restaurera la tour gothique de l’église de Saint-Lô en Normandie, tout en conservant, à travers une intervention contemporaine bien visible, les stigmates de la guerre.

Le deuxième “Congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques” se tiendra à Venise en 1964 et une charte à valeur universelle conclut les travaux. Elle prône, dans son article 4, “l’entretien régulier plutôt que la restauration”, celle-ci devant, selon l’article 9, “garder un caractère exceptionnel” et “s’arrête[r] là où commence l’hypothèse”. Mais cet article considère aussi que “sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps”.

L’interprétation de cet article 9 a ouvert bien grandes les portes de la créativité, du geste architectural. « On connaît bien des maladresses réalisées sous le couvert de cet article, reprend la Pr Claudine Houbart. Pourtant, Raymond Lemaire, qui était l’un des concepteurs belges de la charte, réclamait de la modestie dans l’intervention contemporaine, estimant que “l’essentiel de la restauration doit être de conserver la valeur globale du bâtiment, dans son contexte architectural et urbanistique”. »

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