Faire face à l’épidémie

Dans Univers Cité
Entretien PATRICIA JANSSENS – Photo JEAN-LOUIS WERTZ

Dans sa deuxième année de mandat, le recteur Pierre Wolper aura été confronté à une crise sans précédent. Une crise sanitaire qui aura eu d’importantes conséquences à l’Université aussi. Interview dans son bureau le 7 décembre. 

Le Quinzième Jour : L’année 2020 restera dans les annales.

Pierre Wolper : L’épidémie du coronavirus nous a surpris en mars 2020 alors que des scientifiques nous avaient depuis longtemps alertés sur le risque d’une pandémie due à un nouveau virus. Cet avertissement n’a pas été pris au sérieux et nous n’y étions pas préparés. En Belgique comme partout en Europe ou presque, la seule réponse que nous avons pu apporter estun confinement strict qui a duré plusieurs mois. En juin, la situation s’est améliorée et nous avons pu respirer à nouveau. Trop vite peut-être, trop fort aussi car la deuxième vague souvent annoncée, mais pas suffisamment anticipée est arrivée en force au mois d’octobre.

LQJ : Pourtant l’ULiège était décidée à offrir à ses étudiants une année 2020-21 “en présentiel”.

P.W. : Telle était bien notre intention et pour réduire le risque que l’épidémie ne reflambe en nos murs, nous avons proposé gratuitement à toute notre communauté les tests salivaires mis au point dans nos laboratoires. Mais l’épidémie s’est tellement rapidement développée dans l’ensemble de la population que la digue de nos tests n’a pas pu éviter que la forte deuxième vague envahisse aussi l’Université. Nous avons donc retrouvé le télétravail, les réunions en visioconférence et les cours à distance.
Contrairement au confinement du printemps, des activités exigeant le présentiel ont pu être maintenues, en respectant bien sûr de strictes mesures sanitaires : les laboratoires, les travaux pratiques, les exercices en dentisterie, les stages pour les futurs agrégés, etc. Une année sans aucune de ces activités ne permettrait pas une formation correcte, ou même dans certains cas conforme aux prescrits légaux pour l’exercice de la profession. Quoi qu’on en dise, le concret a une place importante dans nos formations.
Il y a une variété d’approches et d’outils pour organiser des cours à distance, mais cela reste une solution de rechange ou un complément au présentiel. Les apprentissages se font beaucoup grâce aux interactions spontanées entre étudiants ou avec les professeurs. Si ces interactions disparaissent trop longtemps, la formation pourrait en souffrir et, clairement, il y a un risque de décrochage pour certains étudiants.

LQJ : La session de janvier verra-t-elle le retour des étudiants dans les amphithéâtres ?

P.W. : Oui, c’était le souhait de toutes les universités et cela sera partiellement possible. C’est important pour réaliser des évaluations correctes et équitables. D’une part, même si nous avons rapidement beaucoup appris, bien concevoir une évaluation à distance n’est pas aisé : l’expérience des dernières sessions a montré que l’on dérivait facilement vers des épreuves trop faciles ou, au contraire, vraiment trop difficiles. D’autre part, il est difficile de garantir l’équité sans que les étudiants passent tous leurs examens dans les mêmes conditions et avec la garantie qu’aucune aide extérieure n’est possible.

LQJ : Et demain ?

P.W. : L’objectif doit être de mettre fin au cycle infernal “confinement-déconfinement-reconfinement”. Les vaccins bientôt disponibles et l’immunité acquise par les personnes déjà infectées vont nous permettre à terme de venir à bout de l’épidémie. En attendant que suffisamment de personnes soient immunisées, il faut la contrôler et maintenir un niveau de contagion très bas. Cela signifie que nous allons devoir vivre un certain temps avec les “gestes barrières” et une vigilance constante ; il faudra encore attendre avant de retrouver les réunions conviviales et festives car elles sont clairement sources de contamination.

L’Université a dû mettre un terme aux tests salivaires proposés au personnel et aux étudiants pour répondre aux besoins des maisons de repos (voir l’interview précédente). C’était éthiquement le seul choix possible. En revanche, quand le taux de contamination sera redescendu et la situation moins critique, nous voulons reprendre les tests systématiques pour que l’ULiège soit rapidement un lieu d’études et de travail sécurisé.

Mon espoir, à ce stade est de pouvoir organiser le deuxième quadrimestre de manière plus “normale”. Au départ, ce sera toujours avec des mesures sanitaires strictes, et en évitant les contacts rapprochés susceptibles de transmettre le virus. Nous nous verrons encore masqués pendant un certain temps. Toutefois, avec la vaccination qui prendra de l’ampleur, les tests à large échelle, le suivi des contacts et une gestion qui restera rigoureuse et prudente, nous pouvons espérer une situation qui se normalisera graduellement. Des pays comme la Corée et la Nouvelle-Zélande ou l’Australie sont arrivés à un bon contrôle de l’épidémie et ce sans vaccin, bien qu’avec l’avantage de leur isolement géographique. Nous devons donc y arriver aussi en 2021. C’est le vœux que je formule en ce début d’année

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