La part du lion

Quelle place pour le monde sauvage ?

Dans Ici et ailleurs
Article Patricia JANSSENS Photos Daniel CORNÉLIS, Cirad (Parc national de Zakouma, Tchad)

Parce que sa crinière lui donne un aspect semblable au soleil, il a été surnommé le “roi des animaux”. Et pourtant le lion d’Afrique figure sur la liste des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

« Les lions se raréfient sur le continent africain, admet Johan Michaux, directeur de recherche au FNRS au sein du laboratoire de génétique de la conservation en faculté des Sciences. Sont en cause la chasse, le braconnage et la restriction des aires sauvages. En Tanzanie, le pays qui compte la plus grande densité de lions, l’extension de l’habitat humain et la reconversion des terres en zones agricoles ont provoqué un morcellement des populations de ces grands mammifères. Et cela risque d’affecter la santé génétique de l’espèce. »

Comment faire pour éviter le pire ? La translocation des individus est périlleuse parce que la structure sociale de ces mammifères est complexe. Contrairement aux autres fauves, solitaires, les lions vivent dans des troupes permanentes, composées de femelles apparentées entre elles, de mâles distincts et de leur progéniture. Cela permet d’éviter la consanguinité. Transporter des animaux d’une zone à l’autre n’est donc pas chose aisée, car il n’est pas certain qu’ils puissent y faire leur place. Une autre solution serait de réserver des “couloirs écologiques” dans la savane afin d’assurer la circulation des animaux sauvages dans des zones protégées comme les parcs nationaux. Mais la mise en oeuvre de ces couloirs se heurte aux revendications des villageois dont les besoins en terres cultivables sont patents. « Les animaux sauvages ont donc moins de place pour vivre et pour se reproduire, reprend Johan Michaux. Plus la démographie humaine s’accroît, plus le monde sauvage s’amenuise, plus la biodiversité se tarit. Dans son sillage, la disparition des lions entraîne celle de leurs écosystèmes : les zèbres, gnous, girafes et autres singes sont soumis aux mêmes contraintes, aux mêmes aléas. » En collaboration avec l’université de Stanford aux États-Unis, le laboratoire de génétique de la conservation développe un projet international basé sur le séquençage du génome complet de lions provenant de différentes régions d’Afrique. L’objectif est d’étudier l’impact du morcellement des populations sur leur survie à long terme, particulièrement en lien avec le risque de consanguinité.

Par ailleurs, une thèse de doctorat est également en cours avec l’université de Prétoria en Afrique du Sud, dans l’objectif de travailler sur les dernières populations de lions d’Afrique de l’Ouest, encore plus affectées par les humains. Plusieurs aspects seront étudiés au cours de cette thèse, dont la diversité génétique des populations, leur état épidémiologique, via des approches de séquençage de dernière génération, ou encore des approches de modélisation de niches écologiques. Avec l’espoir de formuler les meilleures recommandations pour préserver ce magnifique félidé qu’est le lion.

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