Cétacés sur le rivage

Rencontre avec Thierry Jauniaux

Dans Ici et ailleurs
Article Patricia JANSSENS - Photos Jan Haelters/IRSNB

Auteur d’une thèse intitulée “Causes de mortalité des mammifères marins” en 2002, Thierry Jauniaux, agrégé en faculté de Médecine vétérinaire (service de pathologie), s’intéresse à cette thématique depuis 25 ans. « Durant les années 1990, une centaine d’animaux étaient retrouvés sur les côtes de la mer du Nord (de la France aux Pays-Bas), mais, depuis 2001, ce chiffre augmente graduellement. En 2016, il a été multiplié par 30 ! Au cours de la dernière décennie, près de 1200 dauphins se sont échoués dans le seul golfe de Gascogne et l’on sait que cela représente environ 10 % des décès. Ce qui revient à dire que, chaque année, 10 000 dauphins meurent dans les filets de pêche des particuliers et des chalutiers. »

EchouageCetaces-VCertes les baleines, marsouins et autres dauphins peuvent mourir de vieillesse. Ils peuvent aussi être tués par des prédateurs comme le phoque gris qui sévit dans la Manche ou succomber à l’attaque de parasites. Mais d’autres causes d’origine anthropique sont également responsables de leur disparition. « En raison du changement climatique, les populations de mammifères marins, quittant les vastes zones nordiques, ont migré vers le sud, vers la Manche, un secteur plus dangereux pour elles car moins profond, plus étroit et soumis à des courants plus forts, note Thierry Jauniaux. Non seulement les collisions avec les bateaux y sont fréquentes, mais en outre, le gigantisme de certains bateaux de pêche ne leur laisse aucune chance : leurs filets remontent chaque jour 120 tonnes de poissons. » 120 tonnes, vous avez bien lu. Les captures causent ainsi la mort de 40 à 50 % des mammifères marins.

Selon des études récentes, les populations des marsouins sont stables depuis une vingtaine d’années, ce qui signifie que leur croissance est très faible et que les captures sont sous-évaluées. « Le marsouin de Californie est en voie de disparition, la baleine franche aussi, continue Thierry Jauniaux. Ce qui constitue toujours une catastrophe pour la biodiversité et pour la cartographie biologique. » Par ailleurs, n’oublions jamais que ces animaux sont les “sentinelles” de la mer : ils nous renseignent sur la qualité des fonds marins. « Les autopsies que nous pratiquons révèlent la présence de virus, de bactéries et de substances toxiques (PCB, micro-plastiques). Or la contamination des baleines, par exemple, provient des poissons qu’elles avalent et que nous consommons, en partie, aussi ! Une baleine qui vient mourir sur nos côtes doit ainsi nous alerter. » C’est la raison pour laquelle les organisations de protection des mammifères marins font appel à l’expertise des médecins vétérinaires pour établir de manière certaine la raison du décès des marsouins et autres cétacés échoués.

« Alors que les médecins vétérinaires s’intéressaient presque exclusivement aux animaux de production (vaches, moutons, porcs etc.) puis aux animaux de compagnie (chiens, chats, oiseaux, lapins, etc.), ils sont maintenant davantage impliqués dans les questions environnementales en vertu de la théorie “One Health” qui préconise une approche intégrée de la santé publique, animale et environnementale », souligne le chercheur. Le métier a changé.

Formation à l’Autopsie

Une formation à l’autopsie pour les médecins vétérinaires – pour les besoins de la Méditerranée et de la mer Noire –, aura lieu en février au Sart-Tilman, en collaboration avec les universités de La Rochelle, Padoue, Barcelone.

⇒ courriel : t.jauniaux@uliege.be

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