Numéros INAMI : Fin de la saga

Le point avec Édouard Louis, doyen de la faculté de Médecine de l’ULiège

Dans Ici et ailleurs
Article Patricia JANSSENS Photo Jean-Louis WERTZ

C’est historique : le gouvernement fédéral a validé en mai un accord sur l’octroi des numéros INAMI aux étudiants diplômés de médecine. Le point avec Édouard Louis, doyen de la faculté de Médecine de l’ULiège

Depuis 25 ans (au moins), les ministres de la Santé successifs se sont montrés inquiets devant l’augmentation incessante des dépenses de santé. « Elles augmentent il est vrai et pour de multiples raisons, admet le Pr Édouard Louis, doyen de la faculté de Médecine de l’ULiège. Les ministres estiment même que le budget des soins de santé est devenu incontrôlable et que le nombre de médecins fait partie du problème. Selon eux, plus le corps médical est étoffé, plus les prescriptions d’actes et de traitements se multiplient. » Une supposition qui ne fait pas l’unanimité dans le corps professoral. « Mais il s’agit d’argent public puisque c’est la Sécurité sociale qui rembourse les patients, note le doyen. Contingenter le nombre de médecins est devenu un objectif gouvernemental, lequel passe inévitablement par une limitation du nombre d’étudiants dans la filière. »

Ainsi, depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral a exigé des universités une limitation du nombre d’inscrit·es en médecine en fixant un quota de numéros INAMI à délivrer à la fin du cursus. La Fédération Wallonie-Bruxelles a d’abord instauré un concours après trois ans d’études, puis après un an, mais différents recours en justice ont invalidé ces mesures, la justice estimant notamment que les quotas imposés par le gouvernement – et justifiant ledit concours – ne reposaient pas sur des analyses suffisamment fiables.

En 2017, la Fédération Wallonie-Bruxelles a alors organisé un examen d’entrée pour les futurs médecins. « Au début, il n’y avait qu’une session pour cet examen qui conditionnait l’inscription, reprend le Pr Louis. 900 étudiants et étudiantes environ étaient admis à l’issue de l’épreuve et, compte tenu de la déperdition (30-35 %) durant le cursus, près de 600 d’entre eux devraient décrocher un diplôme, un chiffre proche du quota fixé par le gouvernement. Mais la Fédération Wallonie-Bruxelles a souhaité que l’examen d’entrée comporte deux sessions, ce qui a considérablement augmenté le nombre d’inscrits, passant de 900 à près de 1500. Le nombre de diplômés “surnuméraires” risquait d’augmenter davantage et de venir gonfler le chiffre existant. La ministre de la Santé Maggie De Block avait cependant accepté d’accorder un numéro INAMI à tous les diplômés, subordonnant cette mansuétude à un “lissage négatif” à opérer les années suivantes, et ce par l’intermédiaire d’un concours d’entrée. »

Mais, au printemps 2022, le ministre Franck Vandenbroucke ne l’entendait plus de cette oreille et avait émis la volonté de faire respecter strictement et immédiatement les quotas INAMI fixés par le gouvernement fédéral1. Une fermeté qui a fait réagir le collège des doyens parce qu’elle condamnait une partie des étudiant·es inscrit·es dans le cursus à ne pas obtenir le fameux sésame. Le collège a donc proposé d’instaurer un concours à l’entrée des études de médecine dès la rentrée 2023-24, concours basé sur les nouveaux quotas fixés par la Commission de planification fédérale2, laquelle, face aux motifs invoqués par les tribunaux, est désormais chargée de planifier les besoins médicaux en tenant compte de l’évolution de la profession.

« La jeune génération ne veut plus consacrer sa vie entière au travail, observe le doyen. Les nouveaux quotas présentés par la Commission (711 diplômés par an entre 2028 et 2033, avec un pic à 744 en 2028) tiennent compte des besoins des Communautés et de l’activité réelle des médecins. Par ailleurs, ces calculs intègrent les médecins “surnuméraires”, ce qui d’une part démontre que les premières estimations étaient peu réalistes et, d’autre part, implique que le “lissage négatif” n’est plus justifié si on décide d’appliquer ces nouveaux quotas. »

C’est maintenant chose faite : il y aura, à partir de 2023, un concours à l’entrée des études de médecine et de dentisterie. Aux yeux du collège, c’est la seule façon de garantir la sérénité aux étudiant·es actuel·les et futurs tout en respectant les prescrits ministériels fondés sur les estimations de la Commission de planification.

« J’ai bien conscience que cette approche est pragmatique, conclut le doyen Édouard Louis. Certains y opposent des arguments philosophiques voire idéologiques, et je peux les comprendre. La Fédération des étudiants francophones, par exemple, est par principe contre l’instauration d’un concours. Mais le contexte politique, communautaire et budgétaire s’impose. Notre priorité est de garantir à tous les étudiant·es de médecine d’exercer, à la fin d’un long parcours universitaire, la profession qu’ils ont choisie, tout en faisant évoluer le contingentement vers une adéquation avec les besoins réels du terrain et les capacités de formation de qualité dans les universités. »

1 Le numéro INAMI est attribué à chaque étudiant·e ayant réussi les études de médecine. Il l’autorise à pratiquer, dans le cadre de la Sécurité sociale qui assure aux patients le remboursement partiel des soins.

2 La Commission de planification fédérale observe l’évolution des statistiques annuelles des professionnels des soins de santé. Elle donne un avis concernant la planification et le contingentement des professions au ministre de la Santé fédéral. Mais ce sont les commissions de planification régionales qui décident de la répartition entre spécialités.

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