3e mission

10e anniversaire de la Maison des sciences de l’homme

In Univers Cité
Dossier Marjorie RANIERI

Cycles de conférences, débats littéraires, concours d’écriture, spectacles de théâtre, ateliers d’expertises croisées, déambulations urbaines... depuis dix ans, la Maison des sciences de l’homme contribue à la mission sociétale de l’Université en organisant de nombreux événements extra muros. En parallèle, elle a aussi développé une activité éditoriale. retour sur l’histoire et sur la pertinence d’une “maison sans porte, ni fenêtre”, ouverte sur le monde.

Si la Maison des sciences de l’homme (MSH) voit officiellement le jour en 2013, sa mise en chantier est plus ancienne. Elle remonte à 2006 et à toute une réflexion menée sous les mandats des recteur et vice-recteur de l’époque, Bernard Rentier et Albert Corhay, afin d’ancrer davantage l’Université sur son territoire, pour tenter de décloisonner les savoirs et de les mettre en dialogue avec la cité. Rachel Brahy, docteure en sciences politiques et sociales, est progressivement associée aux réflexions par l’intermédiaire du Pr Didier Vrancken. Tous deux vont s’impliquer dans le chantier de cette nouvelle structure institutionnelle. Ils oeuvrent dans un premier temps à définir les missions et à poser les fondations. Le binôme est ensuite rejoint par Vanessa Hamoir et Laura Beuker pour les aider dans la coordination quotidienne de la MSH.

« Notre ambition était de créer un lieu qui, tout en étant situé à l’Université serait largement ouvert à la société civile, se souvient Didier Vrancken. C’est là que la symbolique de la maison s’est peu à peu imposée. Une maison ouverte vers l’extérieur dont l’image allait trancher avec celle de la tour d’ivoire que l’on accole (trop) souvent à l’Université. » Et Rachel Brahy de renchérir : « La troisième mission de service à la communauté a pendant longtemps été pensée ou perçue comme de la promotion médiatique visant à faire connaître l’Institution et ses chercheurs. La spécificité de la MSH, c’est d’opérer un déplacement des idées. Les savoirs évoluent. Ils sont sans cesse revisités dans l’Université mais aussi au coeur de la cité. C’est pourquoi il faut les faire circuler. »

UNE STRUCTURE QUI PREND SOIN

La mission de service à la communauté en tant que force motrice doit donc être comprise au sens large. La MSH ne se réduit pas seulement à un organe de diffusion des savoirs universitaires vers l’extérieur. Elle se définit plutôt comme une caisse de résonance qui permet l’élaboration conjointe de savoirs. Ceux-ci ne sont ni produits, ni diffusés de manière unidirectionnelle mais circulent depuis et vers l’Université pour s’enrichir mutuellement. « Notre projet est bien de proposer aux citoyens et aux chercheurs un espace où les idées sont coconstruites et mises en débat face aux nombreux enjeux contemporains qui intéressent tant les sciences de l’homme que les sciences du vivant », poursuit Didier Vrancken.

Cet accompagnement “sur-mesure” préconisé par la MSH est ciblé sur une éthique du care. Celle-ci se traduit par une réponse, une attention particulière et un soutien aux demandes émanant de l’Université ou du territoire. Les exemples foisonnent. En février 2015, une citoyenne a par exemple sollicité la MSH avec l’envie de s’informer davantage sur la problématique du traitement des déchets nucléaires. Cette sollicitation a donné lieu à la projection d’un film sur la catastrophe de Fukushima aux Grignoux et à un débat entre des chercheur·es et des associations concernées par le sujet.

« La MSH est là pour prendre soin de la relation de l’ULiège avec son environnement. Au travers des sollicitations reçues, elle tente de se mettre à la place de l’autre pour comprendre ses réalités et ses besoins. Elle s’adapte donc tant aux attentes des citoyens qu’à celles des scientifiques et des partenaires. C’est sur ce point qu’elle s’est montrée d’emblée très spécifique », fait remarquer Rachel Brahy. Cette spécificité, c’est notamment ce qui la démarque du modèle français créé à partir de la fin des années 1960. « Les MSH françaises sont apparues afin de fédérer et de regrouper des moyens de recherche en sciences humaines et sociales, tandis que la MSH de l’université de Liège est née dans un autre contexte, celui d’un engagement citoyen de l’Université et d’un ancrage au niveau des territoires et de la société. Notre structure ne vise donc pas les mêmes objectifs. D’un côté, il y a un regroupement de laboratoires qui fonctionnent parfois encore trop en vase clos et, de l’autre, une structure qui se construit dans une dynamique d’ouverture, de mises en relation et de médiation de projets producteurs de sens », poursuit la chercheuse.

UNE MAISON MOBILE

Pour aller à la rencontre des publics et favoriser cette “démocratie des savoirs”, la MSH a développé un vaste réseau de partenaires intra et extra muros : le Théâtre de Liège, Les Grignoux, le musée Grand Curtius, le Manège Fonck, Tours & Taxis, La Bellone, le Conservatoire royal de Liège, etc. En dix ans, une cinquantaine de lieux l’ont chaleureusement accueillie. En plus de ces partenariats ponctuels, la MSH peut aussi compter sur le soutien indéfectible de Réjouisciences, de Liège Creative ou encore de Mnema ASBL (Cité Miroir). Ces affinités ont donné lieu à une programmation riche qui croise les perspectives. C’est notamment le cas avec l’organisation de la conférence “Prévenir ou guérir. La gestion des risques” ou encore du colloque “Interroger le musée universitaire et ses frontières”, organisé au sein du Pôle muséal. Certains rendez-vous sont même devenus incontournables comme les concours d’expression citoyenne Aux encres citoyens ! Aux encres et cetera ! et Quelle nouvelle citoyen ?.

Le premier concours invite les élèves de 5e et 6e secondaire à un travail de réflexion et d’expression (écrite et orale) à partir d’une citation donnée. Les dix finalistes doivent ensuite défendre oralement leur texte face à un jury composé de personnalités du monde culturel, associatif et universitaire. À la clé, un voyage d’étude et de découvertes à Paris ! Le second invite les adultes à un travail d’expression écrite sous la forme d’une nouvelle. Les dix nouvelles sélectionnées sont ensuite publiées dans un recueil illustré et mis en page par des élèves issus d’une école supérieure des arts (ESA Saint-Luc Liège, Beaux-Arts de Liège).

Sophie Liégeois, directrice adjointe chez Mnema ASBL, revient sur cette association féconde : « La MSH et Mnema se complètent bien. Elles sont attachées aux notions d’idéal démocratique, d’égalité des individus, d’émancipation sociale individuelle et collective. La force de la MSH, c’est d’apporter un éclairage scientifique sur la société tandis que Mnema dispose d’infrastructures adaptées, d’un vaste réseau de contacts et d’un service pédagogique très actif. La mise en commun de nos forces vives permet de réunir des scientifiques, des acteurs de terrain, des artistes et des citoyens autour de questions essentielles pour le vivre ensemble. » Thomas Beyer, chargé de projets chez Réjouisciences, abonde aussi dans ce sens : « Nos structures avancent dans la même direction et se mobilisent mutuellement pour réaliser la troisième mission de l’Université. Si chacune possède ses champs d’expertises et ses spécificités, nous travaillons conjointement à partager des connaissances avec le plus grand nombre. »

REVENIR DES ÉCRANS À LA SCÈNE

Durant la période de la crise sanitaire, la MSH a dû s’adapter et ajuster ses activités en proposant des formats hybrides. Elle a pu maintenir la plupart de ses conférences-débats en donnant rendez-vous à son public en ligne. Avec Mnema ASBL, elle a aussi décidé d’organiser un cycle de conférences spécial intitulé “Prendre soin“ pour soutenir le personnel soignant et pour entretenir le lien avec la communauté. Les conditions difficiles auxquelles notre société a été confrontée à cette époque méritaient d’être pensées et visibilisées. Traiter cette thématique était une nécessité. « Nous avons réagi à la période de crise en prenant au sérieux les thèmes qu’elle nous suggérait », explique Rachel Brahy.

Pour témoigner son soutien au monde culturel et plus spécifiquement aux arts vivants, la MSH a ensuite décidé de faire son retour sur les planches avec la programmation du Décaméron 20.20 et d’Un homme debout. Deux pièces qui montrent comment la créativité favorise la cicatrisation des maux. « Que ce soit l’épreuve de la peste dans le Décaméron de Boccace ou de la Covid-19 pour nos contemporains, on voit à quel point l’oeuvre de l’imagination humaine aide à s’évader et à sortir d’une période difficile. »

Soirée d’anniversaire

Rendez-vous à l’Espace Rosa Parks de la Cité Miroir le 5 octobre à 18h pour célébrer l’anniversaire de la MSH avec une performance de la compagnie de danse Althéa.

Événement ouvert à toutes et tous mais inscription demandée via le site de la MSH.
www.msh.uliege.be

UNIC, un projet d’université européenne

En 2020, l’ULiège s’est engagée dans le projet européen UNIC. Celui-ci regroupe huit universités implantées dans des villes postindustrielles autour des thématiques de superdiversité et de transition sociale, économique et écologique. La MSH a été sollicitée dans cette grande aventure pour faciliter la coopération entre étudiant·es, professeur·es et chercheur·es, ainsi qu’avec les acteurs de la ville et de la société civile. Elle a joué un rôle actif dans le développement des synergies UNIC, en organisant notamment plusieurs rencontres (workshops, citylabs), y compris virtuelles entre les différents acteurs de l’alliance.

Publications et recherches

Les nombreux événements organisés par la MSH ne constituent qu’un des trois volets de son activité. « D’une part, nous veillons à soutenir la recherche en nous associant avec des chercheurs pour répondre à des marchés publics. D’autre part, nous avons lancé deux collections d’ouvrages aux Presses universitaires – La Petite collection et la catégorie Essai –, en veillant toujours à offrir un croisement des regards entre experts universitaires et issus du terrain. Un des derniers ouvrages en date, intitulé Au coeur du lobbying européen, du journaliste Jean Comte, rencontre un très beau succès », précise Didier Vrancken. La MSH a également collaboré avec plusieurs laboratoires de recherche comme le Lentic, le Crisp ou encore le Lemme.

À la demande de la compagnie théâtrale Écarlate, la MSH a par exemple mené une étude sur la présence des femmes dans le champ des arts de la scène, en collaboration avec le Centre d’étude et de recherches sur le théâtre dans l’espace social et le soutien de l’Institut de recherche en sciences sociale. Entre 2019 et 2022, elle a également réalisé une collecte de témoignages d’acteurs des politiques culturelles pour participer à la constitution d’un fonds d’archives orales relatif aux politiques culturelles en Fédération Wallonie-Bruxelles.

« Avec des collègues de Grenoble, nous accompagnons en ce moment la compagnie théâtrale Corridor dans la création d’une pièce de théâtre autour de l’arbre à clous, une croyance issue de la culture populaire qui convoque des questions passionnantes sur les enjeux immatériels. Nous collaborons aussi avec l’Infini Théâtre pour réactualiser des textes classiques comme Iphigénie et Phèdre », continue Rachel Brahy.

Convaincue de l’intérêt de croiser approches scientifiques et artistiques, la MSH souhaiterait à l’avenir poursuivre sur cette voie en soutenant d’autres projets de ce type. Pour stimuler ces collaborations, un appel à projets verra le jour prochainement.

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