Tout bénéfice

Rencontre avec Estelle Delhoune et Florence Govers, étudiantes engagées

In Le dialogue
Entretien Patricia JANSSENS - Photos Jean-Louis WERTZ

Estelle Delhoune termine son 3e bachelier en droit. Depuis les études secondaires, elle fait partie de l’organisation non gouvernementale (ONG) Amnesty international. En 2020, elle décide avec quelques étudiant·es de fonder le cercle “Amnesty ULiège”. En 2021, elle devient présidente de ce cercle et rejoint l’année suivante l’organisation de la section nationale francophone en tant que déléguée jeune. Elle participe dans ce cadre à des rencontres, conférences et formations avec les équipes des autres sections nationales à Marrakech ou à Berlin par exemple. Depuis 2023, elle est également membre du conseil d’administration de la section belge francophone. Elle est aussi, depuis 2022, membre cooptée de l’assemblée générale (AG) de la Fédération des étudiants de l’ULiège (Fédé) pour l’année 2022-23.

Florence Govers vient de décrocher son master en droit. En 2019, elle a rejoint l’équipe de l’Unifestival (une structure indépendante, mais proche de la Fédé). Membre de l’AG de la Fédé également, elle est, à ce titre, déléguée à la Commission de la vie étudiante (CVE) de l’ULiège, laquelle détermine notamment le budget accordé aux cercles et à la Fédé. D’abord responsable du catering de l’Unifestival, elle en devient secrétaire en 2021, puis présidente en 2022. Elle est encore à la manoeuvre pour la 15e édition du 5 octobre prochain.

Le Quinzième Jour : Pourquoi s’engager à l’entame des études ?

GoversFlorence-H-JLWFlorence Govers : J’ai toujours voulu étudier le droit, et j’ai adoré mes études. Mais j’avais envie de rencontrer d’autres jeunes et de connaître une vie d’étudiante en dehors des cours. J’avais aussi besoin d’un projet, d’un projet collectif qui dépassait le cadre de ma Faculté. En 2019, j’ai décidé d’intégrer l’équipe de l’Unifestival qui recherchait des bénévoles pour leur aider à monter le festival, ou des “bénégold” comme on les appelle. Je me suis ensuite présentée aux élections en octobre 2019 et j’ai été élue. Je n’ai plus quitté le comité depuis.

Estelle Delhoune : Je m’intéresse depuis longtemps à la question des droits humains. Déjà dans le secondaire – à Saint-Barthélemy –, je faisais partie d’un “Groupe Amnesty”. Inscrite à l’Université, je me rends compte qu’il n’y a pas de groupe étudiant Amnesty International en activité. Avec quelques connaissances, elles aussi étudiantes, j’ai eu envie de le ressusciter C’est ainsi qu’en 2020, le nouveau “Cercle Amnesty” a vu le jour au sein de notre Alma mater (il existe un cercle identique à l’ULB et à Saint-Louis, notamment). Pour l’organisation, il s’agit d’une section régionale en quelque sorte, une section reconnue par l’Université, la Fédé et par Amnesty International Belgique francophone.

LQJ : Combien de temps consacrez-vous à cette occupation ?

Fl.G. : L’Unifestival est concentré sur une seule journée, mais le comité (composé d’étudiants et d’étudiantes de l’ULiège et des Hautes Écoles) le prépare pendant toute l’année ! Notre objectif est d’offrir, sur le campus du Sart-Tilman, une super soirée (gratuite) aux 25 000 étudiant·es qui viennent à notre rencontre. Bien que l’Unifestival soit soutenu par l’ULiège, nous devons aussi chercher des fonds complémentaires : sponsoring privé et subsides divers (de la Province, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, du Pôle académique Liège-Luxembourg) sont nécessaires, même si notre objectif n’est pas de faire des bénéfices, mais bien d’arriver à l’équilibre financier. Les bars sont nos seules ressources sur place : la vente des softs et des bières rapporte ! Et les food trucks nous versent un droit d’entrée. La communication est donc primordiale : on colle des affiches partout et on est très présent sur Facebook et Instagram. Cette année, on a aussi un compte Tiktok. Mon mandat de présidente m’oblige à veiller à la bonne organisation de l’ensemble, poste par poste. Je suis aussi la personne de contact pour toutes les relations avec l’Université (administration des ressources immobilières, Service universitaire de protection et d’hygiène du travail, poste central d’alarme, entre autres). C’est vraiment du management. Et je n’ai jamais compté mes heures.

DelhouneEstalle-H-JLWE.D. : Disons que mon engagement dans Amnesty est bien plus qu’un hobby. Je m’y consacre totalement et, moi non plus, je ne compte pas les heures ! L’an dernier, je présidais le Cercle (uniquement composé d’étudiants et étudiantes de l’ULiège). Les initiatives du Cercle sont variées et son public est principalement constitué de jeunes inscrits dans l’enseignement supérieur, mais pas uniquement. Nous travaillons surtout dans le domaine de la formation et de l’information. En septembre 2022, par exemple, nous avons organisé une conférence sur la décolonisation (avec la participation du Pr émérite Pierre Verjans). Le Pr Quentin Michel, quant à lui, a participé à une conférence sur le commerce des armes, en mars dernier. Ces conférences se déroulent souvent place du 20-Août, et elles rassemblent une centaine de personnes. Cet été, nous avons assuré une présence aux Ardentes dans l’objectif de sensibiliser les festivaliers à la notion de “consentement” : nous avons beaucoup discuté et distribué des flyers avec les infos utiles en cas d’agression verbale, physique ou sexuelle. Ce fut intense, fatigant mais intéressant. Heureusement, grâce à l’Académie des droits humains – qui organise des formations (le soir) et délivre un diplôme –, nous apprenons à sensibiliser les personnes aux causes défendues par l’ONG et nous leur permettons de suivre une réelle formation en matière de droits humains. Nos activités nous permettent également de récolter des fonds. C’est la raison pour laquelle nous devons être visibles, sur les réseaux sociaux, FaceBook et Instagram aussi. Tout cela pour dire que l’investissement est de chaque instant.

LQJ : S’engager, cela rapporte quoi ?

E.D. : Moi, si je n’ai pas une cause qui m’anime, je ne suis pas heureuse. S’engager, c’est d’abord un épanouissement personnel.

GoversFlorence-V-JLWFl. G. : Je suis d’accord. Même si j’ai aussi cherché à rencontrer des copains, à travailler en groupe, à relever des défis. Dans un projet comme l’Unifestival, on doit tout faire. En tant que présidente, je dois respecter un budget, surveiller tous les contrats signer avec nos partenaires, organiser et superviser le montage et le démontage de l’entièreté du festival… Je dois m’assurer que les informations circulent entre les responsables pendant l’année et pendant le festival, etc. Cela nous oblige à réaliser concrètement des choses, c’est très formateur. En outre, ce projet, mené ensemble, a suscité de la cohésion dans l’équipe, de l’entraide. Ce n’est pas rien !

E.D. : Je me suis aussi engagée parce que j’avais envie de rencontrer d’autres jeunes, de découvrir d’autres mondes, tout en élargissant mon regard sur les choses. Une formation sur le système carcéral, par exemple, m’a ouvert les yeux sur une réalité que je ne connaissais pas et, surtout, a déconstruit mes préjugés. Volontaire, le travail n’en est pas moins prenant. Mais tant que la cause m’anime…

LQJ : Le statut d’“étudiant engagé” est-il utile ?

DelhouneEstelle-V-JLWE.D. : C’est utile sur un curriculum vitae. Je pense qu’il valide des compétences acquises au fil de nos expériences (les fameux soft skills) aux yeux de professionnels. C’est aussi une reconnaissance de la part de l’Université. Et cela rend officiel notre engagement dans une cause, dans une organisation. Concrètement, le statut peut faciliter certaines dispositions : modifier la date d’un examen par exemple (si l’on doit être ailleurs ce jour-là, notamment).

Fl.G. : Oui. Le statut officialise notre engagement et prouve que nous occupons un poste à responsabilités. À l’ULiège, une centaine d’étudiants – issus de la faculté de Droit, Science politique et Criminologie souvent – ont obtenu le statut. C’est beaucoup surtout quand on sait combien certains postes sont chronophages (président, trésorier, secrétaire de la Fédé par exemple). Si on m’avait dit que je passerais la nuit dans un bâtiment de l’Université, la veille du Festival …

Accompagner

À l’ULiège, des statuts spécifiques ont été conçus pour celles et ceux qui pratiquent une activité, parallèlement à leurs études.
C’est ainsi que l’an dernier, il y avait à l’Université :
- 96 étudiant·es sportif·ves de haut niveau
- 8 étudiant·es artistes
- 15 étudiant·es entrepreneur·es
- 106 étudiant·es engagé·es
www.enseignement.uliege.be/statuts

L’Unifestival est un festival organisé par les étudiant.es sur le campus du Sart-Tilman au début du mois d’octobre.Cette année, il aura lieu le jeudi 5 octobre, de 15h à 1h du matin.
Entrée gratuite.
En tête d’affiche : 2TH, Petit voyou, et Funky Fool, et bien d’autres.
À noter qu’une scène est réservée aux étudiant·es de l’ULiège qui présentent leurs compositions.
programme complet et informations sur www.unifestival.org/ et sur https://www.facebook.com/Unifestival

Amnesty International est une organisation non gouvernementale qui promeut le respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle milite notamment pour la libération des prisonniers d’opinion, pour le droit à la liberté d’expression et l’abolition de la torture. L’ONG s’engage aussi sur le terrain des droits civils, économiques et culturels.
 https://www.instagram.com/amnesty.international.uliege/#
https://wwwfacebook.com/profile.php?id=100064679023183

Share this article