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bilan net du carbone… avec des résultats quelque peu sur- prenants pour celui-ci. Première partie, les échanges gazeux (pour l’essentiel, les échanges de gaz carbonique, même si d’autres gaz sont aussi pris en compte). En hiver, le sol est nu, c’est donc le phénomène de respiration qui l’emporte : les micro-orga- nismes décomposent la matière organique présente dans le sol, d’où un dégagement de CO 2 vers l’atmosphère. Pendant cette période, la parcelle est une source de CO 2 . Dès que les cultures se développent, les parties aériennes des plantes photosynthétisent, donc captent du CO 2 qui va se transformer en glucides. Le phénomène de respiration est toujours présent, mais la photosynthèse l’emporte. La parcelle est devenue un puits de CO 2 . Mais ce qui intéressait surtout les chercheurs, c’était de tirer un bilan complet du cycle du carbone. Pour y arriver, ils ont donc tenu compte de certains apports (certains fertilisants comme des écumes de sucrerie, par exemple) épandus sur le champ et qui constituent un puits (stoc- kage) pour l’extérieur. À l’inverse, le carbone qui s’est accumulé sous forme de glucides dans les plantes et qui est exporté lors de la récolte est considéré comme une source puisque ces produits de la récolte sont consom- més quasi instantanément (il n’en irait pas de même, par exemple, avec du bois dont on ferait un meuble où le carbone resterait emprisonné pendant un siècle !). En tenant compte de ces différentes données, les chercheurs obtiennent ainsi le “Net Biome Production” (NBP) ou bilan complet de CO 2 . PRODUCTEUR NET DE CARBONE Résultat ? La parcelle étudiée est une source de carbone, environ une tonne par hectare et par an. Et c’est le cas pour les trois rotations étudiées, même si on note des différences en cours de rotation selon les cultures. « Ce rejet est équivalent à celui d’une petite voiture qui aurait parcouru 30 000 km , précise Bernard Heinesch. Cela peut paraître beaucoup mais il faut se rappeler que, sur ce temps, l’écosystème a rendu service puisqu’il a pro- duit jusqu’à 9 tonnes de grain/ha pour du froment ! Ce qui n’empêche pas d’essayer d’améliorer les pratiques cultu- rales. » Une précision qui paraît d’autant plus importante que ce bilan révèle un problème : « Le résultat présenté ici ne vaut évidemment que pour la parcelle étudiée, précise Bernard Heinesch , mais il est interpellant car il signifie que, chaque année, le sol perd 1/60 e de son stock de carbone organique ! Si cette situation perdure, cela va évidemment finir par affecter sa fertilité. » Étrangement, ce n’est pas le cas puisque l’exploitant n’a pas changé ses pratiques depuis 1990, soit depuis près de 30 ans, et que ses ren- dements n’ont pas diminué alors que le sol est censé avoir perdu près de la moitié de son carbone organique sur cette période. Une contradiction qui intrigue beaucoup les cher- cheurs de Gembloux. Une explication possible est que le sol de la parcelle a été perturbé dans le passé (ce qui induit son comporte- ment de source de CO 2 actuellement) et qu’il est en train de revenir à l’équilibre. Les pertes de carbone devraient alors progressivement diminuer. Quant à savoir de quelle perturbation il pourrait s’agir… Une erreur systématique sur ces résultats reste aussi toujours possible, même si la méthode de mesure et de calcul des flux est bien établie. Pour corroborer leurs chiffres, les chercheurs ont donc entrepris une étude de stock : un échantillonnage du contenu du sol en carbone organique a été réalisé en 2009 ; un nouvel échantillonnage est en cours afin de permettre une comparaison à dix ans d’intervalle. Les résultats sont attendus avec impatience. DES ARBRES DANS LES CHAMPS « La Care Agriculture Is Life est quelque peu différente des deux autres puisqu’elle a d’abord été une plate- forme multidisciplinaire d’une vingtaine de doctorants », explique Sarah Garré, chargée de cours, qui en a assuré la coordination depuis ses débuts. Un regroupement mul- ENVIRONNEMENT IS LIFE Le but de cette cellule est de fournir une infrastructure de qualité pour étudier l’influence de facteurs tels que le climat ou la gestion sur des services écosystémiques, à savoir les services rendus par les écosystèmes comme les produc- tions agricoles, la biodiversité, l’atténuation des change- ments climatiques ou la préservation de la qualité des eaux. Pour ce faire, la Care est composée de deux structures : l’écotron et les sites de tours à flux. L’écotron regroupe six chambres conditionnées qui per- mettent des cultures dans des conditions climatiques contrôlées. On peut, par exemple, y faire varier la tempéra- ture et l’humidité de l’air, les précipitations, la concentration en CO 2 , la température du sol, etc. Un équipement unique en Europe qui est pressenti pour devenir une des compo- santes du réseau européen Analysis and Experimentation on Ecosystems (AnaEE) en cours de formation. La cellule dispose aussi de trois sites de tours à flux (pour les cultures, les prairies et les forêts), ainsi dénommés parce que ces parcelles sont équipées de tours d’observa- tion où des instruments mesurent les échanges gazeux (les flux) entre le sol (et la végétation) et l’air [lire l’article]. Celle de Lonzée fait partie du réseau d’infrastructure européen ICOS (Integrated Carbon Observation System) ; elle est une des trois premières en Europe à avoir reçu ce label. mai-août 2018 / 270 ULiège www.uliege.be/LQJ 12 à la une

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