LQJ-271

« Il faut toutefois se méfier des ana- logies avec les animaux , tempère Vinciane Despret. Elles demandent de redéfinir les êtres selon les besoins de la comparaison. On projette alors dans la nature les éléments permet- tant de construire ces comparai- sons. C’est ce qui s’est passé avec le darwinisme social. » De plus, si une analogie souligne le caractère naturel d’une qualité pour la légitimer, elle pourrait tout autant justifier jusqu’aux comportements les plus violents. « Ce qui m’intéresse en revanche, poursuit-elle , c’est la rencontre de la diversité de modes d’organisation auxquels on n’aurait pas pensé. L’idée n’est jamais d’amener des solutions, mais d’ouvrir l’imaginaire et de miner les évidences. Tant qu’on ne battra pas en brèche l’évidence que l’hu- main est naturellement égoïste par exemple, on ne parviendra pas à s’en détacher pour penser autrement. » Actuellement, la philosophe s’inté- resse aux études du territoire chez les animaux. Mal comprises, elles peuvent servir à ériger la propriété privée comme modèle, sans alterna- tive, pour régir l’usage du sol. « En réalité , observe Vinciane Despret, rares sont les éthologistes qui parlent de propriété privée. Bien souvent, les frontières chez les animaux sont assez souples. Ce qui définit un ter- ritoire c’est ce qui est adjacent à un autre ; il peut répondre à des besoins primaires, mais pas seulement. Chez certaines espèces d’oiseaux, la ter- ritorialité pourrait avant tout servir à avoir des voisins. Chez eux, les combats sont formels et les lignes ne bougent pas vraiment. Elles garan- tiraient plutôt une manière de vivre collectivement tout en préservant des espaces de tranquillité. Le territoire devient une organisation de groupe et rompt avec l’évidence de la pro- priété privée. » septembre-décembre 2018 / 271 ULiège www.uliege.be/LQJ 39 /1%6,(* .%&#

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