LQJ-272

Grandes Conférences liégeoises le 11 octobre dernier, en a fait le cœur de son argumentation. La participation citoyenne aléatoire apparaît comme une “tension” propre à la démocratie. FONDAMENTALISME ÉLECTORAL : CHRONIQUE D’UNE ATROPHIE DÉMOCRATIQUE D’Aristote aux Lumières en passant par la Renaissance, le tirage au sort a ponctuellement été combiné aux élec- tions pendant plus de 2000 ans, de nombreux penseurs et chefs d’État relayant ses vertus égalitaires et unificatrices. « Dans la Grèce antique, retrace Min Reuchamps, des assemblées de plusieurs centaines de personnes tirées au sort créent et votent les lois, gèrent les finances, les rela- tions avec les puissances voisines. La rotation est élevée, un grand nombre de citoyens est donc impliqué dans la vie politique. Même si la notion de citoyen est très limitative, puisqu’elle ne concerne que les hommes d’un certain âge et d’un certain statut. » Pour Aristote, cette alternance entre gouverner et être gouverné est une garantie de liber- té : le tirage au sort est un processus démocratique alors que l’élection est aristocratique. Au XVIII e siècle, Rousseau se positionne dans le sillage d’Aristote. Il qualifie un sys- tème basé sur les élections d’“aristocratie élective” et estime qu’il n’est pas une alternative à la monarchie. Un glissement s’est opéré au lendemain des révolutions américaine et française. « Les révolutionnaires connaissent les systèmes de démocraties aléatoire et directe, explique Min Reuchamps. Et de cela, ils ne veulent pas. Selon eux, un gouvernement doit résulter de la sélection des meil- leurs. » Plus personne ne parle alors d’aristocratie élective. La République signe le triomphe d’une procédure préten- dument issue du peuple, rebaptisée démocratie représen- tative. Gommé des mémoires, le tirage au sort n’est plus utilisé que pour déterminer des jurys d’assises ou appeler les citoyens au front. Ce qui n’en favorise pas le plébiscite. Le seul combat pour la démocratie se joue désormais sur l’extension du droit de vote, cristallisant une distinction oli- garchique entre les politiciens et les électeurs. Le système est gravé dans les Constitutions et ne souffrira de prati- quement aucune innovation en 200 ans. La démocratie représentative devient fondamentalement élective. janvier-avril 2019 / 272 ULiège www.uliege.be/LQJ 13 à la une

RkJQdWJsaXNoZXIy MTk1ODY=