LQJ-276

mai-août 2020 / 276 ULiège www.uliege.be/LQJ 41 omni sciences J usqu’à la Seconde Guerre mon- diale, l’atmosphère terrestre ne passionne guère les scien- tifiques. On sait qu’elle est compo- sée d’azote, d’oxygène et d’argon, ses trois principaux constituants. Et de la vapeur d’eau, voire un peu de dioxyde de carbone (CO 2 ). Quant à l’ozone (O 3 ), sa présence dans l’atmosphère est détectée pour la première fois en 1913. Un jeune physicien liégeois, Marcel Migeotte, va venir boulever- ser ces certitudes, un peu par hasard faut-il le dire. En poste aux États- Unis, à l’université du Michigan, dans les années 1934-1935, il se spécia- lise dans la spectroscopie infrarouge [lire l’encadré p. 43]. Une passion et un savoir-faire qu’il va importer à Liège, à l’Observatoire de Cointe tout d’abord, où il continue d’observer… le Soleil. Car c’est bien là le but de ses recherches : en apprendre davantage sur l’atmosphère solaire. La guerre terminée, il passe à nouveau un an aux États-Unis, dans l’Ohio, à l’université de Columbus cette fois. Il braque toujours son spectromètre vers notre étoile, ce qui lui fait découvrir la présence de méthane (CH 4 ) et de monoxyde de carbone (CO) dans l’atmosphère terrestre. C’est que, en effet, les rayonnements en provenance du Soleil traversent l’atmosphère terrestre, d’où la présence dans le spectre solaire de raies d’absorption telluriques qui révèlent les dif- férents composants de notre atmosphère. C’est donc en quelque sorte par défaut que Marcel Migeotte réalise cette double découverte capitale qu’il relate en une cinquantaine de lignes seulement dans une lettre adressée à The Physical Review . Il y précise même la date de sa première observation du méthane : le 10 janvier 1948. Une date qu’il faudrait peut- être retenir quand on connaît le rôle de ce puissant gaz à effet de serre dans le réchauffement climatique. Emmanuel Mahieu, chercheur FNRS et directeur du “Groupe infra-rouge de physique atmosphérique et solaire” de l’ULiège (Girpas), lointain successeur de Marcel Migeotte, souligne d’emblée toute la perspicacité et le caractère visionnaire du physicien liégeois : « Alors qu’on pensait que la composition de l’atmosphère était stable et qu’on ne parlait évidemment pas encore de réchauffe- Ozone Succès du protocole de Montréal Depuis 1950, les scientifiques de l’ULiège surveillent la composition de l’atmosphère terrestre à l’Observatoire du Jungfraujoch dans les Alpes bernoises. Ils disposent d’une série de relevés unique au monde. Rencontre avec Emmanuel Mahieu, chercheur FNRS DOSSIER HENRI DUPUIS Marcel Migeotte

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