LQJ-276

Montréal, oui. Kyoto, non mai-août 2020 / 276 ULiège www.uliege.be/LQJ 45 omni sciences Le Protocole de Montréal, qui limite l’uti- lisation de substances susceptibles de détruire la couche d’ozone, a été un suc- cès : les concentrations des produits incriminés diminuent et cette couche se reconstitue. Alors, pourquoi ne parve- nons-nous pas à respecter la même disci- pline pour lutter contre le réchauffement climatique ? Les valeurs de concentration en HCl rele- vées au Jungfraujoch [lire l’article princi- pal] montrent la réussite du Protocole de Montréal et de ses amendements succes- sifs. Rappelons que cet accord internatio- nal, signé par 24 pays et la Communauté économique européenne en septembre 1987 et entré en vigueur le 1 er janvier 1989, réglemente l’utilisation d’une série de subs- tances, dont les CFC, susceptibles de s’at- taquer à la couche d’ozone stratosphé- rique. Depuis lors, il est présenté comme un succès de la gouvernance internatio- nale de l’environnement et, de ce fait, sou- vent opposé au Protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique, considéré comme un échec cuisant. « Il y a des similitudes et des différences entre les deux situations » , explique Romain Weikmans, chargé de recherches FNRS au sein du Centre d’études du développement durable de l’ULB. Du côté des similitudes, il y a l’opposition de grands groupes indus- triels, en l’occurrence ici l’industrie chimique productrice des CFC. Mais cette opposition ne va pas perdurer longtemps pour le cas de la couche d’ozone car le leader du marché, le groupe chimique DuPont, va rapidement trouver un substitut aux CFC. Autre simili- tude relevée par Romain Weikmans : l’at- tention portée aux pays en développement. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, en effet, certains d’entre eux produisaient aussi des CFC. Des aides vont donc être versées à ces pays via un fonds dédié à cette cause, comme il existe aujourd’hui de tels fonds multilatéraux dédiés au finance- ment de la lutte contre le changement cli- matique. Autre point de convergence : il y a des pays en pointe et d’autres qui renâclent. « Mais, s’amuse Romain Weikmans, ce ne sont pas les mêmes que pour le change- ment climatique : pour protéger la couche d’ozone, les États-Unis sont plutôt favo- rables aux contraintes alors que l’Europe traîne les pieds pour protéger son industrie chimique. » Mais il y a surtout de grandes différences expliquant pourquoi la Convention-cadre des Nations unies sur les changements cli- matiques et le Protocole de Kyoto qui en découle n’ont à ce jour pas permis d’infléchir les émissions mondiales de gaz à effet de serre. « Les causes du réchauffement clima- tique sont multiples, ses effets aussi. Dans le cas de l’ozone, c’était très ciblé et des pro- duits de substitution sont vite apparus sur le marché. Les efforts fournis ont été infimes par rapport à ceux qui doivent être fournis aujourd’hui pour lutter contre le changement climatique. Tout a été très vite dans le cadre de la lutte contre l’appauvrissement de la couche d’ozone. La Convention de Vienne de 1985 ne prévoyait guère de mesures contraignantes, mais deux ans plus tard, le Protocole de Montréal imposait la limitation de la production des substances incrimi- nées. C’est une rapidité folle, inenvisageable aujourd’hui à cause de la complexité du pro- blème mais aussi de l’opposition de certains États puissants comme les États-Unis et de l’industrie des hydrocarbures. » Et de poin- ter aussi le rôle des scientifiques : l’image du trou dans la couche d’ozone – alors qu’il s’agit plutôt d’un appauvrissement – a sans doute été déterminant ; tout le monde a “vu” ce trou et les brûlures occasionnées à la faune, la flore et les humains qui seraient situés en dessous de celui-ci ! Aujourd’hui, les scientifiques se font également entendre mais on perçoit peut-être moins bien les liens de cause à effets directs, d’autant que ceux-ci ne sont pas immédiats. Ce qui peut conduire à se voiler la face.

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