LQJ-284

SÉRENDIPITÉ Deux conclusions peuvent être tirées de ces dix années de recherches. La première concerne le métier même de chercheur. « Si je suis amoureux de la recherche, s’enthousiasme Alain Vanderplasschen, c’est parce qu’elle donne tout son sens au mot “sérendipité”. Laisser faire le hasard. Vous partez d’une question et, dix ans plus tard, vous ne vous trouvez pas du tout où vous pensiez arriver, mais le résultat est plus beau que celui espéré. Ici, nous sommes partis d’un virus qui décime les carpes et nous débouchons sur des découvertes importantes pour le système immunitaire humain ! » Car c’est là tout l’intérêt du travail accompli en dix années. Rappelons en effet que certaines protéines immunitaires ont un domaine Zalpha qui intervient dans diverses maladies. On s’est ainsi rendu compte, par exemple, que le syndrome d’Aicardi-Goutières, encéphalopathie progressive qui frappe les enfants, est dû à une mutation intervenue dans le domaine Zalpha. Quand ce domaine dysfonctionne, c’est dramatique pour la cellule et l’organisme. « On pensait que cette maladie était due à un défaut génétique d’une protéine, ce qui la rendait agressive et provoquait une dégénérescence progressive du cerveau. Aujourd’hui, on sait que c’est l’inverse, se réjouit Alain Vanderplasschen, car cette protéine sert à calmer le système immunitaire de la cellule et à l’empêcher de réagir contre cette dernière. Quand la protéine est rendue déficiente par la maladie d’Aicardi-Goutières, elle n’est plus capable de calmer le système immunitaire de la cellule et celle-ci s’autodétruit. » Comprendre comment fonctionnent les domaines Zalpha est donc essentiel pour pouvoir développer des inhibiteurs de ces domaines au niveau pharmacologique. À long terme, en comprenant leur fonction, on peut envisager le développement de molécules actives contre eux et donc des traitements. La seconde concerne le fonctionnement même de la recherche. Alain Vanderplasschen : « Pour aboutir à cette publication, il nous a fallu une dizaine d’années de recherches. Dix ans d’aventures humaines et scientifiques. Sans publication intermédiaire, ce qui est une prouesse que nous avons pu réaliser grâce à la confiance du FNRS. La recherche aujourd’hui, c’est souvent un financement de deux ou trois ans avec une obligation de résultat, ce qui exerce une pression terrible sur les équipes. Certains craquent et précipitent la publication de résultats insuffisamment vérifiés. Grâce au FNRS, j’ai pu m’investir longuement dans un projet et publier une découverte dont je suis très fier. » *Mamadou Amadou Diallo 1, Sébastien Pirotte1, Yunlong Hu1, Léa Morvan1, Krzysztof Rakus1,2, Nicolás M. Suárez3, Lee PoTsang1,4, Hisao Saneyoshi5, Yan Xu 5, Andrew J. Davison3, Peter Tompa6, Joel L. Sussman7 and Alain Vanderplasschen1, A fish herpesvirus highlights functional diversities among Zα domains related to phase separation induction and A-to-Z conversion, Nucleic Acids Research, 2022 1–25 * doi.org/10.1093/nar/gkac761 Alain Vanderplasschen janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 41 omni sciences

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