Les Cahiers du Grif

Gros plan sur la première revue féministe francophone

Dans Univers Cité

Le premier numéro des Cahiers du Grif (Groupe de recherche et d’information féministes) paraît en novembre 1973. Très vite, les 1500 exemplaires sont vendus à l’occasion de la deuxième “journée des femmes” organisée le 11 novembre au centre culturel Jacques Frank à Bruxelles. À l’initiative de la démarche, un groupe de femmes – la plus connue étant Françoise Collin – dont l’ambition est de publier une revue intellectuelle et politique qui s’intéresse aux questions sociales telles que l’avortement, la violence faite aux femmes, le travail ménager, par exemple, tout en abordant aussi des thèmes comme la création artistique, l’écriture féminine, l’amour, l’homosexualité, etc. Bref, Les Cahiers du Grif sont publiés par des femmes pour les femmes. le succès est éclatant : en 1978, ils sont tirés à plus de 7000 exemplaires et leur diffusion dépasse nos frontières. C’est l’effervescence. Le Grif est reconnu par l’Éducation permanente.

Cette revue, Caroline Glorie, assistante en faculté de Philosophie et lettres, en avait entendu parler. « Ma grand-mère, Jacqueline de Groote, a écrit dans Les Cahiers. Mais c’est en commençant ma thèse à l’ULiège que je m’y suis intéressée, sur les conseils de Laurence Taminiaux, la fille de Françoise Collin. J’ai peu à peu réalisé leur importance et, après avoir lu plusieurs numéros en ligne, j’ai organisé une après-midi d’étude, puis un séminaire interuniversitaire en 2019. Finalement, un groupe de contact FNRS “Relire les Cahiers du Grif” est créé et, au sein de ce groupe, naîtra le projet de rédiger un ouvrage à l’occasion des 50 ans de la revue.* »

Le livre, coordonné par Caroline Glorie et Teresa Hoogeveen et auquel ont participé une dizaine de chercheur·es, présente des analyses et des documents attestant du “processus de fabrication” des Cahiers. « Au début, entre 1973 et 1978, le Grif organise des réunions préparatoires à la revue, explique Caroline Glorie. Des réunions ouvertes à toutes les femmes dont les discussions sont enregistrées puis retranscrites. Des extraits sont ensuite reproduits dans les Cahiers. Les femmes présentes sont invitées à participer au numéro suivant, de telle sorte que la coordination soit opérée par des femmes différentes. » Plus tard, lors de la période parisienne, le fonctionnement de la revue change, mais elle garde les mêmes thèmes de prédilection. Les Cahiers bénéficient d’un réseau international : l’américaine Joan W. Scott y publie son important article sur le genre.

« Tous les numéros de la revue sont numérisés et accessibles sur la plateforme “Persée”, poursuit Caroline Glorie. Et pourtant, elle est très peu connue aujourd’hui. Or les textes sont solides, passionnants. À côté d’articles de fond, on trouve des récits d’expériences, des témoignages sensibles. Les Cahiers permettent aussi d’appréhender l’époque, la pensée féministe des années 1970, celle de Françoise Collin notamment. » l’ambition des contributeurs et contributrices à l’ouvrage est bien de participer à la transmission de ce matrimoine trop peu exploré encore. Le volume rassemble des matériaux distincts : articles scientifiques, documents d’archives, souvenirs divers ainsi que des entretiens récents avec Jacqueline Aubenas, Éliane Boucquey, Jacqueline de Groote, Hedwige Peemans-Poullet et Jeanne Vercheval, cinq membres fondatrices des Cahiers du Grif.

* Caroline Glorie et Teresa Hoogeveen (dir.), La première revue féministe francophone. Les Cahiers du Grif, Les Impressions nouvelles, Bruxelles, octobre 2023.

Les Cahiers du Grif sont disponibles sur la plateforme Persée.

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