LQJ-276

mai-août 2020 / 276 ULiège www.uliege.be/LQJ 43 omni sciences que les molécules de CFC étaient trop lourdes pour gagner la haute atmosphère – est ainsi prouvé expérimentalement. En 1985, Farman indique qu’un trou se forme chaque prin- temps dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique depuis 1979. Et il ne cesse ensuite de s’agrandir. C’est un coup de tonnerre dans le ciel bleu d’un développement économique jusqu’alors guère remis en cause quant à ses conséquences sur l’environnement. Car les CFC sont bien d’origine anthropique, émis par l’in- dustrie de la réfrigération ou utilisés comme gaz propulseurs. « Des mesures politiques sont prises très rapidement , sou- ligne Emmanuel Mahieu. Il y a la Convention de Vienne en 1985 et surtout le Protocole de Montréal deux ans plus tard [lire l’encadré p. 45]. Ces mesures vont porter leurs fruits comme nos observations vont le montrer . » Celles du HCl, principal composé chloré dans la stratosphère, effectuées au Jungfraujoch, vont d’ailleurs servir de référence dans les rapports de l’Organisation météorologique mondiale. « On voit très bien , analyse Emmanuel Mahieu, que les émissions de CFC qui se sont produites jusqu’à la fin des années 1980 se traduisent par une croissance de l’abondance de HCl de l’ordre de 4% par an. La concentration maximale est atteinte en 1996 avant d’entamer une décroissance d’environ 1% par an. Les mesures d’interdiction des CFC ont donc été efficaces. » Même si la courbe est repartie à la hausse entre 2007 et 2011 ? « Nous nous sommes effectivement deman- dé si de nouveaux produits nocifs n’étaient pas émis, se souvient Emmanuel Mahieu. Mais nos recherches ont montré qu’il n’en était rien : cette légère croissance s’explique par un ralentissement de la circulation atmosphérique dans l’hé- misphère Nord. De ce fait, les CFC restent plus longtemps exposés au rayonnement UV du Soleil et sont donc davan- tage convertis en HCl, d’où la croissance de la concentration observée. Mais tout est rentré dans l’ordre à partir de 2011, et ce phénomène n’a plus été observé depuis lors. » Le Protocole de Montréal tient donc toujours le coup ! DU CÔTÉ DE L’EFFET DE SERRE L’ozone et les gaz qui participent à sa destruction ne sont pas les seuls composés surveillés au Jungfraujoch. On l’a vu, Marcel Migeotte a commencé par le CO et le CH 4 . Mais au fil du développement des techniques infrarouges, bien d’autres composés se sont ajoutés, tant et si bien qu’ils sont aujourd’hui une trentaine sous surveillance constante. Et parmi eux, bien sûr, les gaz à effet de serre (GES : H 2 O, CO 2 , CH 4 , N 2 O, CF 4 et SF 6 ) dont il convient de mesurer l’évolution en support au Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris. Les courbes reproduites ici n’appellent guère de commentaires : en exactement 70 ans (rappelons qu’il s’agit ici de séries de relevés uniques au monde), les Une “gueule d’atmosphère” L’atmosphère est l’enveloppe gazeuse entourant la Terre. Elle est composée pour l’essentiel (99%) d’azote et d’oxygène ; une mul- titude d’autres substances, sou- vent en traces infimes, complètent sa composition. À cela s’ajoute la vapeur d’eau dont la concentra- tion est très variable dans le temps comme dans l’espace. Il n’existe pas de frontière entre l’at- mosphère terrestre et l’espace ; elle devient de plus en plus ténue au fur et à mesure de l’altitude. C’est pour- quoi il est convenu de dire qu’elle se prolonge jusqu’à quelque 50 000 km de la Terre. Mais une ligne fixée à 100 km, dite Ligne de Karman, a été choisie arbitrairement comme fron- tière entre atmosphère et espace. Elle a également été divisée en plusieurs couches. La plus basse est la tropos- phère qui s’étend de 6 à 8 km aux pôles et 13 à 16 à l’équateur ; c’est la couche où la température diminue avec l’altitude. Vient ensuite la stra- tosphère où la température croît avec l’altitude jusqu’à 0°C ; elle s’étend jusqu’à 50 km d’altitude et abrite l’es- sentiel de la couche d’ozone. La spectroscopie est l’étude de la décomposition – par exemple par un prisme – de la lumière émise ou absor- bée par un objet qu’on veut étudier (notamment pour le caractériser). Ce n’est évidemment pas seulement la lumière visible qui est analysée mais tout le spectre électromagné- tique dans toutes les gammes de fré- quence… dont l’infrarouge.

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