LQJ-283

Le Quinzième Jour : À quelques jours de votre prise de fonctions, comment vous sentez-vous ? Anne-Sophie Nyssen : Je suis très fière de la confiance que la communauté universitaire m’a témoignée, très fière qu’elle ait osé porter une femme à sa tête et consciente aussi que c’est un programme et une équipe qui ont convaincu les électeurs et les électrices. Après avoir été la première vice-Rectrice de l’ULiège, en 2018, je vais maintenant être la première Rectrice : c’est un nouveau plafond de verre qui se fend et c’est un signal fort pour l’ULiège. Une porte supplémentaire s’est ouverte pour les femmes. J’ai d’ailleurs vu avec plaisir que plusieurs enseignantes s’étaient impliquées dans les équipes en lice. C’est bon signe. LQJ : Dans votre programme, vous manifestez l’ambition de modifier la gouvernance de l’Université. A-S.N. : Mon objectif est de mener une gouvernance participative afin de prendre des décisions soutenues par la majorité. J’aimerais insuffler un mouvement de solidarité, de coopération dans l’Institution. On me demande si c’est une démarche féminine ! Dans le jargon de ma discipline – la psychologie du travail –, on distingue des styles de leadership : les approches orientées vers la bienveillance, le respect mutuel, la collaboration sont dites “féminines” et celles qui valorisent la compétition, l’affirmation de soi, la virilité sont dites “masculines”. C’est évidemment schématique mais je pense que, chez les femmes en général, les notions de synergie et de confiance l’emportent sur la hiérarchie et l’autoritarisme, par exemple. Il s’agit sans doute d’un changement de culture : j’aimerais notamment commencer mon mandat en écoutant celles et ceux qui n’ont pas voté ou qui ont choisi de voter “à personne”. J’organiserai des permanences pour les entendre, car ils et elles ont certainement des choses à dire. L’objectif de la participation collective est aussi d’améliorer le sentiment d’appartenance à notre Institution. Au Conseil universitaire à l’enseignement et à la formation (CUEF), que je présidais comme vice-rectrice à l’enseignement, j’ai innové en y invitant toutes les vice-Doyennes et les vices-Doyens à l’enseignement, dans une perspective de décloisonnement et de partage des pratiques. Mieux se connaître, c’est mieux se comprendre, et cela aide à participer à l’effort collectif qu’il faudra faire tant que nous serons dans un financement à enveloppe fermée. Les mêmes enjeux de l’enseignement traversent toutes les Facultés, toutes les filières, même si les réalités sont différentes. Les méthodes (cours, travaux pratiques, la simulation), les outils, les ressources sont similaires. Le nombre d’étudiants diffère d’une Faculté à une autre, d’une discipline à une autre et il faudra trouver les moyens d’une distribution équitable, mais je pense que celle-ci peut se trouver plus facilement quand nous connaissons les contraintes et les enjeux de chacun et de chacune. On dit que la méthode de la participation collective est chronophage. J’estime plutôt que c’est le contraire parce que, lorsque des décisions sont coconstruites et prises avec l’adhésion d’une majorité, leur mise en œuvre est bien plus rapide. C’est la raison pour laquelle je compte prendre appui sur les doyens. Élus par les Facultés, ils sont porteurs d’une légitimité démocratique et peuvent nourrir la réflexion des autorités et être des relais utiles. LQJ : Vous souhaitez, dites-vous, une “université humaine” ? A-S.N. : Les deux dernières années, marquées par la crise sanitaire et le confinement, ont été difficiles pour tout le monde. Pour l’Université aussi. Le recours à la technologie numérique s’est imposé brutalement à tous et à toutes, ce qui a nécessité des développements chaotiques au sein de notre Institution. Les enseignants ont réussi le tour de force de réinventer leurs cours en un temps record ; les étudiants et étudiantes ont dû faire des efforts inédits pour décrocher un diplôme (qui n’est pas bradé !) ; l’administration a dû faire face à des demandes multiples et inédites. Nous devons maintenant mener une réflexion sur l’usage de ces nouvelles technologies en évaluant leur efficacité, leur coût financier et écologique, par rapport aux bénéfices que l’on en tire. N’oubliez pas que les interactions entre les humains et les technologies dans les systèmes complexes sont au cœur de mes recherches et m’intéressent depuis longtemps. Heureusement, les cours dans les amphithéâtres ont repris l’an dernier. Heureusement aussi, le personnel a réintégré les bureaux. Je souhaite que notre Université soit un lieu où l’on aime se rendre pour retrouver les autres, pour y travailler, chercher ou étudier de manière épanouissante. C’est bien l’humain qui est au cœur de l’Université : un lieu riche, un lieu d’ouverture sur sa région et sur le monde ; un lieu qui valorise le bien-être en général et refuse, notamment, les comportements de violence et de harcèlement. Il faudra d’ailleurs renforcer encore, à l’Université, notre politique de prévention et de gestion septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ 7 l’opinion

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