LQJ-284

“La fiscalité doit se focaliser sur l’essentiel. […] Des impôts qui génèrent des revenus selon le principe que les épaules les plus solides supportent les charges les plus lourdes.“ Ce principe est exposé en toutes lettres dans l’avant-propos de l’“Épure pour une vaste réforme fiscale”. Bernard Bayot, directeur de Financité, note néanmoins plusieurs bémols. Le premier porte sur le fait que la règle d’une globalisation totale a été abandonnée au profit de la “dual income tax”, c’est-à-dire le fait de conserver deux statuts fiscaux séparés, pour les revenus du travail et pour les revenus du patrimoine. « Notre préférence allait vers une globalisation totale, 1 euro = 1 euro, peu importe son origine. » De plus, « pourquoi une quotité exemptée de 6000 euros pour les revenus du patrimoine ? Chez Financité, on milite depuis des années pour la promotion de la constitution d’un patrimoine pour tous. Aujourd’hui, 10% des ménages en Belgique ont, pour toute réserve financière, moins d’un mois de recette. Il est évident que le moindre accident de la vie (une séparation, un accident, une perte d’emploi, etc.), plonge ces gens dans de très sérieuses difficultés. Il est donc primordial d’augmenter les revenus des plus faibles de manière générale et de mettre en place des incitants publics afin de permettre la constitution d’un patrimoine, même modeste. Or, quel est le profil économique de ceux qui perçoivent plus de 6000 euros de revenus de patrimoine ? Clairement, ce ne sont pas les plus modestes ! » Le deuxième bémol concerne les nouvelles tranches d’imposition. « La proposition du ministre favorise en fait les revenus élevés en réduisant de manière linéaire la taxation. Ainsi, si vous vous situez dans la dernière tranche, taxée à 50%, vous cumulez tous les bénéfices. Si ces nouveaux barèmes devaient être adoptés, ce serait une occasion ratée de créer plus de justice fiscale entre les différents revenus du travail, même si diminuer l’imposition tout en augmentant la quotité exemptée va dans le bon sens. » L’inéquité, c’est aussi, selon Bernard Bayot, de ne pas avoir supprimé la voiture de société, même électrique. « Cette niche fiscale pose problème sur le plan environnemental et déforce le financement de la Sécurité sociale. » Enfin, même si le contexte international pèse singulièrement sur la dernière partie de la réforme consacrée aux charges sur la consommation et la pollution, il n’en demeure pas moins que ce qui est prévu en termes de TVA ressemble à « un vrai jeu de dupes ». En effet, « on a réduit la TVA sur l’électricité à 6% et, si je comprends bien, on dit qu’on va harmoniser tous les taux de 6 et 12% à 9%. Or, en réalité, il n’y a pratiquement pas de taux à 12%. Cela revient donc en fait à passer de 6% à 9%, y compris sur l’électricité ! On augmente de ce fait la taxation indirecte, la moins sociale de toutes les taxes ». Enfin, Bernard Bayot pointe la volonté du gouvernement de créer un crédit d’écotaxe pour les familles vulnérables, crédit financé par la taxe CO2. « L’objectif est louable mais attention aux effets pervers : ce sont les bas revenus qui ont le moins d’alternatives dans leurs choix de consommation. Des mesures visant à pénaliser les mauvais comportements pour l’environnement pourraient frapper ce public-là. Gare alors à l’effet “gilets jaunes” ! » L’avis de Bernard Bayot, directeur de Financité Redistribution ? Le compte n’y est pas janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 28 univers cité

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