LQJ-284

(ESA) auquel collaborent 17 groupes de chercheurs répartis dans huit pays. Un projet dont le but est d’étudier les propriétés statistiques et dynamiques des matériaux granulaires en environnement de faible gravité. Depuis 2015, cette collaboration utilise un instrument qu’elle a développé lors de campagnes de vols paraboliques. Baptisé “VIP-GRAN“, il consiste en une cellule fermée contenant des particules, deux parois opposées de la cellule étant des pistons vibrants, ce qui permet d’injecter de l’énergie cinétique dans le système. Les scientifiques peuvent alors faire varier le nombre de particules, la géométrie de la cellule, l’amplitude et la fréquence des vibrations. Des caméras, des accéléromètres et des capteurs de force d’impact mesurent alors différents paramètres. À raison de deux campagnes de vols paraboliques par an, les chercheurs liégeois et leurs collègues ont accumulé une quantité incroyable de données sur le comportement des matériaux granulaires en microgravité. « Une version miniaturisée a également été conçue pour être embarquée sur l’ISS, soupire Nicolas Vandewalle. Cela aurait déjà dû avoir lieu, mais il y a eu des retards. Nous espérons maintenant que le VIP-GRAN trouvera sa place dans la station en 2024. » Des travaux pour lesquels il vient de se voir attribuer la médaille European Low Gravity Research Association (Elgra),décernée tous les deux ans à un scientifique pour ses travaux dans le domaine des matériaux granulaires sous gravité réduite. UNE INQUIÉTUDE : L’ENSEIGNEMENT Difficile de quitter le Pr Vandewalle sans aborder l’enseignement, tant ce sujet lui tient à cœur. « La recherche n’est que la moitié du job, souligne-t-il. En tant que professeurs d’université, nous avons tous un rôle important auprès des jeunes, ceux qui entament leurs études comme les doctorants. Dès ma nomination ici à Liège, j’ai donné des cours de physique générale dans des auditoires de première année. Une expérience que je n’ai jamais regrettée et, d’ailleurs, j’y donne toujours un cours. Ces cours ont toujours nourri ma recherche et inversement. » Nicolas Vandewalle s’empresse cependant d’ajouter qu’il a connu une importante évolution au long de sa carrière. « Je dois bien constater, regrette-t-il, que les jeunes qui arrivent à l’université aujourd’hui sont bien moins armés qu’il y a 20 ans et l’épidémie de Covid n’a fait que dégrader ce constat. Pas seulement en mathématiques, en français également. Rédiger un énoncé est devenu très compliqué parce qu’on doit le rendre basique avec un vocabulaire le plus limité possible ; il y a des mots que les étudiants ne comprennent plus… » Un exemple : l’indication “facultative” se rapportant à une question d’examen a plongé un tiers des étudiants dans l’embarras ! « Cela ne concerne pas seulement les études de physique. Je sais qu’il en va de même chez les ingénieurs ou les médecins. Alors, ici à l’Université, nous avons l’impression de courir derrière un train sans jamais le rattraper. Pour garantir la réussite des étudiants, nous avons simplifié des matières, ou même supprimé certaines d’entre elles. À charge des étudiants de les découvrir par eux-mêmes si c’est nécessaire dans leur cursus. Oui, je suis inquiet. Les réformes pédagogiques dans le primaire et le secondaire ont fait disparaître des acquis importants comme les automatismes. Cela commence avec les tables de multiplication qu’on ne peut plus imposer par cœur. C’est une perte d’efficacité. L’enseignement primaire et secondaire n’apprend plus aux élèves à être efficaces, à avoir du bon sens ou à réfléchir. Je crois pourtant que, de notre côté, nous nous sommes remis en cause, avons revu notre façon d’enseigner. » Et le Pr Nicolas Vandewalle de poursuivre : « Depuis des années, nous avons ainsi décidé de démarrer très lentement lors du premier quadrimestre afin de réduire autant que faire se peut la hauteur de la marche entre enseignements secondaire et universitaire. En fait, nous reprenons tous les fondamentaux de zéro en tenant les jeunes par la main. De même, nous réservons une place dans leur cursus à des matières plus en phase avec ce qu’ils connaissent comme, par exemple, les fablabs et l’impression 3D. Ce qui m’inquiète le plus : ils ont tout à leur disposition sur internet, ils disposent de livres remarquables, d’exercices à foison pour s’entraîner, de coaching et de remédiations, ils peuvent nous interroger… Mais tout cela avec quels résultats ? Il me semble difficile d’aller plus loin dans la remise en cause de l’enseignement de la physique. Il faut toujours commencer par les fondations, pas par le grenier. Il faut toujours enseigner les bases mathématiques. Nous subissons des pressions pour intégrer des matières plus “marketing” dans le cursus, qui attireraient davantage les jeunes. Mais sans les bases, nous ne ferions qu’en “parler”, c’est-à-dire traiter le sujet de manière vulgarisée, purement descriptive, alors qu’en physique on s’éloigne du descriptif pour aller vers la compréhension profonde des phénomènes. On touche ici à un problème de société qui est la marchandisation des études. » Une flèche décochée par un archer qui rate rarement sa cible… janvier-avril 2023 i 284 i www.ul iege.be/LQJ 45 le parcours

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