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de déterminer d’après les traces retrouvées s’il s’agit bien d’un projectile, son mode de propulsion, son utilisation. PÉRIODES GLACIAIRES EN LABORATOIRE Au même moment, le TraceoLab s’est également lancé dans une autre voie : l’analyse des résidus, fragments d’os, de bois, de colle ou de sang qui peuvent rester sur les outils lithiques. « La difficulté, explique Veerle Rots, est que cela nécessite un travail sur des pièces fouillées récemment et un grand contrôle sur ces découvertes : nous devons être certains des circonstances dans lesquelles les pièces ont été mises au jour. Il faut vérifier ensuite si le résidu provient bien de l’utilisation de la pièce. Auparavant, on faisait le lien automatiquement entre résidu et utilisation. Or il peut y avoir des résidus liés à l’emmanchement, la production, la manipulation, etc. » Et dans l’étude de toutes ces traces, le temps joue un rôle important. Le temps qui passe bien sûr, mais aussi le temps qu’il fait. Car sur ces périodes, le climat a varié, tantôt chaud ou froid, tantôt humide ou sec. Les alternances gel-dégel, par exemple, provoquent des mouvements de terrain dans lesquels se trouvent les objets lithiques, mouvements susceptibles eux aussi de laisser des traces sur les objets. « Nous avons donc utilisé une chambre climatique dans laquelle nous soumettons, pendant plusieurs mois, des silex placés dans des sédiments à des alternances de froid et chaleur », explique la directrice du TraceoLab. On reconnaît là son obstination à aller jusqu’au bout, son souci du détail pour exclure toute possibilité de biais. QUEL OBJECTIF ? Les recherches de Veerle Rots et son équipe baignent dans un contexte général propre à l’archéologie préhistorique : retrouver l’humain qui se cache derrière les outils qu’il nous a laissés. Nous y reviendrons. Mais, on l’a vu, il y a aussi un enjeu particulier à ces recherches : comparer les comportements des premiers Hommes modernes avec ceux des Néandertaliens. La découverte d’emmanchements vieux de 250 000 ans en Europe montre que les Néandertaliens (seuls présents chez nous à ce moment) connaissaient cette technique, tout comme l’Homme moderne dans son Afrique natale. Qu’en est-il pour la propulsion des armes de chasse ? Nous, leurs descendants, imaginons volontiers que c’est l’Homme moderne qui a inventé cette technique. Mais rien n’est moins sûr. Et les deux l’ont peut-être inventée en même temps ! « Nous avons toujours tendance à vouloir que l’évolution conduise automatiquement, intentionnellement, à nous, les Hommes modernes. Mais ce n’est pas le cas. Cela devrait nous rendre plus modestes par rapport à la place que nous avons : un maillon dans l’évolution. » Dans son discours de remerciement au Roi lors de la remise de son prix Francqui le 1er juin dernier, Veerle Rots a défendu l’objectif de son travail en même temps qu’elle laissait percer sa passion pour celui-ci : « L’archéologie préhistorique recherche d’où nous venons, quelle trajectoire nous avons parcourue et ce qui fait de nous des humains. C’est un défi passionnant, et il est important de souligner à quel point les sciences historiques sont essentielles. Même s’il Utilisation des outils en silex : nettoyage d’une peau animale avec un outil en silex emmanché Traceolab 44 septembre-décembre 2022 / 283 ULiège www.ul iege.be/LQJ le parcours

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